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 [SAGA] La conquête de la Terre des Géants

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Nuntius

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Nuntius

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MessageSujet: [SAGA] La conquête de la Terre des Géants    [SAGA] La conquête de la Terre des Géants  I_icon_minitimeVen 4 Sep - 12:48

LA CONQUÊTE DE LA TERRE DES GEANTS





Sommaire:
  1. Des Gàrradh au Fumhaireantìr
  2. La bataille des Pics
  3. L'errance
  4. La rage de Madah
  5. Cuthach



DES GÀRRADH AU FUMHAIREANTÌR



Il y a des cycles et des cycles, au coeur des forêts, vivait le Righ Doran et son peuple. Les Pluincéid avaient dompté les frondaisons des Gàrradh et le peuple des forêts prospérait en se nourrissant des trésors qu’offrait leur domaine végétal. Sous la férule de Doros, le père du Righ, ils avaient conquis les deux rives de l’Eascann et Doran étaient bien décidés à poursuivre les conquêtes initiées par son aïeul. Son regard azuré se porta vers les hautes cimes des montagnes grises qui s’étendaient au Sud, là où le fleuve qui serpentait au centre du territoire prenait sa source.

Les druides disaient que le massif montagneux cachait des géants et l’intrépide roi était déterminé à combattre ces êtres légendaires et à les réduire en esclavage afin de devenir le plus grand Righ de son peuple. Au creux des pentes rocheuses, les gisements de fer et d’or étaient aussi nombreux que les étoiles dans le ciel. Succombant à la convoitise, il envoya des éclaireurs repérer des passages sûrs pour permettre à ses guerriers de prendre des positions fortes dans les montagnes et envahir ce nouveau territoire plein de richesses.

Au bout de quelques jours, un éclaireur revint. Il n’avait vu aucun géant mais amenait avec lui une roche de fer brut plus grosse qu’une tête d’homme. L’homme confia au Righ qu’il suffisait de se baisser pour trouver pareil filon. Un deuxième éclaireur rejoignit la demeure de Doran, celui-ci amena un sac rempli de poudre d’or. Selon ses dires, il suffisait de râcler le fond des cours d’eaux du Fumhaireantìr pour récupérer le précieux métal. Un troisième revint en portant sur son dos la dépouille d’une bête étrange. On aurait dit une chèvre énorme aux bois en spirale et aux sabots fourchus. D'après l'éclaireur, des troupeaux entiers de ces bêtes bondissaient sur les pentes abruptes et la largeur du bestiau était telle qu’un seul animal pouvait nourrir une famille entière pendant plusieurs jours. D'autres éclaireurs revinrent, et les uns après les autres, chacun amenait de nouveaux trésors des montagnes, mais aucun n’aperçut jamais les géants. Le massif était inhabité, riche et prêt à être conquis par le peuple des forêts.

Les cornes de guerre résonnèrent sous la canopée lorsque Doran convoqua ses Eorls afin de leur exposer son plan de bataille. Tous les clans des Gàrradh avaient répondu à l’appel de leur roi, et les bardes déclamèrent leurs louanges devant une populace enjouée et excitée par la conquête à venir. Un grand feu brûla toute la nuit et illumina le cœur de la forêt pendant que Doran convainquait les chefs de clan les uns après les autres.

Les tambours de guerre et les carnyx résonnèrent tandis que l’armée du peuple des forêts, sous l’étendard au Corbeau de Doran, se dirigeait vers les hautes montagnes. Remontant le courant de l’Eascann, les troupes Pluincéid s’enfoncèrent au cœur du massif du Fumhaireantìr. Ils marchèrent pendant plusieurs heures, ne rencontrant que quelques bouquetins qui s’enfuirent en bondissant de rocher en rocher. Les guerriers passèrent entre deux cairns larges et immenses qui s’élevaient à une hauteur équivalente à trois hommes. Un bruissement parcourut les rangs tandis que chacun s’interrogeait sur ceux qui avaient pu dresser pareil monticule. Un barrissement grave salua le passage du dernier guerrier de la colonne entre les deux amas de pierres gigantesques.



LA BATAILLE DES PICS


Une première silhouette apparut derrière un versant de montagnes. La tête protégée par un casque en os, brandissant une hache dont la lame faisait dix pieds de haut, le géant beugla et son cri fit trembler la terre elle-même. Un deuxième suivit, maniant un tronc d’arbre en guise de gourdin, puis un troisième soulevant un énorme rocher au-dessus de sa tête. Grondant et rugissant, ce dernier envoya son projectile sur les guerriers de Doran, lesquels, stupéfaits de découvrir leurs titanesques adversaires, demeuraient figés sur place. Le projectile, véritable morceau de montagne, s’éleva dans les airs avant d’amorcer sa chute dans une sifflement menaçant. Les premiers cris de terreur des hommes du peuple des forêts retentirent, bientôt remplacés par des hurlements de douleur tandis que l’énorme rocher atteignait sa cible dans un grondement sourd.

Le géant rit. L’écho de sa voix grave résonna entre les pentes grises comme un grondement de tonnerre. Le Righ put voir la traînée de sang et de tripes qu’avait creusée l’énorme roche dans ses rangs et plusieurs guerriers essayaient de sortir ceux de leurs camarades coincés en-dessous qui n’avaient pas eu la chance de mourir sur le coup. Les deux autres Fumhairean approchèrent de leur pas lourd, levant leurs armes démesurées avant de les abattre sur les rangs désorientés. Les corps volèrent autour de Doran et de son frère Colka. Le cadet saisit l’épaule de son frère, un fin filet de sang coulant sur son front.

Doran ! Il faut nous replier !

Le souverain jetait des coups d’oeil anxieux tout autour de lui, tandis que les géants poursuivaient leur sinistre besogne en fauchant les soldats comme des blés mûrs. Ne voulant pas se laisser vaincre aussi facilement, Doran hurla ses ordres.

Archers ! Tireeeez !

Obéissant à leur Righ, l’arrière-garde de la colonne encocha ses flèches avant de lâcher une volée sur le géant le plus proche, celui qui agitait un tronc d'arbre en guise de gourdin. Le titan ne semblait pas éprouver la douleur et tandis que celui casqué d’os enfonçait sa lame dans le sol dans un sillon sanglant, le dernier approchait à son tour pour engager le corps-à-corps. Il plia le genou avant de tenter d’écraser les soldats comme les vulgaires fourmis que le peuple de Doran représentait à ses yeux. Doran donna un grand coup d’épaule à Colka qui bascula sur le dos, juste à temps pour ne pas finir écrasé par l’énorme voûte plantaire, et le choc fit trembler le champ de bataille.

Le Righ Doran fit tournoyer sa hache au-dessus de sa tête et l’enfonça de toutes ses forces dans la chair du Fumhairean. L’entaille semblait ridicule par rapport au gigantisme de la patte, mais un sang épais se mit à couler paresseusement lorsque le souverain retira sa hache. Le regard déterminé tourné vers ses hommes qui restaient cois, il s'écria :

Ils peuvent saigner ! S’ils peuvent saigner, ils peuvent être tués ! Chargez ! Chargeeez !!

Sous les vociférations de leur Righ qui planta une nouvelle fois sa hache dans la chair épaisse du géant, les soldats s’enhardirent et le rejoignirent pour plonger à leur tour leurs lames dans l’énorme pied.

De son côté Colka avait été relevé par quelques uns de ses hommes et commençait à réunir autour de lui les guerriers pour faire face au Fumhairean à la tête recouverte d’os. La lame immense tournoya un instant, créant une bourrasque de vent violent avant de tomber vers les troupes une nouvelle fois. Le cadet du Righ suivit la lame des yeux et beugla sans vraiment s’en rendre compte.

Attention ! À gauche !

Les soldats, fiers et rompus à obéir aux ordres de leur Baran, suivirent ses indications et s’écartèrent de la course mortelle de l’épée à la lame aussi large que deux hommes côte à côte. Le coup puissant heurta le sol avec fracas et la terre se sépara en deux. Une fissure se mit à courir au milieu de l’armée et le flanc de montagne se sépara en deux, creusant un gouffre qui s'élargissait à vue d’oeil. Là où quelques instants auparavant il n’y avait qu’une montagne, le Fumhairean venait d’en créer deux. Le cri des malheureux qui chutèrent dans l’abyssale crevasse qui s’ouvrait sous leurs pieds marqua la fin de la bataille et le début d’une retraite générale et désordonnée.

Malgré ses efforts pour garder ses guerriers mobilisés autour de lui, Doran ne put que constater le délitement rapide de sa ligne, et même si lui et quelques-uns de ses plus fidèles et féroces guerriers continuaient de jouer de la hache contre le pied qui se levait et s’abattait autour d’eux, creusant des vallons encaissés à chaque coup, il se retrouva bientôt isolé du reste de son armée. Les hurlements de triomphe des Fumhairean retentirent lorsqu’ils comprirent qu’ils avaient vaincu les minuscules envahisseurs. Les deux géants armés se tournèrent vers leur frère qui continuait de piétiner le sol pour achever les derniers adversaires. Ce fut bientôt trois visages démesurés et grimaçants qui se penchèrent sur Doran et ses quelques camarades, qui succombèrent les uns après les autres. Le Righ fut le dernier survivant, donnant des coups de haches dans les doigts qui essayaient de le saisir et sautant de-ci de là pour éviter les coups des Fumhairean. Il parvint à éviter de justesse la lame du géant casqué mais n’échappa finalement pas à la poigne de celui qui tentait de l’écraser sous son pied depuis plusieurs heures.

Au coeur de la paume gigantesque, Doran se débattit sans succès. Le géant amena le Righ jusqu’à son visage. L’haleine du Fumhairean charriait des effluves de viande pourrie et de mauvais vin. Le gloussement du titan face à la hargne de son adversaire minuscule fit vibrer tout le corps du Righ. Il savait que son heure arrivait, que Baran Didom venait interrompre son temps dans le monde des Hommes. Une volée de corbeaux croassa au-dessus du champ de bataille, semblant se gausser de la folie du peuple des forêts qui avait cru pouvoir conquérir la Terre des Géants de façon si présomptueuse. Exténué par le combat, prisonnier de doigts plus gros que lui, Doran murmura une prière silencieuse aux Dias. Il crispa sa main sur le manche de sa hache. Le géant l’inspectait avec attention. L’énorme globe oculaire se trouvait à quelques pas de lui. L’immense iris bleu encerclait une pupille au-moins aussi grande que Doran lui-même. S’il devait mourir, le souverain était déterminé à le faire avec honneur. Rassemblant ses dernières forces, Doran souleva son arme et la projeta de toutes ses forces dans l’oeil du géant. La fine membrane craqua et le hurlement de douleur du Fumhairean résonna de longues minutes entre les cîmes enneigées.

Le géant lâcha son étreinte et Doran bascula dans le vide. Il vit le sang qui inondait le visage de son adversaire. Dans ce désastre qui résultait de son avidité et de son ambition, il avait réussi à remporter une infime victoire. Le Fumhairean se souviendrait à jamais de son combat contre le peuple des forêts. La chute sembla durer des heures et à la fois une seconde. Doran heurta le sol dans un craquement sourd, et son regard se figea vers un ciel qu’il ne voyait pas.
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MessageSujet: Re: [SAGA] La conquête de la Terre des Géants    [SAGA] La conquête de la Terre des Géants  I_icon_minitimeVen 4 Sep - 12:50



L'ERRANCE


La défaite était indiscutable. Les trois Furhairean beuglaient au loin tandis que les soldats du peuple des forêts détalaient vers l’abri des Gàrradh. Colka observa de loin le dernier acte impétueux de son frère qui livra son dernier acte de bravoure en scarifiant le visage d’un des géants. Entouré de ses soldats, il abandonna le champ de bataille tourmenté par les coups puissants de ses ennemis. Suite au combat, de nouvelles gorges avaient été tracées dans la roche grise et tandis qu’il pensait mener ses troupes vers les futaies rassurantes, le groupe rencontra un immense gouffre qui lézardait à perte de vue.

Colka suivit la faille pendant des heures, tentant de trouver une sente qui le conduirait vers le Nord. En vain. Le sillon qu’avait tracé le coup tranchant du géant semblait avoir coupé tout le massif montagneux en deux. La cicatrice béait sur des lieues entières jusqu’à l’horizon et là où le matin, il y avait un versant en pente douce, il ne trouvait plus que falaises abruptes et pierres ciselées.

Le jour déclinait et le frère du défunt Righ et ses guerriers continuaient à errer à la recherche d’un passage qui leur permettrait de rejoindre le reste de l’armée défaite. Colka dut se rendre à l’évidence tandis que le manteau bleuté de la nuit commençait à couvrir le ciel et que la lune prenait la place du soleil. Remarquant un renfoncement dans le flanc de la montagne, il rassembla ses hommes pour monter le camp pour la nuit. Sur ce paysage rocailleux, aucun bois ne poussait pour alimenter un feu qui éloignerait le vent glacial qu’Ana faisait souffler. Se serrant les uns contre les autres et s’enveloppant du mieux qu’ils le purent dans leurs capes, les guerriers passèrent une nuit horrible où leur sommeil fut entrecoupé de hurlements de loups et de frissons. Dans les ténèbres nocturnes, ils virent les ombres géantes qui se déplaçaient au loin, faisant gronder le sol à chacun de leurs pas.

Lorsque l’astre du jour colora de feu l’Est, bien peu d'entre eux avaient pu récupérer de la bataille. Les yeux rouges et gonflés, les guerriers se relevèrent, courbatus et perclus de crampes. Colka avait l’impression d’être devenu un vieillard, tant le moindre geste lui demandait un effort qui lui faisait grincer les dents. Les soldats reprirent leur route après avoir ingurgité quelques fruits secs et lambeaux de viande séchée que chacun avaient embarqué. Les heures filèrent entre rochers et gouffres et le soleil déclina bientôt sans que les braves ne trouvent une piste ou un sentier de chèvres qui les mènerait vers leur forêt natale. La nuit revint, puis une autre journée d’errance qui précéda une nouvelle nuit noire. Les forces de guerriers les désertaient petit à petit au même titre que le moral. Leurs paroles, d’abord revanchardes et maudissant les adversaires cyclopéens qui avaient mis en déroute l’armée du Roi Doran, se muaient en litanies plaintives et déprimées, suggérant qu’ils allaient mourir de faim et de froid au coeur de la pierre grise et nue.

Au cinquième matin, les plus frêles ne se relevèrent pas de leur nuit sans repos. Dans le ciel, des charognards tournaient en rond au-dessus du groupe. Ces sinistres animaux sentaient le regard du Baran Didom qui se posait sur eux et chaque nuit le Tua enfermerait dans ses paumes décharnées les moins chanceux. C’est lors de la nuit suivante, alors que le groupe se serrait sous une arche naturelle, que Colka remarqua plusieurs points lumineux qui les entouraient au loin. Il se frotta les yeux, pensant d’abord à une hallucination due à la fatigue. Puis une série de jappements lui assura qu’il n’était pas en train de s’imaginer des choses. Une meute de loups s’était approchée et les toisait dans la pénombre.

Affaiblis par les combats et les jours d’errance sous les bourrasques glacées qui fouettaient les flancs de montagne, les hommes peinèrent à brandir leurs armes pour se défendre en cas d’attaque. Les prédateurs restaient tout de même à bonne distance, guettant les signes de somnolence avant d’approcher de leurs proies. La nuit fut longue et parut encore plus éprouvante que les précédentes et pendant la journée, il ne fut pas rare d’apercevoir les silhouettes velues qui rôdaient autour du groupe de guerriers qui titubait plus qu’il ne marchait. Colka vit des hommes solides et courageux se laisser submerger par des sanglots d’enfants en s’affalant contre la roche. Certains sombrèrent dans le sommeil en ayant à peine le temps de poser la tête contre le sol. Le chef lutta de toutes ses forces avant de sombrer à son tour, malgré les points luisants qui étaient braqués sur lui. L’épuisement eut raison de lui et il glissa dans le monde des songes.

***

Colka ouvrit les yeux, le visage à moitié enfoui dans des touffes fournies d’herbe hautes et vertes. Un soleil pâle baignait la plaine infinie où il se trouvait. De ci, de là, de longues épées à la lame épaisse étaient plantées dans le sol et formaient de véritables bosquets de métal qui étincelaient sous les rayons de l’astre blanc.

Suis-je mort ?

Sa voix se répercuta en écho tout autour de lui comme s’il se trouvait dans une grotte basse de plafond. Une légère brise se leva et fit grincer les armes épinglant la terre. Le grincement s’amplifia, monta dans les aigüs et retomba dans les graves. Bientôt, ce fut comme une mélodie qui retentissait tout autour du Pluincéid. Parfois, il semblait que les épées hurlaient comme une meute de loups. À d’autres instants, il sembla à Colka entendre des tintements métalliques évoquant le son d’un combat acharné. Pourtant il était seul. Il avait beau tourner, marcher en avant, se détourner pour revenir sur ses pas, lever ou baisser les yeux, ou encore regarder à l’horizon, il n’y avait que lui et ces forêts de lames, cette herbe grasse et ce soleil blafard.

Tu n’es pas mort, Guerrier.

Colka sursauta en entendant la voix caverneuse qui venait de s’adresser à lui. À ses côtés, là où un battement de cil plus tôt il n’y avait rien, était apparu un homme, coiffé d’un casque soigneusement forgé d’où une barbe fournie cascadait sur son torse recouvert de mailles. Une hache à la double lame large et gravée de runes dépassait de son épaule et une épée au pommeau à tête de loup battait à son flanc. Colka porta sa main à sa ceinture, cherchant en vain son arme. Le visage de l’étranger était à peine visible dans l’ombre de son heaume et entre les longs cheveux qui voletaient devant ses yeux au gré du vent qui faisait chanter les épées.

Tu es chez moi.

Interloqué, incapable de se mouvoir, Colka déglutit difficilement avant de réaliser qui se dressait à ses côtés.

Tu … Tu es … C … Co...
Cogadh. Et tu es Colka du peuple des Gàrradh.

Le Guerrier mit un genou en terre, tête baissée, ne sachant comment réagir autrement à l’honneur de rencontrer le Tua de la Guerre. Le Tua eut un petit rire qui se répercuta à l’infini tout autour de lui.

Allons, Guerrier. Redresse-toi.

Colka s’exécuta pour découvrir un tout autre paysage. La plaine était devenue stérile. Plus aucune touffe verte ne jaillissait du sol, seulement de la pierre grise et froide et le soleil avait cédé la place à une lune aux reflets violacées. Seules les lames plantées dans le sol avaient subsisté, il sembla même à Colka qu’il y en avait encore plus qu’avant. La voix rocailleuse de Cogadh résonna de nouveau sous la voûte céleste qui s’était constellée d’étoiles.

Si tu veux vivre, Guerrier, suis Madah.

L’homme n’eut pas le temps de formuler le moindre mot que l’énorme main du Tua s’approcha de son visage. C’est alors qu’il vit les yeux de Cogadh. Deux puits de ténèbres où semblaient tourbillonner des centaines d’étoiles. La paume caleuse heurta son front et Colka se réveilla en sursaut, assis au milieu de ses compagnons d’infortune, alors que les premiers rayons du soleil apparaissaient derrière les cîmes orientales. Un loup gris était assis au sommet d’une crête et observait le groupe d’hommes tandis que ses congénères rôdaient dans son dos en glapissant et en hurlant. Le Pluincéid mit une bourrade dans le flanc du Guerrier qui était allongé à sa droite avant de se lever et de s’avancer lentement vers le prédateur qui le dévisageait sans bouger. Colka ne disait rien, il ne tourna pas les yeux vers ses camarades pour voir s’ils le suivaient. Leurs voix semblaient être étouffées et indistinctes. Etait-ce vraiment lui qui le faisait avancer ou la simple volonté du Spior qui l’attendait un peu plus loin ?


LA RAGE DE MADAH


Les yeux du canidé semblaient passer du gris à l’ambre sans que la lumière du jour n’ait aucune influence sur eux. Le loup était plus grand que ses confrères, plus large aussi, sa gueule semblait plus longue et sa musculature plus épaisse. Alors que Colka arrivait à sa hauteur, le grand loup se leva et se retourna avant d’avancer sur un affleurement rocheux qui contournait le pic où s'étaient réfugiés le jeune barbare et ses compagnons. Ces derniers, après quelques instants, emboîtèrent le pas de leur chef, non sans méfiance. La meute de loups glapissait et caracolait autour des guerriers des forêts qui suivaient le grand prédateur gris qui semblait les diriger.

Le monde semblait plonger dans une brume étrange, à la fois épaisse et fine, les sons qui entouraient Colka et ses hommes étaient étouffés comme lorsqu’on émergeait d’un rêve. Une cascade chutait depuis le flanc de montagne et même en passant à quelques pas de celle-ci, elle n’émettait qu’un clapotis semblable à une bruine d’été. Le loup, flanqué de Colka, s’engagea sous la cascade pour découvrir une grotte à la voûte haute, percée de stalactites blanches. Les parois brillaient de mille couleurs scintillantes et même si le groupe de guerriers s’enfonçait dans les profondeurs de la montagne, ils continuaient de voir comme en plein jour.

D’un bond, le grand loup gris se retrouva sur un promontoire haut comme deux hommes. Une voix résonna, rebondissant sur les roches brillantes et luminescentes.

Il m’a dit que vous vouliez vivre, est-ce vrai ?

Les derniers mots se répondirent en écho en s’estompant petit à petit, jusqu’à ne devenir qu’un murmure rauque. La sensation cotonneuse et hypnotique qui saisissait Colka et ses hommes se dissipa au même moment. Le grondement de la cascade qui dissimulait l’entrée de la caverne assaillit alors les oreilles des guerriers et la grotte devint sombre, à l’exception du grand loup gris qui observait le groupe d’humains depuis son perchoir. Le loup passa la langue sur ses babines en toisant Colka de ses yeux changeants, puis la voix retentit de nouveau.

A-t-il menti ?
Non !

La voix de Colka résonna à son tour entre les stalactites qui ressemblaient à des bougies qui avaient fondu.

Il … Il n’a pas menti !
Pourquoi es-tu venu dans ces montagnes, Guerrier ?

Colka marqua un petit temps d’arrêt. Il cherchait d’où provenait la voix qui s’adressait à lui. Il tenta de déceler son propriétaire qui se terrait dans les ombres de la caverne, en vain.

C’est moi qui te parle, Guerrier. Et je t’ai posé une question.

Le loup s’était redressé sur ses quatre pattes et montrait les crocs.

Je … Je suis venu combattre les géants des montagnes au nom de mon peuple.
Et tu as échoué.
Et j’ai échoué …

Les hommes de Colka s’étaient approchés de lui en découvrant qu’une foule de paires d’yeux luisaient autour d’eux. La meute avait encerclé les guerriers et les regardait depuis la pénombre. Le loup se rassit et redressa la gueule alors que la voix retentissait de nouveau.

Si je t’aide, tu devras promettre de me dédier ta vie. VOS vies.

Colka se tourna vers ses guerriers et quelques murmures s’échangèrent dans les rangs clairsemés du peuple des forêts. L’incompréhension prenait la place de la méfiance qui avait tenaillé les entrailles des guerriers jusque là.

Ai-je votre parole ?

Colka serra les mains et prit la parole une nouvelle fois.

Nous te dédierons notre vie … Madah !
Soit !

Le grand loup gris leva la tête et poussa un hurlement aigü. Les grognements des loups qui se tapissaient dans les ténèbres s’accentuèrent, entrecoupés de glapissements et de jappements excités. Puis une marée de fourrures et de crocs fondit sur les guerriers. Horrifié, Colka vit ses hommes disparaître dans des cris de douleur atroces alors que les crocs s’enfonçaient dans leur chair. Un mouvement tout proche le fit se retourner. Face à lui, le grand loup gris se dressait, le poil hérissé sur son échine. La mâchoire béante de la bête qui s’approchait de son visage fut la dernière image qu’il vit.


CUTHACH


Le peuple des forêts avait regagné la sécurité des futaies après la défaite cinglante qu'il avait subi de la part des Fumhairean. L'armée exsangue n'était que le spectre chétif de l'ost formidable qu'avait rassemblé le Roi Doran quelques jours plus tôt. Seulement, les Fumhairean semblaient déterminés à poursuivre leurs agresseurs et à faire payer de leur vie l'outrage que les Hommes leur avaient adressé. Le pas lourd des géants, semblable aux grondements de Tàirne, résonnaient chaque jour à l'orée des Gàrradh et leurs beuglements rauques rappelaient la menace qu'ils représentaient chaque nuit. Rassemblés autour du druide Faralos, les survivants s'armaient, prêts à affronter leur destin. Les silhouettes gigantesques qui déambulaient entre les arbres s'approchaient chaque jour un peu plus et même si le soir venu, ils repartaient dans leurs montagnes, ils revenaient tous les matins pour arpenter les forêts denses qui flanquaient l'Eascann de part et d'autre.

Faralos sortit pour admirer une dernière fois la lune, avant que les géants ne viennent abattre leur colère vengeresse sur lui. Il avait prié les Dias l'un après l'autre, imploré Ruigsin chaque jour afin de d'échapper au courroux des Fumhairean, mais il devait bien se rendre à l'évidence. Il y avait l'espoir et la naïveté. Les créatures titanesques des montagnes seraient là le lendemain. Il leva les yeux vers un ciel scintillant et improvisa une dernière supplique à un Tua qu'il interpelait rarement. S'il devait combattre avec les siens, Cogadh serait le seul à pouvoir lui venir en aide.

Cogadh ! Puissant guerrier !
L'heure est grave, je suis en danger.
L'ennemi est grand, mais ma foi est immense.
Revêt-moi de ton armure et de ton casque d'or !
Que ta puissance et ta rage me viennent en aide maintenant,
Et abat ta hache sur mes ennemis !
Puisse Madah être mon allié en cet instant !
Cogadh, grâce à toi, la victoire est mienne.
Je t'implore, Ô Tua de la Guerre de laisser tes enfants répandre le sang de mes ennemis.

Un loup hurla au loin, bientôt imité par ses congénères. Un petit sourire illumina le visage pincé du druide en réalisant que le Tua avait entendu sa supplique et que Madah avait répondu à celle-ci. Ses yeux se remplirent de larmes et alors qu'il baissait la tête pour retourner dans la masure où se serraient les vieillards et les enfants, une perle salée quitta sa joue pour venir s'écraser sur le sol. Il était prêt à mourir le lendemain.

Seulement le lendemain, aucun pas lourd ne se fit entendre. Aucun beuglement difforme ne retentit. Aucun arbre ne se coucha sous la poussée de bras épais et cyclopéens. Faralos sortit de son abri pour observer le vol des oiseaux et écouter le chant du vent dans les hautes branches. Tout semblait paisible. Bientôt des cris, semblables à des jappements se firent entendre depuis l'Est. Le druide n'avait qu'une seule certitude : cet étrange tumulte n'était pas celui auquel les Fumhairean l'avaient habitué. Un bourdonnement continu se fit alors entendre, tandis que jappements, aboiements et grognements devenaient de plus en plus forts. Le son grandit, grandit. Quelque chose approchait.

Soudain, comme surgi des ombres de la forêt, un groupe d'hommes apparut, vêtus de peaux de loup, le corps marqué de nombreuses cicatrices semblables à des coups de crocs et le visage peint de bleu et de rouge. Ils avaient passés une corde épaisse sur leur épaule et tiraient l'un derrière l'autre une immense tête. Un deuxième groupe se révéla puis un dernier, chacun traînant le chef décapité d'un géant. S'extirpant du groupe, un homme aux cheveux longs se présenta devant le druide avant de s'incliner doucement.

Les montagnes sont conquises.

Les yeux du druide s'écarquillèrent en reconnaissant son interlocuteur malgré les cicatrices qui sillonnaient son visage et son corps à moitié nu.

Colka ?!

Le regard de l'homme au visage peint croisa celui du druide, et sans prêter attention à l'interrogation du druide, il surenchérit, sans laisser transparaître aucune émotion.

Nous sommes les Cuthachs ! Nous n'avons pas d'autre nom. Nous avons entendu ton appel, Druide. Nous avons honoré notre serment à Madah et protégé notre peuple. Nous resterons dans le Fumhaireantìr pour continuer notre devoir. Tu connais les mots pour nous invoquer.

Colka se détourna et rejoignit ses frères qui laissèrent tomber les cordes avant de faire demi-tour et de retourner dans les ténèbres des bois.

Les Cuthachs vivent depuis ce jour sur les flancs des montagnes, et aucun géant ne s'aventura jamais plus sur la terre des Hommes.

écrit par Gaukka le Voyageur
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