Concile de cocagne [Gaukka le Voyageur][Terminé]

21^ème jour du Printemps
An 399
Dùnlodunum Cnuiclarann, Pays Cléirigh
Crépuscule
Suite de Fausse piste

Le Val de Cenyd ne fut bientôt plus qu'un souvenir.
Ayant à peine pris le temps de remballer leurs effets, que les soldures, c'étaient remis en siège, prêt à fouler les sentes, flattant l'encolure de leurs coureurs à grand renfort d'acclamations. Magetobrigos avait partagé sa selle avec Gaukka le Voyageur et c'était là grand honneur fait au druide, allant à l'encontre de la coutume. Mais il était le Roi et ce titre accordait quelques exceptions ; sa réputation dévôtique lui collant au cuir, atténuant grandement la flagrante malfaçon. Car chez les Cléirigh, la monte était réservé à l'élite : partager sa chaise rappelait les manières des porchers et autres conducteurs de charrette.
La galopade eut néanmoins drôle d'allure, trop fier pour se l'avouer, Magetobrigos fit comme si de rien n'était. Mais pour un pâtre flâneur à l'œil acéré, plus occupé à toiser les cavalant que ses broutards, le comique de la situation dut décocher une ou deux esclaffassions bien pesées. En effet, le druide à la carrure de géant touchait presque terre, alors que le cavalier de tête lui, ressemblait tout point à un enfant barbu menant la danse.

Cette cocasse situation n'eut point d'incidence sur le trajet et bien rapidement se dessina à l'horizon, la muraille massive de la cité royale.

Dùnlodunum avait fier aspect, quelque soit la saison, quelque soit le temps.
Le Sanglier se surprenait à toujours ressentir une pointe d'enjouement une fois qu'il pénétrait dans son propre chef-lieu ; et cela malgré le défilement des années. L'écho des carnyx s'éleva tandis qu'ils passaient le pont et qu'on ouvrait les lourdes portes à doubles gonds. Les vibrations de cuivre résonnèrent longuement, se réverbérant sur les parois rocheuses et accompagnèrent leur déambulation dans les ruelles.
Les badauds s'écartèrent, chassant leurs bestiaux les plus fainéants à grand coup de badine. Le Roi des collines avait appris à apprécier l'émulation, la vie foisonnante de l'endroit ; et la chose ne fut point aisé pour lui qui avait grandit libre comme le vent. Aujourd'hui, il doutait de pouvoir se passer trop longtemps de cette vision rassurante : à travers les habitants de Dùnlodunum, il pouvait ressentir le palpitant du peuple Cléirigh battre à l'unisson.

Saluant quelques trognes connus sur sa route, Magetobrigos ne prit pas la route de sa demeure. Il bifurqua en direction du Nàbach'Dias, l'aile troglodyte de la cité dédié aux déités primordiales. Là, il se délesta de son hôte afin qu'il puisse s'apprêter et se mettre à son aise. L'endroit en plus de servir de lieu de culte, abritait quelques loges destinées aux druides de passage.
Il se sépara de Gaukka en le conviant à Ceàrnagdun pour l'agape nocturne.

Enfin, le Sanglier regagna son breuil.
Dans un premier temps, il se décrotta en profondeur, se délestant des stigmates de plusieurs jours de voyage avec un ravissement non feint. Durant ses ablutions, il manda un esclave quérir le Vergobret, car ce dernier se devait d'être mis au courant de la situation. Car les dernières paroles du Voyageur résonnaient toujours avec vivacité en lui. Cimarius se présenta dans sa loge alors qu'il était en train de nouer une saie propre à sa fibule. Magetobrigos relata avec attention les derniers événements au Niveleur qui l'écouta sans broncher. Il n'avait jamais eu réputation d'être un grand bavard et ne décocha point palabre tout du long.

Dans la halle, on avait dressé une tablée grassement fourni. Des mets de la plus pure tradition des collines : panse d'agneau farcie servit sur des tubercules fermentées et salées, pain de méteil tartiné de beurre jeune aux épices, abondance de fruits à coque particulièrement prisés. Le tout étant accompagné de corma fraîche et de plusieurs pichets de vin fameux. Le gueuleton de Cenyd s'était mué en véritable banquet comme il était d'usage chez les Cléirigh.
Magetobrigos présidait, à sa droite se trouvait le Vergobret et on avait gardé la place de gauche pour le prestigieux hôte qui ne tarda pas à se présenter. On fit les présentations d'usage, même s'il était clair que le Niveleur et le Voyageur se connaissait. On commença à faire bombance sous les lueurs farouches des torchères et les puissants craquements du bois brûlant dans la fosse à feu.
On passa par quelque discutions commune, servant à faire bonne figure, mais le Roi des collines en vint bientôt au sujet n'avait cessé de le préoccuper.
Finissant sa chope qu'il reposa bruyamment, il s'essuya les moustaches d'un revers de la main avant de s'exprimer.

« Si ces Ghotaï sont aussi dangereux que tu le contes Gaukka, sache que nous partageons tes inquiétudes. Mais ce que tu annonces est lourd de sens : les temps ne sont plus à la concorde. Les alliances de la dernière grande guerre ont volé en éclats. Je prendrai un risque à convoquer ainsi le Coinneamh Righrean, celui de me ridiculiser. Car bien que tu en sois le témoin, rien ne prédis que cette menace ne nous touchera directement pour l'instant... Suis-je le premier à qui tu confies ? »

Gaukka monta en selle derrière le Roi des Collines et le petit groupe quitta le vallon où s'était déroulé la rencontre au grand galop. L'image du grand druide encapuchonné collé au petit Roi trapu et moustachu aurait pu prêter à sourire les plus moqueurs et probablement que même le Voyageur se serait permis un sourire amusé si la situation n'était pas aussi grave et urgente. Gaukka se doutait bien qu'après avoir livré ses premières informations, le Righ serait dans l'obligation de réunir le Triùrglic avant de prendre une décision. Même si le fonctionnement de la royauté Cléirigh était différent des Pluincéid et du Comhairle, il y avait quelques similarités dans ce conseil de sages qui guidait les décisions du peuple du Cnuiclarann.

La silhouette imposante de Dùunlodunum s'imposa au regard des cavaliers, déployant des solides murailles qui s'extirpaient des flancs de collines. L'oppidum était un véritable prodige d'arichitecture militaire et malgré ses nombreux voyages, Gaukka pouvait témoigner de l'unicité de la cité royale. Une fois la grande porte franchie au son grave et puissant des carnyxs, le Roi fit descendre son passager à l'orée du Nàbach'Dias, avant de reprendre sa route vers sa demeure. Le druide profita de ces quelques heures loin du sérieux des discussions qui s'annonçaient pour entrer sous les voûtes naturelles de l'aile de la cité. Au coeur des cavernes, où vacillait la lumière orangée des torches, il put se recueillir devant les représentations des Dias.

Les prières occupèrent le reste de la journée jusqu'à ce que la nuit prenne la place du jour. Il gagna le Ceàrnagdun où il fut accueilli avec plus d'honneur qu'à l'accoutumée. D'ordinaire, on le faisait s'asseoir en bout de table et après quelques chopes vidées, on lui demandait de narrer son dernier voyage. Cette fois, il fut invité aux côtés du souverain, mis à une place équivalente au Vergobret du peuple des collines. Le banquet se déroula de la meilleure des façons, les convives faisant bombance en se délectant des mets qu'offrait Magetobrigos. Il ne fallut pas longtemps avant que son royal commensal ne se tourne vers lui, la mine renfrognée.

Si ces Ghotaï sont aussi dangereux que tu le contes Gaukka, sache que nous partageons tes inquiétudes. Mais ce que tu annonces est lourd de sens : les temps ne sont plus à la concorde. Les alliances de la dernière grande guerre ont volé en éclats. Je prendrai un risque à convoquer ainsi le Coinneamh Righrean, celui de me ridiculiser. Car bien que tu en sois le témoin, rien ne prédis que cette menace ne nous touchera directement pour l'instant... Suis-je le premier à qui tu confies ?

Le Voyageur se tourna vers le Sanglier, apercevant par-dessus son épaule le regard du Vergobret qui le détaillait également. Il pouvait lire dans leurs regards une certaine anxiété concernée. Il répondit alors, prenant le temps de choisir ses mots avec soin.

C'est justement les raisons de mon voyage aujourd'hui. Il faut renouer le dialogue entre les grands peuples et reforger les alliances brisées il y a bien longtemps.

Il porta une main à son front alors qu'il poursuivait.

Ruigsin a créé le monde, les Dias et les Tuas en harmonie. Ce sont les Hommes qui ont créés les rivalités. Je suis convaincu que nous devons suivre les intentions du Dieu Suprême et chercher l'union. D'autant que je reste convaincu que nous n'avons pas la moindre chance de résister à ces cavaliers de la destruction sans être solidaire. Nos peuples parlent la même langue, vénèrent les Dias et les Tuas, écoutent les conseils des druides et les louanges des bardes. Malgré les vieilles querelles et rivalités, nous ne sommes pas si différents.

L'allusion à la querelle entre Broìn et Cléirigh était à peine voilée, mais suffisament dissimulée dans une remarque générale pour qu'elle ne soit pas perçue comme une offense par Magetobrigos. C'était maintenant que la négociation se révélait la plus délicate et il ne fallait surtout pas froisser le Sanglier au risque d'échouer dans la mission qu'il s'était fixé.

Je suis arrivé par bateau dans la cité royale d'Arcasadrigun et j'ai fait part de mes inquiétudes au peuple des Marais. Je me suis ensuite dirigé vers ton pays, Righ Magetobrigos. J'irai ensuite trouver Ultàn le Fléau à Caladh et la Banrigh Morgana, afin de les prévenir du danger qui guette à l'horizon. Avant de convoquer le Conseil des Rois, je dois d'abord convaincre chacun de la nécessité de celui-ci.

Il avait encore quelques arguments dans sa besace, mais il préférait les donner avec parcimonie. Sa parole et l'explication de sa quête suffirait peut-être à convaincre le Roi des Collines.

De fameux et joyeux bardits emplissaient l'atmosphère.
Le concert de gorge mêlée des meilleurs cantateurs de Dùnlodunum se voyait accompagné par les sons rythmés d'antiques pentacordes, de résonnants bodhrans et de bruyantes pipes à souffle. Ce brouhaha coordonné était si agréable à écouter qu'il ne pouvait être que tisser de charmes puissants, vous transportant dans un état d'euphorie dansant. Les bardes Cléirigh disposaient d'une réputation solide, leurs styles n'étaient pas aussi fin que ceux des Aonghusa, mais ils compensaient se manque par la ferveur de leur rythmique. Autant dire que ce début de nocte résonnait sous le meilleur des auspices, Ceàrnagdun faisait honneur à sa réputation comme à chaque fois qu'une réception s'y voyait donner.
Mais, quand la musique et les chants se turent brutalement, quand les dernières notes se transformèrent en crissements dissonants et que s'installa un silence blanc, la liesse se trouva figé, happé par un curieux maléfice.
Mélodies et ritournelles disposaient de sortilèges leurs étant propres ; chez les Cléirigh, certains mots ne fussent t'ils chanter, possédaient similaires propriétés.
Ce fut le Sanglier qui brisa l'envoûtement alors que tous les regards s'étaient tournés en direction du trio siégeant.

« Arcasadrigun.» Grinça-t-il comme si un nid de vipères venait d'élire domicile dans son gosier.
Ils furent nombreux à cracher par la gauche comme pour conjurer le mauvais sort, suivit par le Roi lui-même, qui ne put s'en priver. La simple énonciation du chef-lieu palustre avait de quoi faire dresser quelques tresses tant il était lourd de sens et de sous-entendus.
Bien des sentiments lui foudroyaient la caboche à chaque fois qu'on évoquait le peuple voisin en sa présence, mais Magetobrigos avait apprit à tempérer sa haine, du moins en apparence.

« Tu parles d'or et tes avertissements sont clair druide, mais il semble que tes errances t'on trop éloigné de nos contrées. Ces querelles que tu dis juges anciennes, ne le sont pas. Ce sont nos morts et nos vivants que tu insultes en nous trouvant semblable à ces racleurs de fange et ses empoisonneurs des marais. Aussi te pardonnerais-je cet écart par respect pour la coutume des hôtes, mais ne recommence pas si tu cherches à recevoir mon soutien dans ton entreprise. »

À Dùnlodunum, le sujet Broìn était un tabou connu de tous. La récente guerre des brogues et ses terribles tueries de l'an passé résonnaient toujours dans les esprits. La cicatrice que traînait Magetobrigos s'en trouvait toujours suintant : au cœur de la nuit, il apercevait toujours les visages écumants de sang et tordus de douleur de son fils et de son épouse.
Essayant d'en faire fi, il toisa le géant brûlé. Même s'il était peu probable que ça soit le cas, pouvait t'il être un corrompu a la solde des paludiers ? Lui avait t'on promis quelques terres consacrées en échange d'un service rendu ? Visiblement, Magetobrigos tentait de percer son hôte en son intérieur afin d'en connaître la constance.
Trop de fois, il fut trompé, trop de fois, on avait failli le tuer, alors même un druide devenait suspect quand il provenait directement de la capitale ennemie.
Quand il en eut assez, le Sanglier reprit sa grognante.

« Je sais les cœurs du Fléau Pluincéid et l'Insoumise Aonghusa, ils connaissent eux l'honneur et la bravoure. Ils savent faire face. Mais la vieille carne qui règne à l'Ouest lui, ne dispose d'aucunes de ces qualités. Peut-être t'auras t'il bercé de promesses aussi douce que la corma, mais elles auront toutes un goût de merde une fois le temps de tirer l'acier venue. Pourras tu, toi, Gaukka le Voyageur, te porter garant de ses dires ? Toi qui t'en vint de sa halle, lui confierais tu ta vie sans faillir ? »

Seule la fosse à feu crépitait encore alors que des dizaines de visages semblaient dans l'attente d'une réponse. Le Vergobret posait un regard dur sur son homologue quant à Magetobrigos, il cherchait là à tester le saronide : de la franchise de sa réponse, découlerait de le sort de cette nuit.

Le Voyageur savait qu'il existait des mots empreints d'une magie puissante, qui pouvaient faire hurler les loups à la lune. Le nom de la cité royale des Broìn avait l'effet inverse sur l'assemblée Cléirigh. Magetobrigos répéta le nom honni pour faire taire les instruments guillerets des bardes et s'estomper les bavardages de l'assemblée.

Arcasadrigun.

Le visage du Roi des Collines s'était crispé et son air bonhomme avait disparu sous un masque contri et suintant la colère. Le druide n'ignorait rien de l'antique rivalité entre les deux peuples et il suffisait de voir le visage désapprobateur du Vergobret qui le scrutait froidement pour réaliser que la haine était dans le coeur du moindre habitant du Cnuiclarann. Les glaviots claquèrent sur le sol frais tandis que plusieurs guerriers et le Sanglier lui-même signifiait leur mépris en crachant sur le côté. Pendant quelques instants, le Righ observa Gaukka en silence, les sourcils froncés qui couronnaient un regard inquisiteur. Il reprit la parole avec un ton hargneux qu'il ne parvenait pas à dissimuler.

Tu parles d'or et tes avertissements sont clairs druide, mais il semble que tes errances t'ont trop éloigné de nos contrées. Ces querelles que tu dis juges anciennes, ne le sont pas. Ce sont nos morts et nos vivants que tu insultes en nous trouvant semblable à ces racleurs de fange et ses empoisonneurs des marais. Aussi te pardonnerais-je cet écart par respect pour la coutume des hôtes, mais ne recommence pas si tu cherches à recevoir mon soutien dans ton entreprise.

À la colère s'ajoutait la menace sourde. Le Voyageur savait que sa mission était complexe et qu'amener tous les souverains autour d'une table le serait encore plus. Il ignorait les derniers évènements qui avaient opposés les deux peuples et nul doute que le Roi avait été du être touché directement au vu de la tension qui s'était emparé de son corps.

Je sais les cœurs du Fléau Pluincéid et l'Insoumise Aonghusa, ils connaissent eux l'honneur et la bravoure. Ils savent faire face. Mais la vieille carne qui règne à l'Ouest lui, ne dispose d'aucunes de ces qualités. Peut-être t'auras t'il bercé de promesses aussi douce que la corma, mais elles auront toutes un goût de merde une fois le temps de tirer l'acier venue. Pourras-tu, toi, Gaukka le Voyageur, te porter garant de ses dires ? Toi qui t'en vint de sa halle, lui confierais-tu ta vie sans faillir ?

Gaukka prit une profonde inspiration, acceptant les propos secs de son royal commensal sans broncher. Il avait bien souvent l'impression d'être le dernier à se souvenir des préceptes de Ruigsin. Les Hommes s'acharnaient à se battre et à se maudire, à se trouver des différences au lieu de chercher les points communs. Il arracha un morceau de viande séchée et le mastiqua en silence sans détourner le regard de Magetobrigos. Il avala sa bouchée, gardant ses prunelles fixées dans celle du Righ.

Je pense, Ô Righ, que tu te trompes à mon sujet. Je n'ignore rien de la rivalité de ton peuple avec celui des Vasières. Et lorsque j'évoque d'anciennes querelles, je sais très bien qu'il ne sera pas simple de les balayer d'un revers de main.

Gaukka se saisit de son gobelet et but une gorgée de corma avant de reprendre.

Je ne peux juger de la valeur des affronts que tu as subi, ni de la valeur de quiconque. Je ne peux me porter garant des paroles d'un Roi, ni confier ma vie à quelqu'un d'autre qu'au Baran Didom, car c'est lui qui en dispose selon son bon plaisir. Je ne suis pas venu te rencontrer pour te provoquer, pour t'insulter ou pour prendre le parti de quiconque.

Il se pencha légèrement en avant, tendant le cou vers le Roi des Collines. Il ne cherchait pas à entrer en confidence, ni à baisser le ton, juste à montrer la sincérité qui luisait au fond de son regard émeuraude. Il poursuivit, usant d'un ton égal.

Je cherche à rencontrer les souverains des peuples libres afin de les avertir du danger venu du Levant. Chacun des souverains, sans préjuger de leurs origines et de leurs rivalités. Je ne désire qu'une chose, que les peuples libres vivent, que notre mode de vie dure pour des cycles et des cycles et il y a, aujourd'hui, les Feareich qui ont décidés de le détruire. Si nos peuples ne s'unissent pas, je suis convaincu qu'aucun ne pourra tenir tête aux cavaliers. J'ai rencontré le vieil Arnec, je ne te l'ai pas caché, même si je savais que la nouvelle ne t'enchanterait guère et je n'ai pas pu rencontrer le Second Roi. Sa réponse est à vrai dire sans importance pour le moment.

Le Voyageur broya la coquille d'une noix dans sa paume brulée avant d'en avaler le contenu croustillant et de conclure son intervention.

Je suis ici pour savoir si le Roi des Collines accepterait de participer au Coinneamh Righrean afin que nous ayons une chance de résister à l'envahisseur. Je n'ai pas la prétention de régler les différents entre vous, ni de garantir la paix. Il y a pour moi une urgence qui va au-delà de tout le reste et qui nécessite que les souverains se réunissent pour des palabres. Et même si tu portes en meilleure estime le Fléau et l'Insoumise, ils seront plus facile à convaincre si le Roi des Collines accepte également. Pour survivre, nous aurons besoin de chaque guerrier, c'est la seule chose qui compte à mes yeux.

Accoudé sur la large table, Gaukka réalisait bien que la réussite du Conseil des Rois qu'il appelait de ses voeux les plus chers se jouait en parti face au Roi des Collines. Il adressa une prière silencieuse à Neart afin que le Tua donne la force au souverain pour entendre ses mots sans y mêler trop de rancoeur.

Le temps était une notion particulière. On disait qu'il s'écoulait de façon différente en fonction des époques et des lieux. Certains prétendaient même que lors des célébrations les plus importantes, il était bon de se rappeler à sa condition d'homme ; se laisser entraîner par la fête, pouvait vous conduire sur les sentes de l'autre monde et vous perdre à jamais dans les terres divines. Nombreux étaient les druides des vallons à conter les histoires de jeunes hommes n'ayant point prit garde et s'étant réveillés vieillards après avoir poursuivi la piste de quelques spiors nocturnes. Un phénomène similaire, mais de plus petites ampleurs se jouaient manifestement en ce moment dans la halle royale de Dùnlodunum. Une fois que le Voyageur eut terminé son allocution, la nuit s'était légèrement figée, suspendue à la réaction du Sanglier.
Magetobrigos en avait conscience, à l'intérieur de son être se jouait toujours un combat ancestral entre fougue et raison. D'un geste de la main, il brisa le charme et rétablit le cour des événements : les bardes se remirent à jouer, mais leurs airs se voulaient bien moins joyeux, plus posés.

« Hum...Je ne sens aucun détour dans tes paroles Gaukka, tu parles manifestement avec vérité et sans duplicité. » Grogna-t-il entre ses défenses. Il avait interrogé ses instincts les plus primaires et il était convaincu de la franchise du druide. Pourtant, cette réponse ne lui convenait pas totalement, il aurait apprécié que le Voyageur acquiesce en son sens ; ainsi l'aurait-il suivi sans plus de réflexion.

Se resservant une corne entière du vin d'Altitona, Magetobrigos en apprécia un moment, la robe et l'arôme. Cette inspection rapide eut pour effet de le rappeler à une réalité plus douce. Les relents capiteux se muèrent en une palette de souvenirs enfantins qui chassèrent en grande partie les ombres des dernières années. S'ébrouant après une goulée, il attaqua un morceau de pain au beurre massif qu'il mâcha avec appétit. La bouche toujours pleine, il s'en remit à son hôte.

« Ta mission ne semble pas totalement remplit et il te faudra encore convaincre. Mais tu pourras quitter Dùnlodunum avec la certitude d'avoir le soutient du Roi des Collines. Clame-le à qui voudra l'entendre si cela sert tes intérêts. »

Ainsi, Magetobrigos avait parlé et pour sceller ses paroles, il leva sa coupe en direction du druide et la vida d'une traite. Mais il n'avait pas réellement terminé.

« Néanmoins, je ne serais pas responsable de l'échec de ton entreprise Gaukka et tu ne pourras m'en blâmer. Organiser le Coinneamh Righrean ne signifie pas que nous réussirons à nous mettre d'accord. Il nous faudra des preuves, d'autres dires et d'autres témoignages que le tien, en as tu conscience ? Lorsque nos aïeux se réunirent dans le même but, la menace était bien plus tangible, bien plus oppressante. »

Il continua à mâchouiller bruyamment une croûte de méteil plus coriace que les autres, son faciès avait retrouvé son marbre habituel, mais dans ses yeux, luisait les étincelles de la réflexion.

« Je te fournirai aide et hommes si tu le souhaites et si tu m'en fais la demande, mais comprend bien que je n'entreprendrai aucune affaire avec ceux des Broìns jusqu'au jour ou nous devrons nous rencontrer par l'obligation. »

La musique reprit sa course et les invités reprirent les discussions, même si l'entrain et le volume étaient moins marqués que précédemment.

Hum...Je ne sens aucun détour dans tes paroles Gaukka, tu parles manifestement avec vérité et sans duplicité.

Même s'il grommelait ses mots, Magetobrigos prononçait des paroles rassurantes aux oreilles du Voyageur. La quête de Gaukka aurait été en péril si le Roi des Collines persistait à se méfier de lui et de ses intentions. La bouche pleine, il postillonna légèrement en poursuivant.

Ta mission ne semble pas totalement rempli et il te faudra encore convaincre. Mais tu pourras quitter Dùnlodunum avec la certitude d'avoir le soutien du Roi des Collines. Clame-le à qui voudra l'entendre si cela sert tes intérêts.

Le Sanglier leva sa corne avant de s'envoyer une grande lampée de vin au fond de la gorge. Gaukka ne put retenir un léger soupir de soulagement en entendant l'accord du souverain des Cléirigh. Il imita son compagnon de tablée en levant son gobelet à son tour tandis que Magetobrigos surenchérissait.

Néanmoins, je ne serais pas responsable de l'échec de ton entreprise Gaukka et tu ne pourras m'en blâmer. Organiser le Coinneamh Righrean ne signifie pas que nous réussirons à nous mettre d'accord. Il nous faudra des preuves, d'autres dires et d'autres témoignages que le tien, en as tu conscience ? Lorsque nos aïeux se réunirent dans le même but, la menace était bien plus tangible, bien plus oppressante. Je te fournirai aide et hommes si tu le souhaites et si tu m'en fais la demande, mais comprend bien que je n'entreprendrai aucune affaire avec ceux des Broìns jusqu'au jour ou nous devrons nous rencontrer par l'obligation.

Le druide but une rasade de corma pour accompagner le Righ. Le Voyageur souhaitait se concentrer sur le positif, mais les propos de Magetobrigos, teintaient d'une amère noiceur, résonnaient en lui. Le visage du druide se décrispa légèrement et un nouveau sourire naquit sur son visage à moitié brûlé.

Avoir ta bénédiction sera forcément un atout pour convaincre les souverains Pluincéid et Aonghusa, nul doute à cela. Je te remercie, Ô Righ, de ta confiance en moi. Et crois bien qu'aussi vrai que le dernier Coinmeanh Righrean était nécessaire pour répondre aux vélléités ruviennes, celui que je propose aujourd'hui est en réponse à un danger aussi tangible, peut-être même plus encore.

Son regard accrocha un instant celui du Vergobret qui continuait de le toiser avec attention, réservant ses commentaires pour un entrevue futur avec son souverain et le Triùrglic, le Voyageur n'en doutait pas. Gaukka poursuivit.

J'ai bien conscience que ma seule parole ne saurait suffire, mais j'ai appris en chemin ...

Il n'entrerait pas dans les détails de qui lui avait appris pour soigner la susceptibilité de son interlocuteur.

... Que plusieurs chamans ont eu des visions d'un grand danger venant de l'Est. Sous forme d'incendie ou de mer de sang qui déferlait tandis que le soleil s'élevait dans le ciel. Il serait bon d'interroger les favoris des Spiors de ton peuple.

Il machonna une nouvelle bouchée de viande séchée, se délectant du goût de braise dont la viande s'était imprégnée. Il observa Magetobrigos en silence pendant un court instant avant d'avaler sa bouchée et de suggérer sur un ton badin.

N'y a-t-il pas un chaman dans ta ville qui pourrait nous en parler dès maintenant ?

À son tour, Magetobrigos tendit de l'esgourde.
La tension avait quitté la salle de banquet aussi rapidement qu'elle était arrivé. Une fois qu'il rendait jugement, le Sanglier revenait rarement sur sa décision ; c'était une qualité aussi bien qu'un défaut, car elle l'obligeait à assumer tous ses choix annoncés. Heureusement pour lui, les Cléirigh chérissaient plus la franchise que l'échec, mieux valait t'il rester droit dans ses brogues qu'emprunter des chemins de traverses. Cette droiture d'esprit lui valait une solide réputation, rare était les vallons ou son autorité était remise en doute ; sûrement un des secrets de la solidité de son règne dans tout Cnuiclarann.
Les guerriers avaient repris la liesse et leurs œillades ne se concentraient plus sur le bout de table. On commençait à jouer, à parier sur quelques lancés d'osselets, à s'enorgueillir de jets de couteaux réussis sur des cibles de bois. Les rires résonnaient à nouveau, mais on avait cessé de chercher l'ivresse. Les porteurs de glaives n'étaient point dupe et commençaient à digérer l'information : la tenue du Coinneamh Righrean soulevait sans douter moult questions.

Quand le Voyageur eut finit de s'exprimer, Cimarius le Niveleur se pencha dans sa direction et lui murmura quelques paroles de confidence. Magetobrigos lui accorda un long regard avant d'acquiescer d'un signe du menton. Lui et le Vergobret partageaient un parcours commun et il était de notoriété publique que son conseil recevait toujours bonne écoute.

Le Roi se tourna à nouveau en direction de Gaukka et rebondit sur ses derniers dires.

« Il existe bien un tel chaman. Mais je ne dérangerai pas le Draoiloch en cette nuit. Il vit perpétuellement entre les deux mondes et son sacerdoce ne serait être troublé ainsi, de plus, même si nous le convoquions, rien ne dit qu'il ne se présenterait. Le temps s'écoule différemment sur les berges du Stòr a'cheò... Bien placé pour en parler, il fut lui-même témoin direct des sortilèges qui entourait la Source des Brumes...Mais si tu dis vrai Voyageur, alors peut être pourrions nous interroger un autre serviteur des Spiors. »

Sur ses mots, le Sanglier se leva et tendit écarta les bras, haranguant la foule.

« S'il existe, que se lève parmi vous le chaman qui aurait songé à une menace venant de l'Est. S'il existe, qu'il se présente et qu'il parle. »
Il eut un instant d'échange intense entre les rangs des hommes siégeant dans la halle. Manifestement, on était en train de forcer quelqu'un à se lever.
« M..Moi ô Righ.» Annonça timidement un à peine adulte.
« Qui es-tu ? » Ordonna Magetobrigos.
« Tascus, fils de Talis, arpète de Licnos le Lièvre-Gris.»
« Je connais ton Maître, où se trouve t'il ? »
« Il cueille des Trompe-Mort dans Coille Smocaidh, le bon quart d'astre se trouve haut et favorise le séch...»
« Et pourquoi ne le seconde tu pas ? Licnos s'en va affronter les bois et toi son apprenti, tu festoies dans ma halle, est ce bien normal ? »
La remarque souleva quelques rires gras et autres moqueries de la part des plus ivres. Magetobrigos n'esquissait point sourire, mais le ton était lui aussi plutôt badin. Voyant que le jeune chaman cherchait ses mots et semblait perdu, il coupa court.
« Tu dis avoir reçu quelques visions ? Parle. »
« Oui...Oui mon Righ. Voilà six nuits maintenant que dans un rêve, m'apparurent de curieuses images. Une foule de levraut prenait la fuite, véritable marée de poils et de pattes. Tous quittaient leurs terriers et laissaient derrière eux leurs hases, tous fuyaient en direction de l'Ouest. J'hurlais en leur direction, j'hurlais à m'en casser la voix, j'hurlais le pourquoi, mais aucun ne me répondis. Je me réveillai alors transpirant. Je confiai même récit à mon Maître qui...S'empressa alors de me quitter pour chercher quelques fonges. Il semblait particulièrement anxieux. À un tel point qu'il ne me demanda point de l'accompagner. Voici mon récit.»
« Bien, reprend place fils de Talis.»

Le jeunot se rassit, manifestement gênait d'avoir partagé telle parole. Quelques hommes de guerre rigolaient toujours et ne portaient pas grand crédit à cet imberbe ayant préféré le faste de la demeure royale à la moiteur des bois. Magetobrigos lui aussi devait avouer, que cela ne lui inspirait pas grand chose.

« T'as-t-on conté même récit Gaukka ? Est ce qu'une foule de lapereau détale signifie t'il qu'un grand danger nous menace ? J'ai peine à le croire. Mais selon ton conseil, je consulterai le Gardien du Lac quand le temps sera venu de le faire. Peut-être sera-t-il, plus précis. Mais même dans ce cas, rien ne remplacerait les dires de quelques témoins dignes de confiance. Seras-tu transcrire le chemin qui te mena à l'Est ? Je pourrais y envoyer quelques fiables guerriers dont les paroles donneront poids.»

C'était la une bonne manière de faire pour le Roi des collines. Si ses hommes ne trouvaient rien, alors auraient t'ils simplement fait longue route. Dans le cas contraire, leurs témoignages achèveraient de le convaincre et lui permettrait d'éviter de perdre la face.

Le Roi des Collines échangea un regard avec le Vergobret après que ce dernier lui ait soufflé quelques conseils à l'oreille. Il posa à nouveau son regard dur sur le Voyageur avant de déclarer.

Il existe bien un tel chaman. Mais je ne dérangerai pas le Draoiloch en cette nuit. Il vit perpétuellement entre les deux mondes et son sacerdoce ne serait être troublé ainsi, de plus, même si nous le convoquions, rien ne dit qu'il ne se présenterait. Le temps s'écoule différemment sur les berges du Stòr a'cheò. Mais si tu dis vrai Voyageur, alors peut être pourrions nous interroger un autre serviteur des Spiors.

Magetobrigos se leva en écartant les bras face à l'assemblée. Les visages se tournèrent vers le souverain qui faisaient résonner sa voix sous les voûtes du Grand Hall.

S'il existe, que se lève parmi vous le chaman qui aurait songé à une menace venant de l'Est. S'il existe, qu'il se présente et qu'il parle.

Un jeune homme se leva timidement. L'inconnu devait avoir reçu son bracelet depuis peu tant ses traits imitaient encore ceux d'un enfant suivant chaque matin les cours des druides. Les instruments de musique se turent une nouvelle fois pour laisser la discussion avoir lieu.

M..Moi ô Righ.
Qui es-tu ?
Tascus, fils de Talis, arpète de Licnos le Lièvre-Gris
Je connais ton Maître, où se trouve t'il ?
Il cueille des Trompe-Mort dans Coille Smocaidh, le bon quart d'astre se trouve haut et favorise le séch...
Et pourquoi ne le seconde tu pas ? Licnos s'en va affronter les bois et toi son apprenti, tu festoies dans ma halle, est ce bien normal ?

Quelques rires fusèrent parmi les convives et Gaukka restait stoïque en observant le jeune homme qui avait blêmi. Malgré son manque d'aplomb, il pouvait être celui qui apporterait la voix des Spiors comme support à la sienne. Le Sanglier renchérit.

Tu dis avoir reçu quelques visions ? Parle.
Oui...Oui mon Righ. Voilà six nuits maintenant que dans un rêve, m'apparurent de curieuses images. Une foule de levraut prenait la fuite, véritable marée de poils et de pattes. Tous quittaient leurs terriers et laissaient derrière eux leurs hases, tous fuyaient en direction de l'Ouest. J'hurlais en leur direction, j'hurlais à m'en casser la voix, j'hurlais le pourquoi, mais aucun ne me répondis. Je me réveillai alors transpirant. Je confiai même récit à mon Maître qui...S'empressa alors de me quitter pour chercher quelques fonges. Il semblait particulièrement anxieux. À un tel point qu'il ne me demanda point de l'accompagner. Voici mon récit.
Bien, reprend place fils de Talis.

L'apprenti s'exécuta et le Roi des Collines se rassit à son tour. Il était à présent sûr qu'il n'y avait pas que les chamans Broìn qui avaient reçus ces visions. Les Spiors avertissaient leurs favoris du Cnuiclarann également, et probablement ceux des Gàrradh et des plaines également. La voix du Righ le tira de sa réflexion.

T'as-t-on conté même récit Gaukka ? Est ce qu'une foule de lapereau détale signifie t'il qu'un grand danger nous menace ? J'ai peine à le croire. Mais selon ton conseil, je consulterai le Gardien du Lac quand le temps sera venu de le faire. Peut-être sera-t-il, plus précis. Mais même dans ce cas, rien ne remplacerait les dires de quelques témoins dignes de confiance. Seras-tu transcrire le chemin qui te mena à l'Est ? Je pourrais y envoyer quelques fiables guerriers dont les paroles donneront poids.

Les doutes du Roi des Collines ne se dissipaient pas aussi vite que ceux de Gaukka. Il avait vu la menace et peut-être qu'il s'enorgueillisait un peu trop vite de trouver un soutien dans les augures chamaniques. À y réfléchir quelques instants, la parole de cet apprenti n'avait pas le poids qu'aurait eu la parole d'un chaman confirmé et reconnu par son peuple. Le druide se saisit du cruchon tout proche pour se resservir un peu de corma tandis qu'il répondait au Roi.

Les visions des chamans sont différentes et propre à chacun d'eux. Je ne suis pas apte à interpréter les visions et les signes mais je remarque que ce jeune homme parle de jeunes fuyant vers l'Ouest en abandonnant leurs mères et leurs terriers. Nul animal ne quitte son foyer sans une bonne raison. Et il souligne que son maître semblait anxieux à l'évocation de son songe ... Il me paraît judicieux d'entendre son avis sur le sujet lorsqu'il sera de retour, Righ Magetobrigos.

Il posa le pichet en terre cuite et ingurgita rapidement une baie bleue avant de poursuivre.

Quand a te confier mon itinéraire ... Cela risque d'être un peu compliqué je l'avoue. J'ai marché pendant des jours entiers vers l'Est, perdant le compte. Cent jours ? Peut-être plus encore, avant d'atteindre Skov. De plus, je suis la danse d'Ana, n'allant pas continuellement en ligne droite et je n'ai pas l'âme d'un cartographe qui pourrait dessiner de mémoire l'étendue des steppes que j'ai traversé. Même si tu envoyais des éclaireurs demain pour Skov, ils en auraient probablement jusqu'au milieu de l'été pour arriver à destination et peut-être la fin de l'Automne pour venir te faire leur rapport. J'ai peur que les Feareich soient déjà sur nous à cette époque.

Tout sourire avait, une fois de plus, déserté le visage du Voyageur. L'évocation des Ghotaï faisaient naître une tristesse sourde dans le coeur de Gaukka. Il n'y avait plus aucune légerté dans le ton lorsqu'il conclut.

Crois-moi, Roi des Collines, si j'en suis venu à interrompre mon errance, ce n'est pas pour te tromper. Les Dias m'en soient témoin, le danger est à nos portes.

« Tu as sûrement raison druide, acquiesça t'il d'un signe de la tête juste après les derniers mots du Voyageur. Magetobrigos prit le temps d'une courte réflexion avant de claquer de la langue. Mais si comme tu le dis ces demi-rosses se rapprochent de nos frontières, peut être que les conséquences de leurs avancées, voir pis, de leurs présences, se feront sentir bien avant. Comprend Gaukka, si je cherche à recueillir le témoignage de mes gens, ce n'est que pour alourdir le poids de ton récit. Nous Cléirigh, avons toujours eu tendance à préférer écouter un des nôtres, ni voit point d'offense. Alors, tentons la chance. »

Claquant la corne qu'il avait en main avec force sur le lourd pan de table, il renversa un quart du liquide qui s'y trouvait, tachant quelques mets limitrophes. On le resservit plus vite qu'il ne fallait pour dire « salopard de Broìn », mais le Sanglier n'y porta point d'attention, il avait une autre annonce à faire. Sa lourde voix résonna dans la halle de Ceàrnagdun et comme il en était d'habitude, on l'écouta.

« Cassutus, Borio, Cobledulitavus, avancez et écoutez. »

Les trois nommés mirent fin à leurs ripailles, chassèrent les femmes qui tournoyaient autours d'eux et vidèrent leur chopine. Le premier semblait à un tronc, il ne possédait presque pas de cou et son crâne chauve arborait d'étranges tatouages. Le second avait lui l'apparence d'une branche, longiligne et les muscles secs, il portait les stigmates caractéristiques du cavalier émérite. Le dernier quant à lui, arborait une longue chevelure et une moustache qui lui touchait quasiment le torse, son regard était dur et il n'avait pas l'air ivre. Ils étaient manifestement des guerriers reconnus et leurs places à la table royale l'attestait.

« Profitez de votre nuit, festoyez et avant de vous coucher, rendez hommage aux spiors de vos clans. À l'aube, vous partirez en direction de l'Est, bien au-delà des terres Pluincéid. Vous cheminerez jusqu'à trouver les steppes. Vous chercherez les Castaniens et la cité de Skov et ceux que l'on nomment Ghotaïs. Quand vous aurez la preuve de leurs méfaits, vous reprendrez le chemin des vallons et me conterez votre compte-rendu. Je vous donnerez les meilleurs chevaux et vous aurez de quoi troquer tout du long. Revenez avant l'Automne et vous serez récompensés, revenez avant le mi de l'Été et je ferrais de vous les guerriers les plus célèbres des vallons. Aye.»

L'annonce fut claire, la halle résonna des hourra et des cris d'encouragements. C'était grand honneur pour ces hommes de remplir une tâche qui serait sûrement, la plus grande aventure de toute leur vie. S'ils rechignaient à quitter le pays, ils n'en montraient rien, au contraire.
Magetobrigos en revint à son hôte.

« Ces guerriers font partis de nos meilleurs monteurs, si quelqu'un peut remonter ta piste druide, ce sont eux. En attendant, nous nous préparerons tout de même à affronter la menace. Ces Feareich doivent bien avoir quelques faiblesses, aussi mythiques soient t'ils, s'ils saignent, ils peuvent mourir. Aurais-tu décelé quelques faiblesses ? Serais-tu m'en confier plus que tu n'en as déjà dit ? S'ils sont si dangereux, le moindre détail pourra nous être précieux. »

Même s'il doutait que le Voyageur puisse répondre avec clarté à la question, la fortune souriait toujours aux audacieux. Magetobrigos cherchait de façon intermédiaire à se prévenir de ce lointain danger en amont et cela, même en cas d'échec du Conseils des Rois.
Il défendrait le pays Cléirigh quoi qu'il en coûte, dusse t'il le faire seul.

Le souverain Cléirigh hocha la tête aux dires du druide avant de répondre, sa corne remplie de vin entre les doigts.

Tu as sûrement raison druide. Mais si comme tu le dis ces demi-rosses se rapprochent de nos frontières, peut être que les conséquences de leurs avancées, voir pis, de leurs présences, se feront sentir bien avant. Comprend Gaukka, si je cherche à recueillir le témoignage de mes gens, ce n'est que pour alourdir le poids de ton récit. Nous Cléirigh, avons toujours eu tendance à préférer écouter un des nôtres, ni voit point d'offense. Alors, tentons la chance.

À son tour, Gaukka hocha la tête, ne pouvant qu'admettre que le Sanglier agissait selon toute logique. Ce dernier frappa sa corne sur la table et éleva la voix, ses sujets lui prêtant une fois de plus toute leur attention.

Cassutus, Borio, Cobledulitavus, avancez et écoutez. Profitez de votre nuit, festoyez et avant de vous coucher, rendez hommage aux spiors de vos clans. À l'aube, vous partirez en direction de l'Est, bien au-delà des terres Pluincéid. Vous cheminerez jusqu'à trouver les steppes. Vous chercherez les Castaniens et la cité de Skov et ceux que l'on nomment Ghotaïs. Quand vous aurez la preuve de leurs méfaits, vous reprendrez le chemin des vallons et me conterez votre compte-rendu. Je vous donnerez les meilleurs chevaux et vous aurez de quoi troquer tout du long. Revenez avant l'Automne et vous serez récompensés, revenez avant le mi de l'Été et je ferrais de vous les guerriers les plus célèbres des vallons. Aye.

Les trois hommes appelés se levèrent à l'évocation de leur nom pour recevoir les ordres de leur Righ. Des hourras s'élevèrent depuis les bancs et des chopes cognèrent la table en signe d'appréciation. Ils reprirent leur place comme leur avait indiqué Magetobrigos et la musique reprit de plus belle, plus légère cette fois. Le Sanglier se tourna à nouveau vers le Voyageur demeurait contemplatif face à l'assemblée du peuple des Collines qui festoyait bruyament.

Ces guerriers font partis de nos meilleurs monteurs, si quelqu'un peut remonter ta piste druide, ce sont eux. En attendant, nous nous préparerons tout de même à affronter la menace. Ces Feareich doivent bien avoir quelques faiblesses, aussi mythiques soient t'ils, s'ils saignent, ils peuvent mourir. Aurais-tu décelé quelques faiblesses ? Serais-tu m'en confier plus que tu n'en as déjà dit ? S'ils sont si dangereux, le moindre détail pourra nous être précieux.

En bon stratège, le Roi des Collines cherchaient déjà à récupérer quelques bribes d'informations sur ses futurs ennemis. Rompu à l'art délicat de la guerre, son oeil aurait surement perçu des failles ou des forces dans la horde des Ghotaï, mais Gaukka n'avait pas son expertise. Le druide réfléchit en silence, passant son index sur ses lèvres à demi-cloquée par le feu, essayant de trouver quelques informations utile. Sa bouche se tordit en une moue légèrement contrarié tandis qu'il répondait du mieux qu'il pouvait.

Tout est allé si vite, Righ. J'étais déjà loin de la ville lorsque l'attaque est survenue et sans ça, je ne serais probablement pas devant toi pour te parler. Tout ce que je peux dire, c'est que je n'ai vu aucun fantassin. Uniquement des cavaliers qui se déplacent à l'unisson ... Comme une volée d'étourneaux.

Il vida son gobelet, sa gorge s'était asséchée d'elle-même à l'évocation des centaines de chevaux qui faisaient gronder l'armée des steppes comme Tàirne. Il ajouta.

Lorsque j'étais encore à Skov, la rumeur disait qu'ils étaient d'excellents archers, et qu'ils étiaent capables des plus grandes prouesses sur le dos de leurs montures. Malheureusement, Roi du Cnuiclarann, je ne suis pas sûr que ces quelques informations te soient très utiles. Je n'ai pas l'expertise d'un guerrier sur le champ de bataille et j'ai bien peur de ne pas pouvoir t'en dire plus.

Les Cléirigh continuaient à festoyer avec insouciance sous le regard de Gaukka et les airs joviaux des bardes. Avaient-ils conscience que c'était peut-être une de leur dernière occasion de festoyer avant que les Feareich n'embrasent leurs vallons ? Chassant ses idées noires, le druide s'efforça de profiter malgré tout de ces quelques instants de légerté dont il avait bien besoin avant de reprendre sa route. Sa prochaine étape serait Caladh.

C'est avec un intérêt certain que le Sanglier recueillit le témoignage.
Même s'il était succinct, il possédait de l'importance ; comme il l'avait dit, le moindre détail ferait office de mine d'or concernant cet ennemi invisible. À travers son court récit, Gaukka avait répondu à quelques questions d'importance qui seraient sans douter, décisive au moment de l'affrontement. Magetobrigos dévisageait toujours son hôte alors qu'il construisait déjà quelques conclusions intériorisées : en cas d'échec de l'union des Rois, il prédisait d'avance que Cnuiclarann ne serait pas le plus aisé des pays à prendre. On chevauchait difficilement avec aisance dans les vallons, ses sentes pouvaient se révéler traîtresses et les obstacles se faisaient nombreux. Le pays des Aonghusa seraient une cible bien plus facile d'accès, sans parler des terres ruviennes. Ces quelques pensées on ne peut plus pragmatique le rassurèrent, car elle lui autorisait une large marge de manœuvre, aussi bien dans les futures négociations à venir, qu'en cas d'urgence absolue. Bien sûr, il se garda bien de partager ce point de vue avec le druide ; à la recherche, manifeste de l'union sacré des peuples, peut être ne comprendrait t'il pas ces quelques nuances projectionniste. Enfin, il restait le Roi et ses pensées, ne regardaient que lui.

« C'est là quelques informations important druide, nous nous en contenterons et serons les utiliser au mieux, soit en remercié. »

Il leva une nouvelle fois coupe en sa direction, inclinant légèrement du crâne, dévoilant le haut de sa tonsure. Dans la halle, on attaquerait bientôt la fin du banquet et on remplacerait la viande par quelques pains de sirops que les Cléirigh appréciait pour clôturer en beauté la ripaille. Ces derniers seraient servis accompagné d'une corma plus légère, chaude et agrémenté de nombreuses épices. Ce mélange pesait lourdement sur les estomacs à qui n'était point habitué, mais dans le regard des guerriers présents, on pouvait sentir une certaine impatience. Ce met était rare et cher et on ne pouvait le goûter qu'à la table des plus riches.

Alors, les lourds linteaux grincèrent et les portes du palais royale s'ouvrir.

Un air frais s'engouffra instantanément, chassant les fumerolles de la fosse et les odeurs de sueur, de pitance et de gras. Cela eut pour effet de fouetter le sang de tous les participants présents qui tournèrent du chef. Trois hommes pénétraient en ces lieux accompagnés de leurs ambactes et lourdement chargé.
Il s'agissait de Taurio, Onalisus, Vinicari qui vinrent se présenter devant le Roi.

« Holà mes braves ! Vous voici bien lesté ! » Vociféra Magetobrigos, visiblement heureux de cette arrivée. Ses guerriers lui présentèrent les restes du vieux mathan qu'ils avaient préparé avec précaution, puis il les déposèrent sur la table afin qu'il puisse en profiter.
Ils firent quelques récits de leur traque, donnant quelques sur les coups retords de la vieille bête et décrivant la mise à mort en détail. Quand ils eurent fini, Magetobrigos leur fit prendre place et les récompensa de quelques dents et tonnelets de vin.
« Parfait, vois tu druide, voilà qui clos la boucle de notre fortuite rencontre de ce jour, les Tuas nous gratifient de leurs bienfaits. Je ferai parvenir le crâne à Cottro. La fourrure me reviendra et quant à toi...» Il sortit de ses mises un poinçon de fer qu'il ne quittait jamais, si l'objet était courant en pays Cléirigh, il s'agissait ici de la version des Rois : le symbole de Dùnlodunum.
Sur une large griffe, il appliqua le côté ornementé, puis se servant du cul d'une large chope, donna un coup sec sur le côté plat. On entendit un petit « crac » et ce fut terminé.
Le Sanglier tendit l'objet au druide.
« Avec ceci, tu pourras apporter la preuve de mon soutien à qui te la demandera, fait bon usage de ce présent, car ils sont peu nombreux à en disposer. Maintenant, tâchons de profiter du reste de cette soirée avec le plus d'insouciance possible, il semblerait que les jours qui arrivent soient bien assez sombres. »

Et ce fut sur ces mots que la liesse s'allongea jusqu'aux petites heures de l'aube.

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