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 Qui pisse face au vent se rince les dents

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Primo Sicinius Scorpa

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Primo Sicinius Scorpa

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MessageSujet: Qui pisse face au vent se rince les dents   Qui pisse face au vent se rince les dents I_icon_minitimeDim 6 Déc - 2:45


Premier jour de Tertio Seminare, An 399

Dans le quartier de Bassium, un vent aigre sifflait dans une rue étonnamment déserte - ou presque. Depuis l'aube, un groupe d'affreux s'est mis à faire le pied de grue en face de la demeure des Sevinii, de l'autre côté de la rue, sans oser la franchir pour le moment. Ils étaient cinq hommes au départ, enveloppés dans des tuniques de mauvais tissu, dissimulant leurs poignards dans des gestes si étudiés qu'ils semblaient, au contraire, les montrer ostensiblement. A chaque heure, un groupe de nouveaux arrivants venait grossir la bande. A en juger par leur faciès de brutes, ils étaient de ces vétérans que la fin de service dans la légion avaient laissé pour compte, et qui vendaient leurs gros bras à l'exécution des basses œuvres de patriciens querelleurs. A ceci près que ces hommes-là semblaient très précisément être payés à ne rien faire ; depuis des heures, ils restaient là, immobiles et si peu discrets qu'il était clair que leur volonté était d'être remarqués. Lorgnant l'entrée de la demeure, scrutant de leurs petits yeux porcins les allées et venues, ils ne manquaient pas d'intimider les domestiques qui s'affairaient à l'entrée de service. Ils n'en demeuraient pas moins, dans les faits sinon dans l'apparence, parfaitement inoffensifs.

Une tension sourde s'était emparée de la cité depuis quelques jours. Rien qui ne perturbât vraiment les activités quotidiennes des uns et des autres, patriciens comme plebéiens ; mais il flottait dans l'air quelque chose de vicelard qui attisait la méfiance des uns et des autres, tout particulièrement dans les quartiers les plus riches. Nombre de patriciens avaient, ces derniers temps, fait renforcer leur garde de quelques épées louées, comme en prévision de quelque coup fourré. Il faut dire que les prétextes au désordre ne manquaient pas ; les rares nouvelles de la capitale n'étaient pas réjouissantes. L'empire vacillait, malade ; si la vie suivait son cours normal en Oncmélie mineure, car l'on était après tout loin de ces remous, tout ceci n'inclinait guère à l'espoir de jours meilleurs.

Mais il n'était nullement besoin d'aller chercher si loin les causes de tourment. On en trouvait à Edelmia même. Quinze jours plus tôt, la disparition de la fille du préteur - et accessoirement, celle du simplet qui lui tenait lieu de fils, quoique le sort de ce mioche ne semblât pas intéresser grand monde - avait semé le trouble. Ce n'était pas que la nouvelle ait particulièrement bouleversé les petites gens, ni suscité une grande compassion, surtout quand on savait quelle relation Primo Sicinius Scorpa entretenait avec la plèbe. Non, ce qui entretenait le trouble, c'est que cette disparition restait, pour l'heure, inexpliquée - publiquement du moins. Le préteur, qui avait quitté la Curie au beau milieu d'une séance en apprenant qu'on s'était attaqué à sa famille, s'était depuis muré dans un silence qui ne disait rien de bon. Avait-on mis au jour les responsables de ce crime ? Il y avait bien eu des enquêtes ; on disait même qu'il y avait eu des arrestations, et quelques nuits plus tôt, des combats avaient éclaté dans une rue et le propre fils aîné de Scorpa avait été gravement blessé. Avait-on identifié les auteurs du rapt et tenté de les appréhender ? Les rumeurs, en fait, allaient bon train, mais aucune voix officielle ne les corroborait jamais. La plupart pointaient vers un seul et même responsable : la famille Sevinius, dont le pater familias, Lucius Sevinius Galba, censeur d'Oncmélie, était notoirement l'ennemi politique du préteur Scorpa. Mais pour l'heure, ce dernier ne s'était fendu d'aucune accusation publique. Ce mutisme alimentait les théories les plus folles, si bien que dans les tabernae, on n'hésitait pas à conjecturer que le préteur, en quête d'un crime à mettre sur le dos de ses ennemis Populares, avait zigouillé lui-même ses enfants.

Pour les quelques badauds qui s'attardaient dans les parages, il était difficile de ne pas faire le lien entre cette histoire et la bande de soudards qui prenait le soleil en face de la demeure du censeur. Finalement, lorsque les trois cadrans de la Tour des Vents d'Edelmia indiquèrent Meridies, le préteur Scorpa apparut lui-même, chevauchant un étalon blanc, escorté de cavaliers et de licteurs. Les soudards semblaient visiblement l'attendre puisqu'ils s'écartèrent à son passage, et lorsque le préteur guida sa monture jusqu'à l'entrée de la domus Sevinii, ils s'avancèrent à sa suite.

« Lucius Sevinius Galba ! » tonna sèchement le préteur Scorpa. « Tu es un criminel et un voleur d'enfants. Viens t'en assumer tes crimes devant moi, si tu as une once de dignité. Sors d'ici, que nous parlions d'homme à homme ! »
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Lucius Sevinius Galba

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MessageSujet: Re: Qui pisse face au vent se rince les dents   Qui pisse face au vent se rince les dents I_icon_minitimeSam 12 Déc - 9:27


Quelques jours à peine après être rentré de campagne, et voici que les tracas de la ville revenaient brouiller la quiétude du censeur et de sa gens. Depuis la brune, ses serviteurs nerveux faisaient des allers-retours entre l’intérieur et l’entrée, passaient leurs vilains minois à travers les arcades pour observer en contrebas les quelques gredins venus intimider leur maître. La domus, d’habitude si chantante le matin, était aujourd’hui parcourue d’une sombre rumeur, d’une tension qui tuait le chant pour laisser place au bruit feutré et rapide des pas. Cette situation n’était pas normale et Galba n’était guère le genre d’homme à apprécier ces petits désagréments au saut du lit, si en sauter lui était seulement capable.

D’abord, il avait été réveillé par la voix timorée de Lucullus, son plus fidèle esclave. Le plaisir de retrouver Aurelia dans sa couche avait été de courte durée, car il avait remarqué qu’elle était déjà levée. En fait, il était sans doute le dernier d’entre tous à s’être éveillé. Lorsqu’il avait rudoyé Lucullus à propos de ce détail, celui-ci n’avait fait que lui répondre :

« Maître, nous pensions qu’ils se disperseraient avec l’arrivée de tes clients, la maîtresse Aurelia a envoyé Mucio les prévenir... »

« Et sont-ils arrivés, mes clients ? »

L’esclave hocha de la négative, regardant le sol. Galba vit rouge, et sortit pesamment mais énergiquement de son énorme couche pour beugler qu’on le prépare. Les esclaves trouvèrent un certain réconfort à répéter à nouveau les gestes d’un quotidien aujourd’hui incertain. Le simple fait d’habiller le gros censeur et d’aller lui chercher sa collation et sa femme était assez rituel pour émousser la nervosité générale. En revanche, il n’y avait rien à faire pour le patriarche des Sevinii : il était bien remonté.

Lorsqu’il déboula à l’extérieur après avoir barricadé son épouse dans une pièce, il le fit en compagnie de Rufus Pupius, un ancien centurion devenu l’un des gardes du corps du curiate. Tandis que ce dernier était gros et tassé, le redoutable molosse lui était un grand gaillard sec et musclé, comme un de ces barbares d’outre-limes, avec lesquels il partageait sa chevelure flamboyante, quoique grise aux tempes. L’effet comique du duo était atténué par la gravité de la situation. Une situation d’autant plus grave qu’une fois sur son perron, encore à bonne distance de la grille, il put observer avec une certaine gêne le meneur de cette étonnante assemblée. Qu’est-ce que cet empoté de Primo foutait à cheval au milieu de toute cette mauvaise bagaude ? La présence des licteurs n’était pas non plus pour le rassurer, car elle donnait un vilain cachet officiel à toute cette saynète. Pourtant, ce n’était pas les manières de Scorpa, et il préférait largement leurs joutes verbales à des démonstrations musclées de ce genre.

Il décida de s’avancer plus avant, observant son hostile rival sur son cheval blanc. Puis de sa voix puissante et coffrée, il l’apostropha :

« Parler d’homme à homme ne m’a jamais dérangé avec toi, Scorpa, alors pourquoi ramener avec toi la pire des canailles et les licteurs ? Que se passe-t-il qui puisse me valoir de si soudaines calomnies, et à potron-minet ?! »

Le censeur Galba fit à nouveau un pas vers la grille, observant rapidement les côtés de la rue pour voir si ses clients arrivaient. Pas un chat dans la rue. La présence des licteurs devait avoir fait s’envoler toute la menue populace.

« Retire-toi tout de suite avec tes mauvaises âmes, et peut-être consentirai-je à passer l’éponge  sur tes scandaleuses accusations lorsque nous nous reverrons à la Curie. »

Galba ne s’exprimait guère avec sa verve habituelle, ce matin. En effet, quelque chose le déstabilisait un peu trop : ce n’était pas les manières du préteur, qui n’agirait jamais ainsi sans une bonne raison. Aussi, voilà ce qui le tourmentait bien plus que les mercenaires stationnant devant sa porte : qu’avait-il bien pu croire qu’il ait fait pour rameuter pareille force ?
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MessageSujet: Re: Qui pisse face au vent se rince les dents   Qui pisse face au vent se rince les dents I_icon_minitimeMar 22 Déc - 2:53


Lorsque la face abjecte de Galba parut sur le perron, Scorpa sentit s'élever en lui un nouveau pic de colère. Il n'eut su dire ce qui l'aurait énervé le plus : que son ennemi fasse la sourde oreille et se claquemure dans sa demeure en priant que ses murs le protègent de la vindicte du préteur, ou, au contraire, qu'il ait l'audace de se présenter à lui comme si de rien n'était. En optant pour la deuxième option, le Censeur semblait apporter la réponse. Et à le voir faire mine, avec un culot monstre, de ne pas comprendre de quoi il était accusé, le teint déjà rouge de Scorpa passa au vif écarlate.

« Serpent ! Comment oses-tu nier devant moi ce que tu as fait ? Calomnies, vraiment ? N'assumes-tu donc vraiment rien ? »

Son regard balaya la rue, accrochant quelques spectateurs qui suivaient, inquiets, l'étrange scène depuis leur fenêtre. Avant d'en revenir à son adversaire.

« Mon fils et ma fille, Galba ! Ils s'appellent Manius et Honoria, mais en ce moment, ils s'appellent surtout "rends-les moi". Fais-les venir ici et maintenant. Que tous m'en soient témoins, je le dis, cet homme me les a pris ! Rends-les moi, maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. »

Il plissa les paupières, s'efforçant de distinguer, à travers la grille, qui accompagnait le Censeur sur son perron.

« D'ailleurs, ton fils à toi n'est pas à tes côtés ? Finit-il de cuver son vin au fond d'une taverne à cette heure-ci, ou a-t-il trop honte lui aussi d'assumer ses actes ? Osera-t-il nier qu'il a tenté de tuer mon fils aîné, Primo Minor, voilà quatre nuits ? »
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MessageSujet: Re: Qui pisse face au vent se rince les dents   Qui pisse face au vent se rince les dents I_icon_minitimeMer 6 Jan - 9:16

Ils étaient rares, les moments où Galba pouvait perdre contenance. A la Curie, peu de gens pouvaient se vanter de l’avoir déjà vu flancher, ou rester coi, car c’était indigne d’un homme de son calibre. Pourtant, ici l’énorme censeur ne put qu’accuser le coup. Toute cette histoire était grotesque et invraisemblable, insensée et saugrenue ! Il fallut que l’abominable Scorpa mentionne son fils pour que Galba se retrouve une contenance et ne montre les crocs ; car l’attaquer était une chose, mais attaquer les siens en était une autre.

Il fit un autre pas en avant en serrant les poings, relevant son triple menton, et cracha :

« Mensonges ! Mensonges et calomnies, voilà tout ce qui sort de ta bouche ! Je ne trempe dans aucune de tes sournoises accusations, Scorpa ! Je le jure sur les Douze Dieux des Palais, j’ignore complètement de ce dont tu me parles ! »

Il se fit moins véhément pour la suite, se disant que Primo était peut-être un peu trop énervé pour que son ton habituel ne réussisse autrement qu’à l’exciter plus encore.

« Tes actions reflètent la folie d’un père blessé et inquiet, un sentiment que je ne connais que trop bien, Scorpa. Je n’ai pas enlevé tes enfants, réfléchis un tant soit peu : quel intérêt aurais-je à me couvrir d’opprobre ? Je sais que nous ne nous portons pas beaucoup d’affection, toi et moi, mais nous sommes des concurrents politiques, pas de vulgaire plébéiens ! »

Il ouvrit les bras, fixant la longue brindille sur son cheval blanc.

« Si tu laisses tes sicaires à l’extérieur, je suis prêt à t’accueillir chez moi pour te prouver que je ne retiens aucun otage. Je suis même prêt à te fournir en esclaves et pénules pour prendre part aux recherches. »

Lucius avait ignoré ce que Scorpa avait dit sur leurs fils respectifs. En fait, une irritante lumière se faisait sur la raison des agissements du préteur : Titus était bel et bien capable d’avoir été agresser l’arrogant Primo Minor sur un coup de tête. Dès lors, peut-être le magistrat avait rattaché sa famille au sinistre enlèvement ayant fait disparaître sa progéniture… Dans un coin de sa tête, Galba maudit les dieux de lui avoir donné un fils aussi ingrat et imprévisible, une horrible contrefaçon de feu son aîné si brillant.
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MessageSujet: Re: Qui pisse face au vent se rince les dents   Qui pisse face au vent se rince les dents I_icon_minitimeDim 10 Jan - 13:02


Dans sa colère, Scorpa sentait s'insinuer peu à peu, entre les torrents de haine et de vengeance, les méandres du doute. Alors qu'il conspuait son ennemi devant témoins, ce dernier ne semblait guère avoir la réaction attendue. C'était étrange. Quelque chose n'allait pas, mais quoi ?

La raison eut voulu qu'il révise son jugement, qu'il se demande s'il n'avait pas été un peu vite en déduction. Tous les indices qu'il avait pu glaner, les interrogatoires des hommes qui avaient participé à l'enlèvement pointaient tous vers Titus Sevinius Merula, le fils du censeur. Se pouvait-il que le fils prodigue ait agi dans le dos de son père, et que Galba ignore tout ? Cela, au fond, ne serait pas si étonnant ; du reste, cela n'atténuerait en rien la culpabilité de Galba, qui serait appelé à payer les crimes de son immonde rejeton. Mais en apporter la preuve s'avérait dès lors plus complexe, surtout si sa demeure en était vide. Cela, le rusé censeur l'avait déjà compris ; d'où son invitation à entrer chez lui, sachant que Scorpa n'y trouverait rien.

Que faire ? Si Scorpa acceptait, s'il fouillait la maison de son ennemi de fond en comble et la quittait la queue entre les jambes, c'en serait fait de sa réputation ; il sortirait là dans la posture d'un perdant, obligé de se rétracter, et sa parole, dès lors, ne vaudrait plus rien. Nul doute qu'après ça, Galba n'aurait aucune peine à prendre le dessus lors de leurs prochaines passes d'armes à la Curie ; qui oserait encore prendre le préteur au sérieux après de telles accusations ? Sa carrière elle-même serait compromise.

Il fallait trouver un autre moyen.

« Et quelle garantie aurais-je, Galba, que tes propres sicaires n'hésiteront pas à me cribler de coups de surin à l'intérieur de ta demeure ? Ton fils a déjà montré au mien le talent des Sevinii pour la violence, merci bien. Non, Galba, je n'entrerai pas. Dis plutôt à ton fils de venir ici, et qu'il me jure, les yeux dans les yeux et devant tous ces témoins, qu'il n'a rien à se reprocher. » Le préteur esquissa un rictus mauvais, avant d'ajouter : « à moins, peut-être, que tu ignores où ce débauché est allé se fourrer. » Il regretta assez vite ce choix de mot malheureux, craignant qu'on lui rétorque : « dans ta fille ». Si quelqu'un se permettait de proférer pareille insanité, Scorpa ne répondrait plus de rien.
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MessageSujet: Re: Qui pisse face au vent se rince les dents   Qui pisse face au vent se rince les dents I_icon_minitimeSam 13 Fév - 10:49


‘Dans ta fille’ fut la première pensée à naître dans l’esprit bouillonnant de Galba. A dire le vrai, sans doute partageait-il plus de choses qu’il ne voulait bien l’avouer avec son fils, mais avait la décence de ne pas se laisser contrôler par ses vilaines pulsions. Aussi, la cinglante répartie mourut dans sa gorge, remplacée par un barguignage plus diplomate.

« Tu ne trouveras pas mon fils ici… Attends, le talent des Sevinii pour la violence ? »

La précautionneuse réponse qu’il avait préparée se disloqua tandis que Lucius percutait sur un élément du plaidoyer de Primo. Son fils aurait-il véritablement été jusqu’à affronter victorieusement l’un des enfants de son adversaire politique ? L’immense Galba ne savait plus vraiment que penser de toute cette affaire. Une partie de lui ne souhaitait qu’une chose : étrangler son fils comme on tord le cou d’un poulet, lui extraire la vérité et lui réclamer de réparer toutes ses erreurs ou de finir esclave agricole dans son domaine. Une autre se trouvait étrangement impressionnée que son garçon, si cela était avéré évidemment, puisse avoir combattu le pompeux morveux de Scorpa… et gagné.

Alors que Galba luttait pour reprendre le contrôle de ses pensées et sentiments contraires, une rumeur remonta du fond de la rue. Quelque chose d’autre approchait les lieux de la joute verbale. Les sons qui s’en rapprochaient étaient d’une toute autre nature : baragouinages ineptes, cris féroces, insultes à peine voilées, ce langage n’avait rien avoir avec les paroles certes féroces, mais noblement délivrées par les deux magistrats. Non, cette rumeur se parait d’accents plébéiens, alanguis de vinasse bon marché et de misère endémique. Un timbre plein de colère refoulée et d’arriération mentale, un timbre à la fois simpliste et brutal, mais terriblement terrifiant lorsqu’il était vociféré par le nombre. C’est quand Galba tourna la tête vers le tintamarre qu’il sentit dans son dos couler une légère suée froide, car il sentit venir le désastre comme on peut capter l’orage dans l’air.

De retour de sa mission, Mucio menait une bien singulière troupe. Dans la cohue populaire qui remontait la via, il y avait de tout : des tenanciers armés de tessons brisés, des vétérans démobilisés aux épaules carrées tâtant de nouveau le glaive, de simples ouvriers ayant récolté une pierre ou un pavé sur la route… Plus encore, il y avait ces fameuses âmes damnées de la gens Sevinii, ces hommes rudes payés à contenir les esclaves des champs et intimider les mauvais payeurs : les pénules. Avec leurs capuches rabattues et leur souffle aviné, ils menaient le cortège en désignant les hommes de Scorpa de leurs gourdins de frêne.

« Là ! Ils assiègent le patron ! »

A ces mots résonna le glas du préteur et de sa suite, en un rugissement porteur d’injures et de malédictions. Galba, qui avait assisté complètement mystifié à l’apparition de sa clientèle, reprit du poil de la bête quand il vit Mucio se désolidariser du groupe. Il s’en allait parce qu’ils allaient charger. Ils allaient charger. La suée froide redoubla dans le dos graisseux de Galba. Il ne fallait surtout pas qu’ils chargent. Aussi, écartant ses bras dans les airs, il inspira une grande goulée d’air afin de rétablir l’ordre. Il n’eut toutefois pas le temps d’expulser quoi que ce soit.

« On rosse ! »

La voix tonitruante de Sericcus, l’un des plus loyaux clients des Sevinii, se répercuta contre les façades des maisons aussi bien que le bruit des sandales contre le pavé. Une folle ruée vers le préteur s’engagea dans le plus grand désordre, une curée de gueux rendus téméraires par l’alcool et le nombre. Sous les yeux horrifiés de Galba, bien à l’abri derrière ses grilles, la foule désordonnée vint se frotter aux sicaires de Scorpa comme une vague sur un brisant, éclatant la ligne, semant la discorde. A présent, c’était chacun pour soi, tout le monde frappait son voisin. Impuissant, Galba secouait son énorme masse dans tous les sens, gesticulant et tapant du pied dans son îlot de tranquillité, flanqué d’un Rufus Pupius complètement blasé.

« Arrêtez ! Arrêtez, j’ai dit, arrêtez ! Mais vous allez arrêter, oui ?! Sericcus ! Manius ! Troxo ! »

Une bordée de jurons plus tard, le résultat restait le même : la bataille pour le contrôle de la rue était lancée. Le premier sang devait encore couler.
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