Le Tumulte des nemetons

Ainsi, le Voyageur avait dit vrai.

Une pensée que Magetobrigos ne parvenait pas à chasser tandis qu'il écoutait les lentes et puissantes psalmodies de Cimarius le Niveleur, Vergobret du peuple des vallons. Droit comme un i, le regard aussi sévère que la mine, on aurait pu le prendre pour une statue de pierre polychrome de mille et unes couleurs chatoyantes. Il régnait dans l'air la tension des grands jours, des événements immuables, de ceux qu'envoyer les Dias aux hommes pour en tester leur foi.

Voici trois jours qu'ils étaient rentrés, les messagers chargés de partir à l'Est pour en rapporter preuves et nouvelles. Magetobrigos n'avait pas laissé beaucoup de place dans son esprit pour ces hommes en qui il plaçait néanmoins, grande confiance. Le pays des vallons lui avait demandé trop d'attention. Mais quand il avait aperçu les traits tirés de Serillios L'Ancien et de ses hommes, alors tous les mots et les sombres discours lui était revenu. À la nuit tombée, il s'entretint jusqu'à l'aube naissance avec le vieux guerrier ; accompagné de vin et de corma, Magetobrigos écouta le récit sans broncher d'un poil, et cela, jusqu'à que les flammes se tarissent dans la fosse à feu du palais. Dans la journée, le Roi des Collines ne perdit pas un instant et fit réunir le Triùirglic ; on fit même sonner le carnyx royal afin de convier le Draoiloch et ce dernier répondit à l'appel. Nombreux furent les badauds à s'amasser autours de Ceàrnagdun pour tenter d'apercevoir cet être mystique d'ont les apparitions étaient plus qu'exceptionnel.

Alors, à son tour, il répéta les mots qu'on lui avait transmis et informa les sages : les Feareichs apportaient. Auparavant lointaines chimères, le danger semblait maintenant plus que palpable et tous le comprirent. Il fallait agir vite, bien avant que n'ait lieu le Coinneamh Righrean, car son issu était incertaine et Magetobrigos refusait de laisser son peuple dépourvu face à cette menace. De nombreuses décisions furent prisant, mais tous s'accordèrent sur un point : avant tout, il fallait quérir les faveurs des Dias. Se séparant après avoir fixé une date cérémoniel, la rumeur enfla très vite dans les venelles de Dùnlodunum et la cité se transforme en une gigantesque fourmillière ou tous se trouvèrent afférés à quelques tâches précises.

Pourtant, aujourd'hui ils n'étaient point nombreux entres les murs de l'Acaunemeton.

Situé dans le Nàbach'Dias, l'enclos de pierre à colonnes dressées était sans conteste un des lieux les plus mystiques du pays des vallons après le Stòr a'cheò. On n'y rentrait par une petite porte au linteau de pierre imposant, si basse que même Magetobrigos devait baisser du chef pour éviter de s'y cogner. À l'intérieur, un menhir dressé au centre pointait fièrement en direction du ciel et semblait aussi vieux que la montagne. Des piliers dressés accueillaient des centaines de caveau cérémoniel ou trônait encore les trophées des Rois s'étant succédé. Pas un vent, pas un bruissement ne venait déranger les têtes coupées et autres joyaux brisés. Quelques piques de bois dressés révélaient encore les carcasses d'hommes et d'animaux sacrifiaient.
Le Vergobret se tenait au-dessus d'un autel taillé directement dans la roche, le crâne d'un énorme bœuf trônait en face et inondait les rigoles et cupules de l'édifice. Il psalmodiait, serrant dans sa dextre un lourd marteau de fer et dans sa senestre un poinçon d'acier. Sur la table de pierre, recouverte du sang de l'animal, des dizaines d'épées ouvragées.

« Reçoit le don Ruigsin -Clank- Reçoit le don Ana -Clank- Reçoit le don Beinn -Clank- Reçoit le don Lochran - Clank- Reçoit le don Tàirne - Clank- Reçoit le don Tuinn - Clank-...»

A chaque nom divin, Cimarius abattait son poinçon et son marteau, brisant une des majestueuses lames. Le Vergobret enchaîna sur les Tuas et les Spiors protecteurs du pays des collines. Chacun reçut son offrande d'acier, d'or et de sang. Le rituel dura de nombreuses heures et à un point tel que quand il sortit du nemeton, le sang et la guède qui recouvrait le visage du Sanglier avait totalement séché. Sans attendre, il fit réunir une compagnie des meilleurs cavaliers et coursiers que comptait Dùnlodunum, à tous remit une insigne royale.

« L'offrande à était faite dans la cité des Rois, les Dias et les Tuas tournent leurs regards vers nous, mais ils attendent plus. Partez et prenez chacune des directions, chacun des sentiers. Traversez chaque vallon et chaque vallée et répandez la nouvelle : que soit offert l'acier dans les nemetons, les Feareichs arrivent. Que les lames et les lances soient affûtés et que tous se préparent. Si l'ennemi arrive et se tient à nos portes, nous le recevrons par le fer. »

Ainsi, parla le Roi. Bientôt, résonneraient les échos du bris des fers dans les milliers de nemetons.