L'Embûche fumante

Le vent fouettait le faciès du Roi avec la force et la vigueur d'une tempête naissante. Autour de lui, la pluie tombait en cascade myriadique, expulsé avec hargne par une foule de cumulus grisâtre et menaçant. L'air semblait aussi lourd et froid que l'acier, le respirer à pleine rasade se transformait en une souffrance chronique, vous brûlant de l'intérieur et vous laissant aussi pantois qu'après un coup de surin dans la poitrine. La brume elle aussi s'invitait à la liesse climatique, serpentant entre les troncs et les rochers, occultant la vue et transformant chaque trou en une crevasse mortelle. Il existait de bien meilleurs temps pour une embûche, à dire vrai, pour sûr qu'une âme moins têtue aurait laissé sa chance au temps en préférant jour plus clément. Mais il n'existait personne en ce monde pouvant dévier le Sanglier de son projet : une fois la décision prise, il s'y tenait jusqu'à réalisation.

Ainsi, Magetobrigos et ses hommes avaient quitté la capitale depuis plus de trois jours maintenant. Accompagné par ses soldures et ses ambactes, il était aussi suivi par une foule de piqueux et autres rabatteurs prenant par à la chasse. C'était fait commun pour lui que de partager tel moment avec son peuple, de tout temps, il avait choisi de rester proche des siens, dussent t'ils être de parfait idiot. Bien sûr, les guerriers avaient effectué un tri, recalant les trop traînard, bousculant les incapables et molestant les vantards : la meute du Roi des Collines ne pouvait accepter les faibles dans ses rangs.
Coille Smocaidh était son but. Bien que la saison soit avancée, elle restait propice à la récolte d'impressionnant massacre ; mais le temps pressait, bientôt tous les élaphes de la Forêt Fumante se trouveraient délestés de leurs nobles autours. Et Magetobrigos ne souhaitait en aucun cas courir la biche et le faon, c'était là, la tâche des chasseurs et autres fourrageurs, pas celle d'un Roi.

Il n'avait laissé aucun repos à son escorte, traversant les vallons sans prendre le temps de s'y attarder plus nécessaire. Chevauchant sur sa fidèle rosse, ses soldures le suivaient de prêts et comptaient dans leurs sillages un jeune druide, Bodocenus. Le saronide avait finit son apprentissage depuis peu et n'était rattaché à aucun val, préférant de loin le faste de Dùnlodunum. C'était un ovate efficace ayant toujours eu un don pour déchiffrer les signes venus des Dias ; cela lui avait valut plusieurs remontrances des anciens, mais l'homme c'était toujours défendu en pronant ses nombreuses réussites comme une preuve de son savoir. Magetobrigos l'appréciait. En réalité, il appréciait sa vigueur, car Bodocenus était l'un des seuls parmi les savants à pouvoir le suivre dans ses traques. Et la présence d'un prêtre lui était toujours propice à ne commettre aucun impair. Surtout quand il s'apprêtait à passer la lisière d'un bois mystique. On avait procédé à une offrande avant de fendre les premiers troncs. Un torque d'or détruit, une jatte de corma et un morceau de venaison séché. Le tout fut consacré sur une pierre plate symbolisant Ruigsin.

Le résultat ne fut pas probant : si les Dias et les Tuas veillaient à cette expédition, ils semblaient aussi veiller sur la faune de la forêt. Pis encore, quand le temps se détériora nettement, Magetobrigos douta de la bonne formule adressée à Tuinn et Ana, avait t'il était trop chiche sur le présent ? Sans doute, car Beinn lui aussi s'en trouva courroucé et le fit savoir en brisant la patte d'une rosse servant à la remonte qui tapa sur la saillie d'un rocher. Autant dire qu'après une journée et une nuit dans ses conditions, le Sanglier en vint à douter lui aussi des capacités de Bodocenus. Pourtant, le druide ne perdit rien de sa faconde et continuer d'affirmer, que cette chasse se trouverait couronnée de succès.

C'est au matin, qu'un rabatteur d'une douzaine d'années coupa la morosité ambiante, d'une voix fluette complètement brisée, il hurla au dix-cors. Les dresseurs de limiers s'en remirent par dépit à la trace, mais bientôt les chiens marquèrent proprement. La piste s'enflamma autant que l'espoir dans le cœur du Roi. Le druide voulut s'affirmer, mais Magetobrigos ne lui en laissa pas le temps et hurla, toutes dents dehors.

« OU-DA ! OU-DA ! À l'embûche mes braves ! »

Et tel un seul homme, ils s'élancèrent à sa suite.