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 Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]

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Arnec le Chenu

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MessageSujet: Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]   Un biscuit pour la fortune [PV Bronach] I_icon_minitimeMar 19 Mai - 9:07


15ème jour du printemps
399ème année impériale
Quelque part dans le Talamh'Vasaich

A travers le ciel du matin voué aux nuées volait un oiseau.

Il n’était pas très grand, il pouvait tenir dans deux corbeaux. Mais il était agile et rapide, flânant dans l’air de droite à gauche comme s’il se moquait du monde d’en-dessous comme de celui d’au-dessus. C’était un bel oiseau, au ramage sémillant. Filant les airs, planant sur les courants, peste qu’il était charmant. Il survolait les larges étendues spongieuses du Talamh'Vasaich, royaume de Beinn et de Baran Didom. Sous son gésier tremblotant reposaient les tourbes dans lesquelles sommeillaient les cadavres des sacrifiés, momies éternelles dont le corps serait amené à traverser les siècles et témoigner pour leur peuple devant les prochains à venir.

Et au bout de cette lande désolée et inondée, au-delà de ces arbrisseaux chétifs et prisonniers de la sphaigne, un cabanon entouré d’une maigre clôture, dont une partie semblait doucement glisser dans les tourbières. Un pauvre refuge de torchis aux murs épais, perdu dans la lande. Cet endroit, pourtant, était loin d’être en perdition, car c’était l’antre de Saoirse la Guérisseuse. L’oiseau devait s’y rendre. Il devait, car il avait été entraîné pour cela. Il savait qu’il serait récompensé pour cela.

Le volatile se percha alors sur la barrière, lançant quelques appels depuis son bec jaune-orange. Son cri était aigu et mélodieux, caractéristique. Tandis qu’il en appelait aux habitantes de la cabane, il faisait légèrement gonfler son gésier, et agitait parfois les ailes. Il attendait que la grande brune vienne à lui. Sa mission, il fallait qu’il l’accomplisse. Et il serait récompensé. Aussi, lorsqu’elle montra le bout de son nez, l’intelligent oiseau révéla sa véritable nature, et de son gosier s’échappèrent subitement des mots :

« Le roi a les mains pleines ! »

L’oiseau s’agitait sur la barrière, gonflant un peu les plumes.

« Le roi a les mains pleines ! Le roi a les mains pleines ! »

Il s’ébroua légèrement, observant la grande dame qui lui faisait face en penchant légèrement la tête. Il avait rempli sa mission. Maintenant, il devait être récompensé.

« Il est où le biscuit ? Il est où le biscuit ? »
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MessageSujet: Re: Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]   Un biscuit pour la fortune [PV Bronach] I_icon_minitimeVen 22 Mai - 0:40

Un frisson, puis ce fut l'aube. Point de clarté aveuglante ni de soleil rasant dans les vapeurs, rien que la lumière uniforme et blanche qui semblait s'élever du sol lui-même et confondre, dans les mêmes voiles, ce qui tenait de la terre et ce qui tenait de l'horizon. Le ventre des nuages s'écrasait lourdement sur les cimes des joncs perlés de rosée qu'aucune brise ne venait secouer, tout était blancheur, brouillard, bruines d'incertitude.

Au milieu, sous le ciel livide comme un œil crevé, au centre de ce monde miniature qui gîtait mollement vers l'eau trouble et ses tapis de lentilles, un long filet de fumée s'élevait du toit de la maison et s'enroulait mollement dans l'air immobile, pour se perdre dans la nuée. D'autres parfums se mêlaient à celui du simple feu de bois : ils craquaient et crépitaient en brandons et braises qui perçaient l'humidité ambiante comme les seuls points de véritable couleur dans ce paysage noyé de bruns et de gris, où même le vert des jeunes feuilles se délitait dans le même camaïeu.

Là, au milieu des touffes et des carrés de simple dont on peinait à distinguer le motif, quelques galets de plage faisaient un autel de bois flotté et d'os moussus près duquel une silhouette de femme s'était accroupie. Dans ses longues mains reposait un grand coquillage où se consumait l'offrande, quelques étoiles tombées sur la nacre usée qui dispensaient les essences pour ravir les Tuas. A l'oreille exercée, dans le mutisme poisseux du marais, le fredonnement cadencé d'une prière pouvait encore parvenir : une autre sorte de présent, confié au seul silence de l'aube.

Le roi a les mains pleines !

L'appel glissa dans le silence, étouffé par le brouillard qui l'avala tout net. Il n'y avait pas d'échos, dans Talamh'Vasaich : l'eau spongieuse et la terre affamée mangeaient tout. Les os, la chair, les sons. Le marais était jaloux et avide, et il ne rendait rien.

Le roi a les mains pleines !

Derrière la barrière, dans un nid de joncs lissés et aplatis, une oie grise secoua l'arabesque de sa gorge pour tendre un bec chafouin vers le volatile qui s'égosillait.

Il est où le biscuit ? Il est où le biscuit ?

La volaille mal embouchée caqueta d'une voix mauvaise et se secoua vivement pour se mettre sur ses pattes, les ailes prêtes à s'ouvrir ; la main cajoleuse qui glissa sur sa tête ronde sembla la retenir, et elle oscilla du chef une fois ou deux avant de se taire.

- Tout doux, Ava. Celui-là est trop vif pour toi.

Bronach darda un regard mauvais sur le noiraud, qui, dans son impatience, griffait le lichen agrippé au bois vermoulu. Elle s'était approchée en voyant l'oiseau se poser là pour mette un terme à ses oraisons matinales, et s'était tenue là un moment pour le regarder faire sagement son manège qui exigeait à présent rétribution. Les choses étaient si simples, avec les animaux : un donné, un rendu. Les dettes n'étaient pas de leur langage.

Elle s'en fut dans la maison, passant près de Saoirse qui s'était déjà mise à l'ouvrage et tressait des gousse de plantes près du feu.

- Le Righ me réclame,
dit-elle lorsque les yeux chassieux de la vieille femme lui poinçonnèrent les omoplates. Ne m'attends pas.

La chamane ne répondit pas, mais soudain son silence se peupla d'une foule de sentiments que Bronach avait appris à reconnaître sans même qu'ils ne s'expriment autrement que par le mutisme las de sa maîtresse. Les nuances qui se faufilaient dans le seul fait de ne rien dire étaient toujours étonnantes : des doutes, de la déception, une inquiétude sourde, et la désapprobation lourde et poisseuse qui n'était jamais vraiment formulée de vive voix, mais qui restait tapie comme une fange lourd et collante dont aucune d'entre elles ne pouvait se défaire totalement.

Bronach ne s'attarda pas plus : elle saisit la besace qui l'accompagnait dans ses déplacements et prit une des galette d'orge qui tiédissaient de la fournée du matin. Elle en effrita un morceau pour le jeter à Ava, puis garda l'autre dans la paume de sa main pour laisser le Beulbeulnaech s'en saisir goulûment. Le bout de son doigt replié glissa doucement le long des plumes de sa gorge alors qu'elle l'observait avec un curieux mélange d'amusement et de tristesse.

- Tu fais bien mauvaise augure, tu sais. Allez, va où tu dois, dit-elle à mi-voix, sans savoir vraiment à qui, d'elle ou du messager, s'adressaient réellement ces paroles.

Elle se mit en marche sans tarder. Si l'esprit était ailleurs, vaguant ça et là, le pied savait, de mémoire, où se poser pour suivre la sente indistincte, à peine étançonnée de paillis et de traverses de bois momifié par la tourbe. Des gués, des équilibres de mottes où l'herbe rêche s'accrochait pour soutenir une terre informe qui ne cessait de revenir à son état primaire, des pataugeoires ponctuées de rondins juste équarris, avant de retrouver la route plus large et plus fréquentée qui serpentait jusqu'à la ville.

En chemin, Bronach avala sans appétit des morceaux de son pain rustre, et s'arrêta à quelques endroits précis pour en laisser un morceau en offrande aux Spiors qui aimaient s'attarder là et avaient le goût des nourritures humaines, ou en époudriller quelques miettes pour attirer les passereaux dont ils aimaient le chant. Elle chercha des présages dans la danse sinueuse des couleuvres, et s'attarda un peu -oh, juste un peu, pour savourer ce que la solitude avait à offrir.

Au fil des heures, l'aube tourna au franc matin, aussi franc qu'il pouvait l'être dans la lande : tout juste plus de clarté, plus blanche, plus uniforme, à mesure que des silhouettes émergeaient ça et là. Les huttes des villages, les feux, les champs, les pêcheurs qui jetaient leurs filets. La vie grouillait tout autour et Bronach la traversait avec son impassibilité coutumière, retranchée d'eux et retranchée de la course du monde pour n'exister qu'à son extrême limite.

Bientôt, la rumeur de la mer cueillit son oreille d'une complainte paisible qui l'accompagna tout du long, jusqu'à entrer dans la Grande Hutte qu'elle parcourut d'un pas égal pour aller trouver celui qui la faisait quérir. Le rituel semblait immuable : le Righ parlait, Bronach venait. Le Righ ordonnait, Bronach faisait. Et toujours, toujours elle se taisait.
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MessageSujet: Re: Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]   Un biscuit pour la fortune [PV Bronach] I_icon_minitimeVen 5 Juin - 9:04

Dans le Bothanmòran s’agitaient nombre d’autres oiseaux, aux ramages plus sémillants encore, aux becs graves et garnis de longues dents. Les soldures qui encadraient le roi Arnec se paraient de cette arrogance qui caractérisaient les guerriers de renom, imités par les quelques ambactes que le souverain avait fait demander au sein de son palais. Leurs discussions étaient enflammées, gonflées pour habiller d’épique la moindre phrase, comme les héros légendaires. Mais chaque fois que le roi parlait, le débat reprenait son sérieux, sous l’influence de ses laconismes et de ses phrases plus pragmatiques ; un maître au milieu de ses chiens, un linge humide au milieu du brasier.

Puis pénétra en son domaine celle qu’il voulait véritablement voir, et de la deviner se découper entre les linteaux de bois et s’avancer sur le parquet crasseux de sa longère, un fin sourire se dessina sur les lippes d’Arnec. Dès qu’il leva sa main, tous les stentors paradant autour de lui cessèrent leurs babillages et se tournèrent d’abord vers leur roi, puis vers la direction que ses yeux prenaient. Beaucoup des guerriers gravitant autour du vieux righ étaient des familiers de sa maison. De toute sa maison… Maints regards, tantôt durs, tantôt emplis de dégoût, passèrent sur les visages silencieux des ambactes aux fourreaux rutilants. Certains d’entre eux susurrèrent même le honteux surnom de la nouvelle venue, assez fort pour être discerné, mais pas assez pour en faire une insulte.

Arnec se renfonça alors dans son siège, le regard toujours centré sur sa descendance. D’une voix enrouée mais renforcée par l’écho de la salle, il renvoya ses chiens de guerre :

« Nous parlerons de tout ceci plus tard, mes amis. Un autre souci requiert mon attention. Ce soir, venez manger à ma table, et je vous régalerai autant de mon cellier que de mes bardes. »

La manière dont ils furent congédiés sembla convenir aux braves, qui se fendirent de quelques révérences du chef tout en se drapant dans leurs saies pour se dérober à la salle, en veillant à ignorer royalement la femme qui venait d’interrompre leur entrevue avec le roi. Une fois seules, les deux âmes se jaugèrent. Arnec resta ainsi longtemps silencieux à la regarder. L’emprise des saisons sur sa descendance avait toujours fasciné le vieux roi, qui avait l’obscur privilège de voir la peau de ses enfants se taveler de taches de vieillesse, le visage de ses petit-enfants se rider, et ses arrières-petits-enfants grandir pour devenir des hommes et des femmes faits. Cette femme qui se tenait devant lui était de ces petites filles qu’il avait naguère fait sauter sur ses genoux. Et bien que l’exercice paraisse aujourd’hui hasardeux, les souvenirs les plus lointains restaient, pour une raison qu’il ne s’expliquait, d’une étonnante vivacité.

« Approche, mon enfant, que je puisse te voir de plus près. Ma vue baisse, ces derniers temps. Ruigsin reprend ses bienfaits, à moins qu’il ne s’agisse d’un énième tour de Tinneas. »

Il fit signe également à ses serviteurs de le laisser. Il souhaitait être totalement seul avec Bronach.

« As-tu au moins fait bon voyage ? »
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MessageSujet: Re: Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]   Un biscuit pour la fortune [PV Bronach] I_icon_minitimeVen 5 Juin - 15:06

Sans rien dire, Bronach s'était avancée, gorge nue et mains vides, pour se mettre à portée de l'attention de la troupe qui entourait l'ancêtre, comme on s'avance volontairement à la merci des armes. Le seul fer qui fut sorti, c'est celui des paroles, des murmures, des regards qui hérissaient les fronts bardés de fer et de cuir. Les visages familiers, parfois de son propre sang, arboraient ce masque qu'elle avait appris à connaître et qui mêlait le mépris à la haine d'une vengeance inassouvie. Longtemps, longtemps encore, le sang sur ses mains lui devait être rappelé, comme si, à une seconde de sa vie, elle pouvait se permettre de l'oublier !  

Mais Bronach avait l'habitude. Bronach se taisait, chaque fois, et faisait mur et muraille de ses yeux d'eau morte contre les piques et les lames qui se faufilaient dans un chuchotement juste assez fort pour être humiliant. Elle préférait le plein tranchant, le couperet clair et brutal de la détestation pure et simple que certains avaient pour elle : les eaux saumâtres du mépris malmenaient bien moins son orgueil, ou ce qu'il en restait. Sous la paupière cernée, la pupille ronde dressait un bouclier d'acier mat qui semblait avaler la lueur du jour coulé dans l'humidité de l'air. La bouche ne s'ouvrit que pour saluer le roi, sans rien perdre du pli inflexible, impassible, qui modelait son visage dans une semblance de pierre morte.

Elle s'inclina, avec déférence, et resta droite au milieu des hommes passaient à sa hauteur en s'éloignant. Des mots fusèrent à ses oreilles quand ils traversèrent comme un flot cliquetant, et cela lui arracha presque un sourire, une grimace sardonique qui se riait de sa propre infortune et de ce pardon qu'on lui refusait. Bronach obéit à l'ordre, fit quelques pas pour se porter au devant de son aïeul : la sollicitude du vieillard avait toujours quelque chose de douce-amère à son cœur, mais elle avait appris à ne rien montrer, face à lui. Ne pas lui laisser de prise, parce qu'elle savait fort bien ce que ça pourrait lui coûter. Il arracherait tout ce qu'il pourrait trouver d'aspérités, parce qu'il la voulait affûtée comme le fil d'une lame, et rien d'autre.

- Oui,
acquiesça-elle, et elle porta à son tour un regard inquisiteur sur celui qui lui faisait face. Il y avait quelques présages laissés par les Spiors.

L’œil gris scruta, sans ambages et sans pudeur tout ce que l'âge prélevait de tribut à la chair du roi des marais. Il décortiqua, pièce par pièce, en se demandant parfois ce qui pouvait encore animer cette vieille carcasse qui, de son perchoir, avait tout pouvoir, ici. La santé semblait aussi bonne que pouvait l'être celle d'un homme presque grabataire et comme souvent, il lui semblait que c'était la seule force de l'esprit qui imprimait son mouvement au corps qui ne tenait que parce que Arnec refusait de mourir.

- Je te trouve pourtant bien portant, mo righ,
reprit-elle d'une voix douce.
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MessageSujet: Re: Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]   Un biscuit pour la fortune [PV Bronach] I_icon_minitimeSam 6 Juin - 8:57


La dernière remarque de Bronach fit éclater de rire Arnec. Ce n’était pas un rire tonitruant, mais une doucereuse grimace sonore, un ricanement diffus sifflant entre les dents légèrement desserrée du souverain. Il ne savait guère s’il s’agissait-là d’insolence camouflée de politesse, ou une véritable complaisance, bien que maladroite. Car si tous ici honoraient son grand âge, Arnec commençait à trouver le temps fort long, coincé dans cette enveloppe anormalement tenace.

Il répondit à sa petite-fille :

« Bien portant… Si seulement ma goutte pouvait t’entendre. »

Puis son regard se tourna légèrement vers la gauche, et il héla :

« Burú, va fermer la grande porte. »

De la gauche d’Arnec, comme vomi des ombres, la silhouette massive d’un géant sortit pesamment de la pénombre, se dirigeant vers la porte. Sur son chemin se trouvait Bronach, l’une de ses cousines. L’énorme simplet s’arrêta devant elle avec un grand sourire béat, et la prit soudain dans ses bras, la levant au-dessus du sol dans une étreinte affectueuse et légèrement étouffante. Fort heureusement, elle ne dura guère, et le colosse reposa Bronach au sol sans un mot, continuant son chemin jusqu’aux puissants gonds de la salle du trône pour la fermer aux curieux et aux gens de maison. Soudain, la salle était devenue un enclos, une forteresse dans laquelle Arnec pouvait être véritablement lui-même. Dès l’instant où Burú commença à revenir sur ses pas, le roi reprit la parole, jouant distraitement avec l’anneau royal à son doigt.

« Quels présages les Spiors t’ont-ils laissés, Bronach ? Des présages de mort ? Des présages de souffrance ? »

Arnec avait été direct, peut-être un peu poussif. Mais voilà quelques jours déjà, un étrange voyageur lui avait rapporté des troubles qui, s’ils ne l’avaient guère inquiété sur le moment-même, devaient néanmoins être pris avec tout le sérieux qu’ils méritaient de recevoir. Après tout, les druides ne parlaient jamais de sujets futiles, ni en des phrases inutiles.

« Qu’as-tu vu dans les eaux saumâtres de mon royaume ? »

Le regard gris clair du righ était posé sur sa descendante, avide qu’il était d’entendre ses augures.
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MessageSujet: Re: Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]   Un biscuit pour la fortune [PV Bronach] I_icon_minitimeSam 6 Juin - 22:09

Bronach grimaça un sourire, tout au plus une rétractation des lèvres qui lui fit montrer les dents. Elle s'abstint de poursuivre, parce qu'elle savait qu'il était inutile de répliquer, et parce que déjà Burù s'avançait vers elle en faisant craquer le bois sous lui. Elle profita de ce que le géant s'interposait entre elle et son grand père pour se permettre l'un de ces sourires qu'elle gardait, comme un secret, à l'abri de l'attention inquisitrice de l'aïeul. Les fragiles moignons de ce qui lui restait d'humanité ne pouvaient vraiment s'épanouir que dans l'ombre, mais le petit hoquet de surprise qui vida tout l'air de ses poumons quand il la souleva de terre ne dissimula peut-être pas assez le rire qui avait pris son essor au fond de sa gorge.

Lorsque ses pieds retrouvèrent le sol, elle rajusta dignement ses atours sévères et attendit que la porte se ferme et que Arnec s'exprime. La chamane resta silencieuse un instant, et la grisaille de ses yeux fit comme un miroir à ceux du vieillard. L'un dans l'autre, le sang ne pouvait mentir et c'était la même teinte qui se logeait sous leurs paupières.

- Feux et fumée, mo righ, voilà ce que j'ai vu. Tout ne parle que de la guerre qui s'en vient.


Une pause. Elle rassembla ses pensées, comme le fuseau tire le fil d'une ouate de laine brute. De toutes choses, elle savait qu'Arnec comprenait le langage diffus et changeant des présages et des songes, la lente stratification des énigmes qui gisaient sous la surface du monde.

- C'est encore loin,
reprit-elle. Mais les esprits s'agitent, comme les bêtes avant l'orage : ils attendent. Certains s'impatientent, je crois.

Bronach se tut de nouveau, puis sa voix reprit son envol pour se suspendre dans l'atmosphère confinée qui tissait des obscurités profondes comme des gouffres. A celui qui avait, un temps, emprunté le même chemin qu'elle, elle livra ce que l'aube lui avait confié dans les remous des encens, dans le vol des oiseaux et les sinuosités des couleuvres nichées dans les vasières. Précis, concis, son ton de couperet débitait les faits sans rien omettre : la tension constante, ramassée, contenue, qui étirait toutes choses dans ce calme irréel qui précède la tempête, cette oscillation de pendule qui saisit le pas quand il se suspend au bord du gouffre.

- La vieille mère partage mon sentiment,
acheva-elle enfin. C'est la fin d'une ère, ou la fin d'un monde : quoiqu'il en soit, ce qui se meut à l'Est pour venir vers nous sera la fin de ce que nous connaissons. Aucun d'entre nous n'a pu percer le voile pour voir plus loin que la vague qui arrive, et j'ai eu beau porter mon regard le plus loin possible, je ne vois rien au-delà de cet écran de fumée. Je crois bien qu'il a encore trop d'incertitudes pour discerner la forme des choses à venir.

Et pourtant, elle avait cherché. Après le passage de Gaukka, elle avait cherché sa trace ou celle de l'avenir de son entreprise incertaine, comme on suit le parcours d'un seul fil au milieu de la tapisserie mais elle savait qu'il était encore trop tôt.
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MessageSujet: Re: Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]   Un biscuit pour la fortune [PV Bronach] I_icon_minitimeDim 28 Juin - 13:51

Arnec écouta sa petite-fille tout en se grattant pensivement la barbe. A chaque passage de sa main ridée entre ses mèches grises et usées, une nouvelle vision. Feu. Fumée. Guerre. Lui-même formé aux arts chamaniques dans sa jeunesse, le vieillard respectait les augures et haruspices disséminés par les Spiors dans les royaumes terrestres. Cependant qu’elle continuait à lui livrer ses secrets, Arnec tiqua. Ce n’était pas la menace imminente venue de l’Est, dont il s’était déjà entretenu avec l’honorable Gaukka, qui lui faisait prendre mauvaise mine : plutôt le fait que Bronach fréquente encore cette vieille bique à l’esprit trop émoussé. Il avait espéré que l’hiver l’ait fait trépasser, mais apparemment, les dieux n’étaient pas seulement de son côté.

« J’ai accueilli en ces murs un homme qui m’a tenu un discours similaire. La menace dont il m’a fait part se trouverait au-delà des bois de Tuadan. Cependant, la menace la plus imminente pour nous, et tu ne le sais que trop bien, se trouve juste à nos frontières, mon enfant. »

Le vieux roi tenta de se relever, mais abandonna après un léger gémissement, se renfonçant dans son trône. Burú lui jeta un regard bovin, auquel Arnec répondit sèchement d’un signe de la main, signifiant qu’il n’avait pas besoin d’aide.

« Peu importe ce qu’il se trame à l’Est. Dans l’immédiat, c’est le problème d’Ùltan. Le nôtre, c’est la reprise prochaine de la guerre avec les hommes des collines. »

Arnec croisa les mains devant lui. Il avait un peu dur avec son arthrite, mais se fit violence, grimaçant presque.

« Notre cousin, le righ Arvel, est déjà aux frontières. Ces sauvages n’ont que la guerre à l’esprit. Qui sait, voilà peut-être ce que rapportent tes visions. La fumée, le feu, la guerre. Voilà les seules valeurs de troc pour les Cléirigh et leur pitoyable chef. »

Arnec avait le regard concentré sur Bronach. Il devait cependant avouer que la récente cataracte qu’il s’était découverte au lendemain de la visite de Gaukka n’allait pas alleren s’arrangeant. Déjà un léger halo blanc lui encadrait la vision, et Bronach apparaissait comme venue d’un rêve éthéré. Il fit une pause, s’humectant les lèvres, avant de reprendre d’une voix calme et solennelle :

« C’est notamment pour cela que je t’ai demandé de venir, mon enfant. »

La guerre. Toujours la guerre.
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MessageSujet: Re: Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]   Un biscuit pour la fortune [PV Bronach] I_icon_minitimeDim 28 Juin - 14:46

Le regard aiguisé épia la réaction, la parole, et le geste. Avec son calme coutumier, il chercha l'indice de la douleur et tout ce qui pouvait en dire plus long sur l'état de santé du vieillard mais Bronach n'y vit rien de plus alarmant qu'à l'ordinaire : la carcasse geignait et grinçait comme celle de la demeure secouée par les vents marins.

- J'écoute.

Impassible, l'eau morte sous les paupières. Pas un souffle, juste un prémisse, et Bronach demeurait sans bouger. Elle se souvint de ce qu'elle avait dit à Gaukka, que les souverains ne se préoccuperaient de la menace qu'une fois à leurs portes : Arnec, dans toute sa sagesse, semblait se dire qu'il faudrait que les collines et les forêts par-delà leur frontière soient toutes en cendres avant de s'intéresser à ce qui s'élevait dans l'Est. Elle ne pouvait l'en blâmer si leurs voisins directs revenaient patauger dans leurs fondrières avec le couteau entre les dents.

A l'extrémité de sa conscience, le souvenir grattait encore, comme un rat pris au piège. La guerre, la guerre, jusqu'à l'anéantissement. Si le feu qui couvait sous la cendre devait à nouveau s'éveiller, elle avait le sentiment que ça ne serait que des escarmouches, presque des jeux d'enfants, comparé à ce qui venait et assoiffait l'esprit des Spiors. Mais pouvait-il l'entendre, le vénérable aïeul ? Elle oscilla légèrement du chef, comme un oiseau amusé.
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MessageSujet: Re: Un biscuit pour la fortune [PV Bronach]   Un biscuit pour la fortune [PV Bronach] I_icon_minitimeMar 30 Juin - 11:13

Laconisme éloquent. Arnec avait devant lui l’arme qu’il fourbissait depuis des années déjà, malgré les maigres tentatives de la vieille sotte pour l’émousser. Il avait souvent cherché à écarter Bronach de cette horrible mégère, sans pouvoir se résoudre aux extrêmes. Car s’il cédait à cette voie de facilité, les Dieux savaient qu’en plus de perdre une rivale, il perdrait aussi la raison pour laquelle il la réduirait au silence.

Le vieux roi cessa donc de tourner autour du pot.

« Arvel et moi avons observé des changements à la frontière. Nos vassaux excitent les Cléirigh, malgré nos tentatives pour les brider. De l’autre côté, connaissant les hommes de Magetobrigos, on doit déjà fourbir les armes. »

Il tenta à nouveau de se lever, y mettant plus de conviction malgré les douleurs lui tenaillant les pieds et les articulations. Avec une mauvaise grimace, il se tendit sur ses jambes légèrement flageolantes, essayant de ne pas paraître voûté. Et pourtant, pour ceux l’ayant connu dans ses plus jeunes années, à savoir bien peu de gens encore vivants, il n’était plus que l’ombre de lui-même. Seul son regard intense et féroce démentait sa sénilité. Une fois debout, il agrippa une sorte de gourde qu’il avait accrochée à sa ceinture. Elle semblait tout à fait ordinaire, mais Arnec la montra à Bronach comme s’il s’agissait d’une relique du passé.

« Le Muir-Thìrich m’a donné ceci. Tu te doutes de ce qu’elle doit bien contenir… J’aimerais en faire cadeau à l’un de ces turbulents ambactes qui excitent mes gens à la frontière. Je pense que ce serait dans tes cordes. »

Avec un sourire mauvais, il lui tendit l’outre mystérieuse, puis se rassit promptement avec un soulagement incommensurable.

« Ces imbéciles ne comprennent rien. La paix leur est si étrangère qu’il aura fallu l’intervention des dieux pour calmer leur ardeur guerrière. Je ne veux pas d’une nouvelle guerre de la brogue sur les bras. »

Arnec appuya sa tête contre le dossier de son trône, lâchant un soupir rauque.

« L’un des Mhàgachfir t’attendra dans le Boglachòmar. Tu te souviens sans doute de la vieille cabane d’Ùbatha, celle où toi et tes compagnons retors vous retrouviez entre chaque méfait ? C’est là-bas qu’il sera. »

La manière dont Arnec était si bien renseigné des secrets des Mhàgachfir était troublante. Mais il était de notoriété publique que le vieux roi était de connivence avec leur mystérieux chef, et semblait même étroitement collaborer avec lui.
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