Personnage Âge: 35 ans Métier: Eorl de Nemodia Statut: Guerrier
Sujet: Attegiovanos le Taciturne Mar 4 Aoû - 23:32
ATTEGIOVANOS LE TACITURNE
Nom/Prénom : Attegiovanos le Taciturne
Âge/ Date de naissance : 35 ans / né à l'hiver 364, le 7ème jour Sexe : Masculin Faction : Clans barbares Liens notables : Son roi, Magetobrigos le Sanglier Son frère, Ansovanos
Fonction : Eorl de la vallée de Nemodia (Cléirigh)
HISTOIRE
An 370 Lande marécageuse de Boglachòmar
Ascagnorix le Semailleur était un chef né. Brave parmi les braves, robuste parmi les robustes, il avait toujours su guider ses hommes avec un naturel propre aux plus grands. Sa voix rauque était reconnaissable entre mille, portait loin sans forcer, elle vous tenait en respect ; elle claquait dans le vent, sèche et dure, comme la grosse main virile qu'il abattait souvent sur l'épaule d'un ami ou dans la gueule d'un ennemi. Quand les choses tournaient au vinaigre, on se réjouissait de suivre pareil homme, car l'on savait qu'il ne flancherait pas, tel un roc affrontant les bourrasques.
« Aaaaah, la SALOPE de GUÊPE ! » vociférait la voix de l'Eorl dans la grisaille du matin, au fond d'un bosquet où, braies baissées, Ascagnorix le Semailleur, brave parmi les braves, était occupé à se soulager. D'un savant tour de main - le guerrier n'ayant pas son pareil pour manier les longues lances - il orienta son chibre sur la gauche, évitant de justesse une piqûre dont chacun imagine qu'elle serait douloureuse. La guêpe s'éloigna dans un bourdonnement vexé, comme déçue d'avoir manqué sa cible. « Fait chier, je m'en suis foutu partout », grogna Ascagnorix en se refroquant, considérant avec agacement les tâches d'urine qui ornaient désormais ses bottes et le bas de ses braies. Un peu plus loin, ses hommes étaient hilares. « Et toi qui te plaignait qu'elles absorbent la pluie ! », le chambra le vaillant Congonnetiagorix. « Qui pisse face au vent se rince les dents. » A quoi Ascagnorix, peu amène ce matin-là, se fendit d'une réponse courte, expression du brillant esprit de synthèse qu'était le sien : « fermez vos gueules, bande de merdes. On r'part. »
La petite troupe s'était remise en branle. Un parti d'hommes en armes réunissait les fidèles de l'Eorl et quelques têtes dures recrutées dans les villages du coin, pour une besogne dont Ascagnorix voulait se charger de l'autre côté des marais. Avec eux venait le jeune Remicos, l'apprenti de Lacofagnorix le chaman ; ce dernier avait envoyé le gamin accompagner l'Eorl, pensant qu'il serait bon pour lui de voir du pays. « Tu ne devrais pas prendre à la légère cet incident matinal », dit Remicos en avançant à la hauteur de l'Eorl. « Une guêpe au printemps ? Cette bestiole n'était pas là par hasard ; les Tuas désapprouvent ton initiative. - De la pisse sur mes bottes, un mauvais présage ? Si c'est comme ça que les Tuas expriment leur colère, ils devaient être sacrément remontés contre moi l'hiver dernier quand j'ai eu la diarrhée. - Je suis sérieux, Ascagnorix. Tu sais ce qu'on dit : guêpe au printemps, danger imminent. - J'ai jamais entendu ce dicton. - Dieux teigneux, guêpe sur la queue. - Celui-là non plus. Je suis sûr que tu viens de les inventer. - Non, c'est complètement faux », protesta Remicos, vexé, mais déjà, Ascagnorix accélérait l'allure et prenait ses distances, coupant court à la conversation.
Il en fallait plus pour dissiper les doutes de Remicos, mais ce dernier connaissait suffisamment le tempérament de l'Eorl pour savoir qu'il ne lui ferait pas entendre raison. Ses craintes devaient l'accompagner tout au long du voyage, suivant silencieusement la troupe de guerriers. Il ne se hasarda pas à s'en ouvrir à quelqu'un d'autre, car il savait qu'aucun d'entre eux ne le prenaient au sérieux. Ils ne juraient que par les armes, alors que lui n'y entendait rien ; quant à sa science de chaman, chaque fois qu'il tentait de la mettre sur le tapis, il se trouvait renvoyé à son statut d'apprenti. Personne ne l'écouterait.
Derrière le couvert des arbres, les ombres sinistres de Boglachòmar lui évoquaient un paysage de cauchemar. Comme la troupe se frayait un chemin à travers les marais, Remicos luttait contre le désir sourd de faire demi-tour. Il avait l'impression terrifiante que quelque chose les guettait jour et nuit dans ces étendues putrides, caché par l'épais brouillard qui les recouvrait toute l'année. C'était une erreur de s'aventurer ici, Remicos le savait bien. Le marais était sacré ; or, l'Eorl Ascagnorix s'avançait en ces terres, mu par des volontés belliqueuses, et il le faisait précisément à la saison où les Broín, le peuple voisin honni, offrait des sacrifices devant les étangs. La sagesse eut été de contourner les cairns, mais Ascagnorix tenait à franchir au plus vite la frontière du territoire Broín ; il ne voulait pas s'y attarder une fois leur besogne faite, et sa principale hantise était d'attirer l'attention des chefs de clan locaux. Une offense faite aux dieux, ça lui passait par-dessus la tête. Folie, avait dit Remicos, et Ascagnorix avait raillé sa couardise, comme toujours.
La nuit avait rabattu son voile noir sur la lande. La lune même s'était retirée, comme si elle refusait d'être le témoin de ce qui se jouait dans les ténèbres. A la faveur de l'obscurité, la troupe avança sans être vue, et bientôt se découvrirent à l'horizon les lueurs de foyers disséminés parmi un essaim de cabanes. Des chiens aboyaient, mais rien ne semblait devoir perturbater la quiétude de cette nuit. Du moins jusqu'à ce qu'Ascagnorix ne donne ses ordres.
Comme un seul homme, les gens de l'Eorl jetèrent sur les masures des brandons enflammés. Des cris résonnaient alors que d'épaisses fumées suffocantes formaient de sombres panaches ; hommes et femmes se précipitaient dehors, où les attendaient des rangées de lances. On tailla en pièce les hommes, les femmes et les enfants. On tua sans état d'âme, car les hommes d'Ascagnorix avaient grandi dans la haine de tout ce qui portait le nom de Broin, et que quoi qu'aient pu commettre ces gens par le passé, ils méritaient forcément d'une manière ou d'une autre ce qui leur arrivait ce soir.
Pourtant, comme l'Eorl pénétrait dans une hutte qui n'avait pas encore été la proie des flammes, il s'immobilisa soudainement, tombant nez à nez avec une gamine recroquevillée. La petite levait vers lui un regard trouble, où le chef cléirigh crut discerner une forme de défi. Elle avait beau trembler de tous ses membres, l'audace de ces grands yeux bleus, témoignant d'une curiosité enfantine alors même que l'on massacrait les siens, fit chavirer le cœur du guerrier.
« Emmenez la gamine », ordonna-t-il. « Mes fils n'arrêtent pas de se chamailler entre eux, ça ne leur fera pas mal avoir un peu de compagnie. »
Ils brûlèrent le village et massacrèrent les habitants avant de repartir d'où ils étaient venus, n'emmenant pour tout butin que la jeune captive. Sa vengeance assouvie, Ascagnorix pouvait retrouver, pour un temps, la quiétude de sa maison. Sourd aux avertissements de Remicos, il ignorait quel mal il venait de libérer cette nuit-là.
La gamine s'appelait Deirdre.
* * *
An 383 Domaine de Nemodia
Contrairement à la plupart des hommes, Attegiovanos ne craignait pas la nuit. D'aucun disaient que dans les ténèbres du sous-bois, aux heures les plus sombres, les esprits errants se mêlaient aux créatures sauvages, murmurant de sourdes incantations tandis que résonnait le chant des loups.
Mais Attegiovanos était jeune. Il n'avait pas acquis cette sagesse qui permet aux anciens de comprendre les bienfaits de la peur, et confondait encore le courage et l'inconscience. Si les esprits pouvaient blesser, ne fallait-il pas qu'eux-mêmes puissent l'être ? Son épée le protégerait aussi longtemps que le courage guiderait son bras ; car il était le fils aîné d'Ascagnorix le Semailleur, et qu'il ne craignait rien ni personne.
Il progressait doucement, sous la voûte du feuillage, à demi éclairé par la lune qui perçait les frondaisons. Il écartait les branchages, les brindilles craquant sous ses bottes, et un léger vent frais soufflait sur son visage et caressait sa barbe naissante.
Il écarta une nouvelle rangée de feuilles, révélant la splendeur d'un lac sur-lequel scintillait la lune pâle. Il s'avança au bord de l'eau, la main posée sur la poignée de son épée. Au milieu du lac, une silhouette baignait dans l'onde, inondée de reflets d'argent. Gracile, souple, elle nageait avec une vitalité toute animale, et lorsqu'elle émergea de l'eau, elle leva vers lui ses yeux d'un bleu plus profond que la mer, révélant un corps fin faussement fragile. Le feu le saisit aux joues en même temps que l'émoi le prenait au corps. Deirdre le reconnut, et elle lui sourit. La serve n'éprouvait aucune gêne, sans doute parce qu'ils gambadaient parfois tout nus lorsqu'ils étaient enfants, mais la courte fourrure blonde qui ornait le creux de ses cuisses et la féminité arrogante de ses seins lui rappelaient qu'ils n'étaient plus des enfants.
Il l'aima sur la berge du lac cette nuit-là. Deux minutes d'osmose parfaite devaient entériner le pacte d'amour de toute une vie ; il lui jura son cœur et son âme, se promit à elle et la fit sienne, maintenant et à jamais.
* * *
An 385 Domaine de Nemodia
Deirdre enfanta un fils au début de l'hiver. C'était un garçon robuste, et l'Eorl fit donner une grande fête en l'honneur de son premier petit-fils, vantant la virilité de sa graine et promettant que ce futur guerrier ferait l'honneur de sa lignée. L'enfant mourut trois jours plus tard.
Deirdre tomba de nouveau enceinte plus tard cette année-là, mais elle se remit à saigner peu après. Attegiovanos ne lui en voulait pas ; ces choses arrivaient parfois, et à force de persévérance, il ne doutait pas qu'elle finirait par lui donner un fils vigoureux.
La santé fragile de Deirdre lui valait des soins quotidiens. Elle était parfois prise de fièvres délirantes, et gardait dans sa convalescence le souvenir de visions saisissantes.
« Ce ne sont pas des rêves ordinaires », confia-t-elle un jour à son époux. « Je vois d'immenses chevaux déferler dans la vallée, et coucher les plus grands chênes sous la force de leurs sabots. Et cette voix qui murmure, sans cesse : fuis, fuis aussi loin, aussi vite que tu peux. J'ai peur, Attegiovanos, vraiment peur. - Les rêves ne sont pas dangereux, mon adorée. Ils ne peuvent pas blesser. »
Deirdre fit régulierement le même songe cette année-là ; le phénomène s'estompa les années suivantes, sans s'arrêter tout à fait. Elle consulta Remicos, mais ce dernier n'avait guère de réponse à lui apporter.
Elle tomba de nouveau enceinte l'année suivante, mais perdit encore l'enfant.
* * *
An 392 Domaine de Nemodia
Au fond de la vallée de Nemodia par une froide nuit d'hiver, s'élevait à flanc de coteau un imposant bûcher funéraire, sous les lumières diffuses d'une lune pâle et d'un ciel constellé d'étoiles.
Le vent portait les voix des créatures nocturnes qui peuplaient les bois environnants ; ci et là les hululements de chouettes entre les grééments de quelques branches, qu'accompagnait le chant de quelque rapace nocturne. Au loin retentit l'appel d'un loup à sa meute, prémice d'une traque sanglante dans les profondeurs insondables de la forêt. Rien d'autre ne perturbait le silence de la nuit, en-dehors des murmures et incantations de Remicos, le chaman, et de Uacoboccios, le druide.
Une vingtaine d'hommes et de femmes, quelques enfants aussi, se tenaient là, droits et silencieux, les pieds enfoncés dans la terre enneigée, portant de longs bâtons enflammés. Tête baissée en signe de deuil, ils attendaient que le druide et le chaman aient fini d'officier, pour alimenter les premières flammes du brasier.
Les habitants de Nemodia, frappés par un hiver mordant, étaient accablés de nombreux deuils cette année. Le froid avait enlevé nombre d'anciens, en tête desquels venait Congonnetiagorix, vétéran parmi les vétérans, une force de la nature qui avait vu tant d'années qu'il avait cessé depuis longtemps de les compter - mais il est vrai qu'il n'avait jamais très bien su comment faire. On s'était presque convaincu qu'il était éternel, et lui-même devait probablement le croire, avant que son fils Congiomar le retrouve tout froid dans son lit lors d'un matin gris.
L'hiver leur avait encore pris Maloculos, Orcadix, et même cette vieille chèvre récalcitrante d'Adnama, qui chiait chaque jour l'équivalent de trois fois son poids, ce que même Remicos n'arrivait pas à expliquer.
Et puis, il y a trois nuits, la morsure du froid avait fait une nouvelle victime : Deirdre, la jeune épouse d'Attegiovanos, le fils de l'Eorl, était devenue toute bleue. On avait eu beau allumer des feux, l'étouffer presque sous des tas de couvertures, lui faire boire tout ce que Remicos avait pu concocter de remèdes de cheval, rien n'y fit. La pauvrette s'était éteinte peu avant l'aube. Son ventre commençait tout juste à prendre les rondeurs d'une énième grossesse, mais personne n'imaginait que l'enfant aurait vécu de toute façon ; tous les enfants que Deirdre avait portés, elle les avait toujours perdus.
La nouvelle avait endeuillé tout le monde. A Nemodia, tout le monde aimait Deirdre. C'était une battante, avec un sacré caractère, et il en fallait. Elle était très jeune lorsque l'Eorl Ascagnorix l'avait enlevée à son clan ; destinée à l'esclavage ou au rançonnage, elle avait su trouver dans le coeur de l'Eorl une compassion toute paternelle, et ce dernier l'avait élevée comme l'une de ses filles, avant qu'elle ne gagne le cœur d'Attegiovanos.
Las ! Les Tuas ne bénirent jamais leur union par la naissance d'un enfant bien portant. A mesure que s'enchaînaient les fausses couches et les décès rapides, chacun devinait, sans toutefois le dire, que leur mariage était maudit. L'on se rappelait, non sans un certain malaise, l'acte impie commis par l'Eorl Ascagnorix dans les marais de Boglachòmar ; les Spiors portaient le châtiment des Tuas sur les jeunes époux. Chacun en était intimement persuadé, mais le jeune Attegiovanos n'avait jamais voulu voir ces signes, et aussi longtemps que Deirdre demeura en ce monde, il n'aima jamais qu'elle, et jamais ne lui reprochât leurs multiples échecs.
Cet aveuglement, tout autant que l'amour déraisonnable et illimité qu'il vouait à sa belle, n'était pas sans décontenancer les habitants de Nemodia. Il y avait toujours eu chez Attegiovanos une forme de légèreté que l'âge excusait, mais qui devenait problématique à mesure qu'elle tardait à s'estomper. Son père Ascagnorix avait beau conserver une santé de fer, chaque année le rapprochait d'un destin inéluctable : un jour, son fils lui succéderait à la tête du clan, et il se devait d'être prêt le moment venu. Attegiovanos, plein d'affection pour son père, clamait qu'il ne voulait point songer au jour de son trépas ; il était surtout plus soucieux de suivre ses plaisirs que de penser aux nécessités de la communauté dont il aurait un jour la charge.
C'était, à bien des égards, encore un gamin. Procrastinateur invétéré, son sens des priorités avait tendance à agacer ; lors des chasses, il n'était pas rare de le voir s'écarter de la piste du gibier, son attention était retenue par quelques fleurs. Il fallait alors attendre qu'il compose un joli bouquet pour sa belle, et le temps qu'on en revienne au gibier, la piste était froide. Et combien de matins traîna-t-il au lit, alors qu'on l'attendait pour un départ à l'aube, pour quelque visite protocolaire chez un chef voisin ? « Je ne pouvais venir plus tôt, Deirdre était d'humeur câline », vous disait-il sans un accroc dans la voix. Oui, il l'aimait, terriblement. Trop, sans doute, pour leur propre bien à tous les deux.
Or, cette nuit, alors qu'on allumait le bûcher funéraire de son épouse, quelque chose s'était brisé dans l'esprit du jeune Cléirigh. Comme il sentait peser sur lui les regards des siens, Attegiovanos restait stoïque. Ses yeux étaient vides, car il avait pleuré toutes les larmes de son corps, mais jamais devant témoin. Il était un guerrier, un futur Eorl ; il était surtout un homme fait, et les hommes faits ne pleurent pas.
Avec la mort de Deirdre, c'est aussi la légèreté d'Attegiovanos qui disparut. Les mois, les années qui suivirent, il devint un autre homme. L'enfant qu'il avait été n'était plus ; l'âge adulte l'avait cruellement rattrapé.
* * *
An 398
Fidèle à sa robuste nature, Ascagnorix le Semailleur avait mis des jours à mourir. Les années s'étaient cruellement vengées de l'Eorl, lui refusant un trépas rapide au champ d'honneur. Le temps lui avait pris sa vigueur, avait affaisé son dos et ses épaules, jusqu'à lui ôter la force de tenir l'épée et la lance. L'imposant chef s'était mué en vieillard décati, et il ne lui restait que sa voix de stentor pour se plaindre nuit et jour du mauvais tour que lui jouaient les Tuas.
La longue agonie du père avait au moins laissé le temps au fils de prendre la mesure de ses nouveaux devoirs. Lorsqu'il devint l'Eorl de Nemodia, Attegiovanos n'avait déjà plus grand chose du jeune homme insouciant qu'il était autrefois. A trente-quatre ans, c'était un homme fait, que précédait tant sa réputation de valeureux guerrier que le sobriquet qu'on lui avait attribué. Si on s'était mis à l'appeler le Taciturne, c'était d'abord par dérision : on se plaisait à tourner en ridicule ce silencieux fils de chef, qui paraissait toujours triste et déprimé ; quel genre d'homme pouvait traîner ainsi le chagrin d'une donzelle morte depuis des années, sinon un faible ? Et puis, le temps passant, le Taciturne s'était forgé une toute autre image. Sa parole rare ne laissait nulle place aux bavardages stériles, se contentant de l'essentiel ; quelques mots bien choisis lui suffisaient à se faire comprendre, et cette qualité s'avéra bien utile au cœur des mêlées meurtrières de la Guerre des Brogues.
Le conflit entre Cléirigh et Broín atteignait son point culminant cette année-là. On se battait dans les marais, porté de part et d'autre par la haine tenace que l'on vouait au peuple honni. Attegiovanos avait loyalement engagé ses forces à la suite du roi Magetobrigos, son seigneur ; ignorant, aveugle qu'il était, qu'il s'associait pour la seconde fois à un acte impie, à l'image de celui qu'avait commis son père presque trente ans auparavant. Porté par sa fureur de vaincre et d'annihiler ses adversaires, le roi Magetobrigos avait dédaigné le respect des rites, refusant de bouleverser ses plans.
L'Eorl de Nemodia ferraillait au cœur du tumulte, revêtu de sa broigne de macles, bouclier et épée courte en mains. Son adversaire, un solide gaillard, agitait sa hache, exécutant des courbes rapides et complexes. Restant à l'écart de la lame dansante, l'Eorl se saisit d'une longue lance.
« Chercherais-tu à compenser quelque chose en maniant la lance ? » le héla le guerrier broín, goguenard. « Grande lance, petite bite ! - L'un et l'autre sont bien assez grands pour provoquer les pires souffrances », rétorqua l'Eorl.
Le Broín se contenta d'éclater de rire, avant de charger en hurlant des insanités. Sa hache siffla dans l'air, et Attegiovanos fit un bond de côté pour éviter l'attaque, profitant de l'agilité sans entrave que lui conférait son équipement léger. Comme l'ennemi se retournait vers lui, l'Eorl le jaugeait, imperturbable ; le Broín reprit ses provocations :
« Tu es un couard, trop mauvais pour faire un adversaire à ma mesure. - Un couard ? Mais je te fais face, Broín. Est-ce la peur qui rend tes mouvements si lents ? - Va crever, Cléirigh. Ce casque à pique te fait une sacrée gueule de con, tu l'as trouvé où, dans le cul d'une vache ? - Presque. Je l'ai trouvé dans la chambre de ta mère, elle me l'a offert après que je l'ai baisée. »
Furieux, l'adversaire chargea une nouvelle fois, brandissant sa hache avec la ferme intention de faire mouche. Cette fois-ci, Attegiovanos lui jeta son bouclier au visage ; l'autre para avec sa hache, évitant l'obstacle, mais, emporté dans son élan, il se rua tout droit sur la lance que l'Eorl levait à présent dans sa direction. La pointe le transperça de part en part, et un flot de sang jaillit de la bouche du guerrier broín.
« Mon nom est Attegiovanos, fils d'Ascagnorix le Semailleur, de la vallée de Nemodia, du peuple des Cléirigh, et ta tête ornera sous peu la croupe de mon cheval », promit l'Eorl à son adversaire.
Un étrange gargouillis retentissait dans la gorge du Broín. Celui-ci parvint pourtant à articuler quelques mots, alors qu'autour d'eux continuait de résonner le tumulte de la bataille :
« Tu... tu... tu es... gurklbllg... - Articule, je comprends rien. - Toi... qui... blrgh... D... d... Deirdre... - Hein ? Qu'est-ce que tu dis ? - Deirdre... c'était... - Je t'interdis d'évoquer son nom, immonde enfant de putain. - Elle est... - Ma femme, gronda Attegiovanos. - Ma sœur », répliqua l'autre.
Attegiovanos recula, les yeux ronds, tandis que son vis-à-vis se vidait doucement de son sang.
« Est-elle... ? - Elle est morte. Depuis des années. »
Un voile de tristesse passa dans le regard du mourant.
« A cause de vous », parvint à articuler distinctement le Broín. « Maudits... à cause de vous... »
Comme Attegiovanos restait bouche bée, et que le Broín s'apprêtait à dire ses dernières paroles, la violence des combats se rappela à eux. Un grand gaillard percuta l'Eorl par inadvertance, occupé à ferrailler contre un autre ; et comme Attegiovanos retrouvait son équilibre, le Broín reprit :
« Il f... faut que tu saches... elle... elle... »
Des pas rapides se rapprochaient dans la tourbe, mais Attegiovanos n'y prit pas garde. Reconnaissant la silhouette haute de son frère Ansovanos, il ne se méfia guère, jusqu'à ce que celui-ci plante sèchement une lame dans le cœur du guerrier mourant.
« Mais qu'est-ce que tu fous !!!? s'écria Attegiovanos, effaré. - Ben quoi, c'est un connard de Broín ou pas ? Je le bute. - Mais t'es complètement... »
Attegiovanos n'acheva pas sa phrase. Sous leurs pieds, dans la tourbe, le sol s'était mis à trembler. Un choc violent et invisible secouait le champ de bataille tout entier ; des flammes s'allumaient à l'horizon, alors qu'une force inexplicable et inouïe déchaînait sa violence dans le marais de Broglachòmar. Beinn criait sa colère, punissant l'affront. Partout, les hommes fuyaient le combat, laissant l'issue de la bataille sans vainqueur ni vaincu ; Broín ou Cléirigh, ils fuyaient tous, oubliant toute notion de courage ou de lâcheté.
Le choc avait projeté Attegiovanos contre une surface dure. Sonné, il mit un long moment à émerger de sa léthargie ; autour de lui, l'air se chargeait d'odeurs de souffre et semblait avoir le goût du métal ; à moins que ce ne soit sa langue qui saignait. Il avait dû se mordre en tombant. Comme il plissait les paupières, cherchant à distinguer quelqu'un ou quelque chose sur le champ de bataille déserté, une silhouette aux cheveux longs se dessinait devant lui. Son coeur fit un bond dans sa poitrine.
« Deirdre... » murmura-t-il.
Elle était là. Elle était venue le chercher.
« Pfff. Bien sûr que non, c'est pas Deirdre, pauvre idiot. Dépêche-toi de te lever, il faut vraiment qu'on foute le camp d'ici. »
Sur ces mots, Ansovanos attrapa le bras de son frère et tira sans ménagement, l'aidant à se remettre debout. Glissant un bras sur son épaule, il l'aida à marcher, le temps pour l'Eorl de recouvrer ses esprits.
« Un jour, mon frère, il faudra que tu cesses d'écouter les morts. »
Dernière édition par Attegiovanos le Taciturne le Mer 7 Oct - 23:24, édité 2 fois
Attegiovanos le Taciturne
Messages : 16 Date d'inscription : 22/07/2020
Personnage Âge: 35 ans Métier: Eorl de Nemodia Statut: Guerrier
Sujet: Re: Attegiovanos le Taciturne Dim 27 Sep - 2:47
Oyez, bonnes gens,
Après un temps de gestation que seule Laelia est capable de dépasser, je vous annonce que ma fiche est prête à être relue !
Je voudrais remercier ma famille et mes amis et tous les gens qui ont cru en moi.
Sujet: Re: Attegiovanos le Taciturne Dim 27 Sep - 13:41
BOOM
Me voici pour la correction !
Une belle fiche pour un Eorl plutôt pas mal, mais il y a quelques petites erreurs à corriger avant de te laisser gambader dans les vallons des Cléirigh et aller botter le derch' des Broìn.
- Tout au long de la fiche, tu parles des Spiors. Tu les pries, tu leur attribues des châtiments et des effets/actions directes sur le monde. Bien que ce ne soit pas totalement inexact, les Spiors sont des avatars liés aux Tuas. Par exemple, la guêpe qui vient piquer le dard d'Ascagnorix n'est pas le fait d'un Spior mais d'un Tua qui va envoyer un de ses avatars emmerder le monde. Autre exemple, à la fin de ton histoire, tu évoques la terre qui tremble et tu attribues cet évènement à un Spior alors que cette fois, on sera plus dans un évènement qui dépend de Beinn, le Dia de la Terre (qui s'ébroue, pète, baille, grogne à toi de voir). Pour rappel, les Dias sont les éléments (Terre, Eau, Feu, Air, Tempête), les Tuas sont liés aux Humains et à leur vie (Vie/Mort, Joie/Tristesse, Force/Faiblesse etc ...) et les Spiors sont les compagnons des Tuas qui les représentent en permanence dans le monde des mortels. Pour faire une analogie, les Spiors sont plus des anges ou des saints, là où Dias et Tuas sont de véritables divinités qu'on prie et auxquels on va attribuer des évènements inexpliquables.
Citation :
La santé fragile de Deirdre lui valait les soins d'une horde de sage-femmes.
- Les chamans sont en charge des soins ou des accouchements. Chez les Peuples Libres, la naissance est plus encadrée par la caste sacerdotale qui a des connaissances en médecine, voir de femmes du clan qui vont épauler la jeune mère sans avoir la fonction de sage-femme à proprement parlé.
- Dernier point, le combat à pewal ... et la charge hélicobitale. Autant dans un cadre sacré et cérémoniel, avec des peintures sur le corps, je conçois le côté nudiste. Pour intimider ou décontenancer un adversaire lors d'un duel aussi. Mais que ce soit une habitude ça me paraît trop gros. Alors oui, c'est fun et surprenant, mais venant d'un Eorl ça me pose question. J'imagine qu'il y a l'inspiration des guerriers nus celtes britanniques derrière cette particularité mais cette description vient des romains qui ont beaucoup fait pour montrer leurs adversaires comme des pégus en pagne (au mieux) ou de représentations artistiques (au même titre que les grecs et pourtant les hoplites étaient pas vraiment à oualpé ^^). [D'autant que les mêmes romains ont allègrement pompés l'armure celte pour équiper les légionnaires par la suite (cf la cotte de maille et le casque à paragnathides articulées ou "Casque Alesia")]. Tout ça pour dire que je ne suis pas convaincu par cette habitude chez quelqu'un qui a de quoi se faire un équipement solide et probablement plus efficace que les ruviens. Et puis vu le climat, l'hélicobite doit pas avoir une très grande amplitude pour servir de distraction. Ca caille autour d'Oncmelia Minor.
Wéléwélé
Attegiovanos le Taciturne
Messages : 16 Date d'inscription : 22/07/2020
Personnage Âge: 35 ans Métier: Eorl de Nemodia Statut: Guerrier
Sujet: Re: Attegiovanos le Taciturne Mer 7 Oct - 23:27
J'ai apporté les corrections dans les divers passages mentionnés. Je renonce à la joie de combattre nu, et ceci me déchire le cœur, mais je dois bien me soumettre à la loi de l'admin.