Un invité spécial [pv Marcus]

Edelmia la grande, Edelmia la majestueuse, Edelmia et son formidable marché avait accueilli Marcus et son bel étal comme il se devait. Les affaires avaient été bonnes et le négociant avait réussi à gagner suffisamment d'or pour aller acheter de belles pièces chez les meilleurs artisans de la cité. Sa renommée avait grandi depuis son aventure dans le nord barbare de la province. Il avait aussi gagné suffisamment d'argent pour profiter un peu de son séjour dans la capitale, travailler moins et s'amuser plus. Ainsi il passait du bon temps dans les bonnes auberges, s'attardait auprès de nouvelles connaissances, bavardait avec qui voulait entendre ses exploits et ses diverses histoires de voyageur.
Un soir, un important tisserand, un certain Tulius, l'avait invité dans une belle auberge où il devait lui-même retrouver des amis à lui. C'est ainsi que le beau brun se retrouva au beau milieu d'une belle soirée, goûtant de bons vins, mangeant de bons plats... Nous aurions presque pu parler d'orgie ruvienne si quelques belles esclaves s'étaient jointes à la fêtes... mais de femelles offertes il n'y eut point. Cela ne manqua guère à la plupart des participants qui s'amusèrent simplement de la volubilité de chacun, des anecdotes, des farces et de la bonne humeur générale qui régnait ce soir-là... et une bonne partie de la nuit !

Le lendemain matin, alors que Marcus avait une bonne gueule de bois, il se souvint soudain qu'il avait été invité chez les Lubania ; des patriciens ! Et oui, messieurs dames, Marcus montait en grade !

Il se passa le visage sous l'eau coiffa du mieux qu'il pu sa chevelure légèrement trop longue, coupa sa barbe légèrement pour lui conférer un aspect moins sauvage, mit de beaux habits (chemise noire impeccable et pantalon de cavalier en cuir, noir également).

Dans la rue la lune n'était qu'un petit croissant à peine visible dans le ciel bleu infini. Marcus marchait d'un pas légèrement instable et souriait à la vie et au décor parfait qui défilait autour de lui... Il en sifflotait une joyeuse mélodie.

Arrivé à la maison de la famille Lubania, il se fit annoncer, on le fit attendre quelques instants dans une fort jolie pièce, puis, le servant ouvrit la porte, découvrant un couple dont l'élégance était remarquable. Et s'ils se ressemblaient étrangement, c'est la jeune femme qui retint toute l'attention de Marcus. Non seulement parce qu'elle fut la première à lui adresser la parole mais surtout parce qu'elle était d'une beauté grandiose et d'un charme totalement fascinant ! Marcus avait pourtant vu nombre de jolies femmes... Celle-ci était sans nul doute la plus incroyable : enveloppée dans une flamboyante robe de velours rouge, sa peau blanche comme la lune l'éblouissait complètement. Elle avait des yeux noisette, oscillant parfois vers le doré. Et ces yeux étaient surmontés par de longs cils et un trait noir parfait sur ses paupières délicates. Ce regard était envoûtant... tout comme l'était le reste de son  harmonieux visage. Des lèvres rouges et pulpeuses, des joues rondes et fraîches et un nez très légèrement retroussé complétait ce délicieux portrait. Non j'oubliais le décolleté subtilement aguicheur, cette poitrine dont Marcus pouvait deviner la rondeur, la douceur et... l'infini plaisir qu'elle pouvait procurer à qui avait le privilège d'en goûter la tendresse.

Légèrement troublé, il parvint à se présenter en ces termes :

"Enchanté de faire votre connaissance Caecilia et Caius Lubanius. Ravi de votre invitation ! C'est un honneur pour moi de partager un moment avec de grands patriciens comme vous. Quant à mon courage, il est tout à fait relatif. Comme je l'ai dit au Procurator, je n'ai pas vraiment réfléchi à mes actes. J'ai juste fait ce que mon instinct me commandait de faire..."

Il n'en dit pas plus pour l'heure. Se demandant ce que ses hôtes avaient prévu pour lui. Ce sur quoi ils engageraient la conversation. Après tout il ne savait rien d'eux. Le serviteur qui lui avait proposé l'invitation était resté assez évasif sur les raisons de cette invitation. La seule chose qu'espérait le marchand était un bon repas... et qui sait, peut-être quelques potentielles affaires à faire. Pour l'instant, de tout cela il était sevré... mais il avait gagné la compagnie de la plus belle femme d'Edelmia ! Ce n'était pas plus mal tout compte fait. Et il était bien décidé à goûter la vue du moindre de ses gracieux mouvement pour le temps qui lui était ainsi offert...

Marcus sentit la jeune femme, fondre sous son regard brûlant. L'homme, par contre, montrait une crispation que notre cher négociant n'eut aucun mal à déceler. La jalousie gangrénait notre monde comme les pucerons les rosiers. Pour conquérir complètement la belle brune, il devrait trouver un moyen de se débarrasser du vil patricien. C'était là un bien bel objectif que se fixait le jeune homme au regard ténébreux. Le déjeuner s'annonçait passionnant !

"Quand la vie t'offre la chance d'être admiré par toute la ville, tu dois en profiter, tu ne sais pas si cette occasion se représentera une seconde fois.
- Tu as bien raison. Je compte en profiter un maximum !"

Un discret clin d'oeil à la sculpturale jeune femme et le trio se rendit dans la salle à manger. Les banquettes étaient confortables et si Caïus eut droit à un massage, c'était bien Marcus le plus heureux. Il porta un toast "A cette magnifique rencontre !" et dégusta avec passion l'excellent vin qui lui était offert.

Caïus posa une question :
"On dit que tu faisais du commerce de l'autre côté de la frontière et que tu t'es retrouvé au milieu de tout ça. Tu pratiques le troc avec les sauvages ? Ceux qui ont attaqué la Légion ?
- Tout à fait, mon cher, pour faire simple, je vends aux barbares les marchandises qu'ils n'ont pas... et je leur achète ce qu'eux seuls sont capables de faire. Figure-toi que le savoir et le savoir-faire n'est pas que l'apanage des citoyens... Les peuples barbares fabriquent moult objets bien mieux que nous. Leurs lames sont exceptionnelles, certaines potions sont sans pareil... Mais ne le répétez pas trop. C'est grâce à des préjugés comme ceux-là que peu de négociants marchent sur mes traces et, donc, que je peux faire de bonnes affaires ! Hé hé hé !"

Tout à fait plaisant comme dialogue ! Marcus but une nouvelle gorgée de vin, satisfait.

Caecilia reprit enfin la parole, sa voix caressante enivrant l'esprit de Marcus plus sûrement que le vin de sa coupe.

"Allons, Caïus, n'ennuie pas notre invité avec ces histoires. Je suis sûr que tout le monde lui en parle sans arrêt ! Parle-nous plutôt de toi Marcus, dis-nous d'où tu viens.
- Et bien, chère Caecilia, je viens de la belle cité côtière de Valtaia. Une ville où il fait bon vivre. L'air pur de la mer apporte toute la douceur dont nous pouvons rêver. Et puis le soleil y est également... comment dirais-je ?.. différent. Sa lumière emprunte une teinte plus dorée. Les jours sont majestueux et les soirs envoûtants ! Lorsque l'astre divin rejoint l'horizon, les pierres de nos temples prennent des reflets mordorés aussi charmant que... que ceux de vos yeux..."

Pourquoi se serait-il interdit un compliment puisqu'il était sincère ? Parce qu'un homme jaloux tenait la chandelle ? Ha ha ! Nous n'étions pas chez les barbares n'est-ce pas ?

"N'êtes vous pas d'accord avec moi, Caïus ?" Taquina Marcus, plus confiant que jamais !

Il laissa à peine le temps à l'homme taciturne de répondre. Il enchaîna :

"Êtes-vous tout deux originaires d'Edelmia ? Je ne connais guère votre passé. Vos servants ont été très discrets sur votre compte..."

En effet, à part leurs noms, Marcus ne savait rien d'eux. Il les croyait d'ailleurs maris et femmes !

"Avez-vous des enfants ?" Demanda-t-il naïvement, sachant seulement qu'il s'agissait là d'une question que les couples aimaient se voir poser car ceux-ci étaient bien souvent fiers de leur progéniture. Comme si la beauté, l'intelligence ou la réussite de celle-ci pouvait leur incomber ! Ha ha ! Pour les plébéiens passe encore... mais les patriciens n'élevaient même pas leurs enfants. Ils laissaient cela à leurs servantes et leurs précepteurs ! Quand à leur réussite, elle n'était due qu'aux exécrables privilèges dont ils étaient lotis. Merci bien.

"Figure-toi, Caïus, qu'ils m'ont déjà mangé un bras ! Par chance, une bonne fée s'étant penché sur mon berceau, je suis doté d'un pouvoir magique faisant repousser mes membres perdus... C'est grâce à cela que je puis me trouver, ce jour, avec vous !"

Un large sourire éclaircissait le visage du marchand...

"Vos yeux sont sombres mais à l'éclat d'un rayon de soleil, il m'a semblé y voir une lumière ambrée des plus séduisantes... Cela ou... ou peut-être est-ce mon imagination qui me joue des tours ! J'ai toujours été quelqu'un d'imaginatif... Peut-être d'être fils unique... On a besoin de s'inventer des histoires lorsqu'on n'a personne pour vous en conter..."

Loin de lui l'idée d'apitoyer son auditoire sur son enfance... très heureuse d'ailleurs. Aussi continua-t-il :

"D'ailleurs c'est faux, ma mère était bien présente pour m'en raconter des histoires ! Ha ha ! Ma mère, une vraie "mama" comme on dit... C'est elle, je crois, la plus effrayée à cause du métier qui est le mien. Caïus, tu t'entendrais bien avec elle !"

Il ne put s'empêcher de rire à cette évocation. Et son hilarité, je crois, l'emmena à la gaffe sur l'état civil de ses deux hôtes !

"Oh la ! Pardonnez-moi... j'avais mal entendu ! Et je suis désolé pour la perte de votre mari. Vraiment désolé. Et frère et sœur, bien sûr ! Frère et sœur... votre ressemblance d'ailleurs m'a frappé en arrivant ! Ha ha, je suis confus !"

Mais sa bourde ne sembla pas contrarier le frère. Il lui fit même une étonnante proposition : travailler pour lui. Voilà qui était surprenant.

"Oh la la ! Travailler pour quelqu'un ! Tu n'y penses pas ?! Moi, Marcus Cartae ? Marchand-Négociant-Voyageur... tu voudrais que je travaille pour quelqu'un ! Ha ha ! Ca jamais ! Plutôt mourir ! Et puis... Non, je suis suffisamment occupé pour ne pouvoir travailler en plus pour untel ou untel, même des patriciens, pas d'offense, hein ? Vraiment c'est impossible !"

Restait à savoir comment le jeune homme prendrait ce refus ! Marcus espérait qu'il serait moins susceptible que le Procurator car sinon, le déjeuner risquait de se terminer précipitamment !

C'est pourquoi il décida de relancer la conversation avec la jolie sœurette :
"Je vois que ton frère est bien occupé professionnellement parlant... aussi, puis-je te demander à quelle activité tu te livres pour égayer tes journées chère Caecilia Lubania ? Es-tu dans la peinture, le chant, la décoration intérieur ? Je connais bon nombre de jeunes femmes, patriciennes ou même citoyennes qui s'essaient à ces disciplines... Souvent, d'ailleurs - et sans nulle flagornerie mal venue - non sans une certaine réussite. La... comment dirais-je... sensibilité féminine - tu ne me contrediras pas, Caïus, j'en suis certain - est telle, qu'elle offre bien plus de perspectives artistiques et... esthétiques que le regard borné de nous autres, êtres masculins. Nous sommes, je crois bien incapables de mettre en œuvre autant de beauté et de... sentiments... dans un art, quel qu'il soit, que ce que les quelques femmes (et c'est bien la tout le problème) qui ont la chance de pouvoir exercer en ces domaines, démontrent si plaisamment ! N'est-ce pas ?"

Le frère ne sembla pas tenir rigueur à Marcus de son refus. Il abonda dans son sens quant aux talents féminins... et - alors que le négociant pensait qu'il éviterait le sujet de sa sœur - lui demanda ce qu'il pensait de la belle Caecilia. Voilà qui pouvait mettre Marcus dans l'embarras... ou pas !

"Bien sûr je ne connais d'elle que peu de choses..." commença-t-il en tournant un doux regard vers celle dont il venait de parler à la troisième personne... mais je décèle déjà derrière ta magnifique enveloppe un esprit intelligent, ce qui, ma foi, fait de toi une jeune femme avec les deux plus grandes qualités dont un homme puisse rêver. N'importe quel célibataire mentirait s'il se disait insensible à tes charmes... mais je suis certains que je ne t'apprends rien. L'assurance que montre ton regard prouve que tu es parfaitement au fait de la nature masculine et de l'effet que tu produis sur elle..."

Il but une gorgée de vin et son regard revint à Caïus.

"Malheureusement, et malgré ma nouvelle position dans la hiérarchie Oncmélienne, je crains de ne point être un parti acceptable pour une patricienne. Aussi... tu peux dormir tranquille, je ne me risquerais pas à demander la main de ta sœur !

L'alcool commençait à lui monter à la tête... et il s'enflamma légèrement en concluant, à l'adresse de la belle :

"Mais pour quelques sorties... disons... amicalo-romanesques, je n'crois pas qu'il y ait quelconque contre-indication à ce que nous nous voyions, ici ou là, si le cœur nous en dit..."

Son sourire charmeur ne tarderait sans doute pas à faire la différence, à mettre Caecilia "dans sa poche", à la convaincre de l'intérêt charnel qu'elle pouvait avoir à le revoir en privé, sans son vilain chaperon de frère, cet empêcheur de tourner en rond, ce rabat-joie de premier ordre !

Et bien !

Si Marcus avait su que ce serait si facile...

"Parfait, parfait, excellente nouvelle ! Une belle balade à cheval en charmante compagnie ! Que demander de plus ?! Mmmh ?"

Un doux sourire éclaira son visage. Il le tourna vers Caïus et Caecilia d'un air naïf. Il aurait bien le temps de réfléchir à tout cela cette nuit. A moins que le frère aille jusqu'à lui offrir le gîte (et pourquoi pas dans la chambre de la sœur ! Tant qu'à faire !). Mais pour l'heure, c'était le couvert qui était au programme. Enfin... cela traînait un peu. Marcus eut pu faire une réflexion à ses hôtes mais il était bien trop poli pour faire allusion à son ventre qui criait famine.

Il laissa donc un instant le silence s'installer puis se rappela (tout haut les mots d'un poète) :
" Un tel sourire mérite un sourire
Un tel aveu mérite un aveu
Un tel amour mérite un amour
Mais une Déesse ne mérite qu'un Dieu"

Tels étaient les mots d'un poète croisé à Telioprate. Je croyais n'avoir jamais à les prononcer... mais je crois pouvoir dire que ma beauté - pourtant souvent louée - n'est pas grand chose à côté de la tienne...
Aussi me demandé-je, très tranquillement, quel type d'homme avait ta... préférence. Quel était ton genre d'homme, quoi !

Et Marcus de jouer nonchalamment avec l'une de ses longues mèches brunes.

Puis, comme il n'était pas un mauvais bougre, et ne voulait laisser son hôte en dehors de la conversation, il lui proposa de répondre à la même question que sa sœur :

"Et toi, Caïus, vers quel genre de femme va ta préférence ? Les brunes, les blondes ? Mmmh ? Remarque... un bel homme comme toi - et bon parti qui plus est ! - doit avoir des goûts plus originaux pour être encore célibataire... Je parierais que tu as un faible pour les rousses !"

Cette entrevue était si amusante !

Marcus sourit légèrement lorsque Caïus émit l'hypothèse qu'il pouvait être le genre d'homme qui plaisait à sa soeur... Il avait tendance à y croire même si, dans les yeux de la belle Caecilia il n'avait pas vu la flamme qui parfois s'allumait chez celle qu'il parvenait - malgré lui, le plus souvent - à séduire.

"Ce ne ne serait pas la maison qui m'intéresserait si une telle histoire arrivait..." fit Marcus, non sans sous-entendu.

Et oui, avec une telle beauté pour femme - et pour peu qu'elle aima le sexe autant que lui, nul doute qu'une bonne partie de leurs journées serait voué à l'assouvissement des envies charnelles que la jeune femme lui donnait. De cela le jeune homme ne fit point mention. Il transposa ces envies sur celles des nourritures qui enfin arrivaient. Invité, il ne se rua pas si rapidement que Caïus sur les plateaux où de délicieux mets attendaient les trois interlocuteurs. Bien grand lui en pris - se dit-il en voyant la maladresse du maître des lieux et la façon dont il châtia celle qui n'était pas pour grand chose dans la chute de la boustifaille. Marcus était bien désolé pour elle... d'autant que, sans avoir la beauté de Caecilia, elle avait la fraîcheur de la jeunesse, un regard candide qui inspira la tendresse du marchand et, ma foi, des courbes plutôt attractives...

Il la regarda un instant ramasser le contenu du plateau avant de se lever à son tour pour l'aider dans sa tâche. Il frôlait ses bras nus et se sentit plus encore attiré par elle.

"A deux, c'est plus rapide... et plus agréable." chuchota-t-il à l'esclave.

Puis il se releva et s'adressant à ses hôtes, il se permit d'exprimer ce souhait :

"J'espère que vous ne jetterez rien de tout cela. Je puis manger ce qui est tombé par terre. Le sol est si propre ici... Tout est encore comestible ! Ce serait dommage de gâcher de si beaux aliments."

Puis il se rassit à sa place et tourna la tête vers Caecilia :
"Désolé pour toutes mes indiscrétions. Je n'ai pas voulu te gêner. Parlons d'autres choses. Avez-vous un jardin, ici ? Aimes-tu les plantes, les fleurs ? J'entends souvent les femmes parler de leur passion pour le jardinage. Le pratiques tu également ?"

Son regard était tout à coup plein de douceur et de bienveillance. Il était sans doute allé un peu trop loin précédemment et s'en repentait intérieurement. Il avait envie de faire meilleur figure pour la suite de l'entrevue.

Ah si elle savait... Non seulement Marcus avait réussi à survivre aux barbares, mais il avait aussi réussi à survivre aux légionnaires... et au procurator ! Non vraiment, il avait une force insoupçonnée... ou une chance de cocu. En tout cas, c'est vrai qu'il aurait pu mourir au moins trois fois ces derniers temps. Mais il était encore debout... enfin là accroupi, écoutant les conseils de la gentille Caecilia. Elle semblait en effet avoir un bien meilleur fond que son frère qui disait d'un air supérieur que sous son toit, on ne mangeait pas par terre.

"Il va sans dire..." hasarda le marchand qui commençait à sentir le vent tourner.

Il se redressa donc et reprit une place plus convenable. Le repas était bon, c'est sûr, mais il ne parvenait pas à enthousiasmer Marcus. Ses jeux avec les patriciens ne l'amusaient plus. Il se rappela les geôles de Protero et se dit que tous ces grands hommes n'avaient décidemment que peu d'humour et de dérision. Ils prenaient les choses bien trop au sérieux et bien trop à coeur. La jeune femme, elle seule, sauvait ce repas. Elle méritait quelques dernières paroles. Aussi, pendant qu'il se sustentait, le négociant demanda :

"Serait-ce indiscret de vous demander chez quel marchand vous achetez vos étoffes ? Elles sont de très bonne qualité et, pourtant, il ne me semble reconnaitre les pièces d'un tailleur de mes connaissances... Je ne dis pas que je connais tous les tailleurs d'Edelmia - j'en connais moins qu'à Valtaia en tout état de cause - mais du coup, si je peux avoir une nouvelle bonne adresse par ici, cela pourrait faire mes affaires et je vous en serais extrêmement reconnaissant..."

Heureusement le repas prit fin. Et lorsque Caïus quitta la scène, Marcus ne put s'empêcher de pousser un léger soupir de soulagement. Caecilia avait raison d'affirmer que ce dîner avait été pénible pour lui. Il ne put s'empêcher de rire à demi.

"Pénible ! Le mot est faible ! J'ai failli avaler tout rond ma fiole de cyanure !" s'amusa-t-il.

Puis la jeune femme fit mention d'une jeune femme qui, sans doute attendait Marcus quelque part à Edelmia. Evidemment, ce n'était pas le cas.

"A dire vrai, il n'y a pas de jeune femme qui m'attend en ce bas monde... à part ma mère... mais elle n'est plus si jeune que ça... et je doute que tu parles de ce genre d'attente ! En tout cas..., il hésita à le dire, vous avez raison sur le fait que nous ne soyons pas du même monde."

Il hésita à en dire plus mais n'en fit rien. Entre le machiavélique Procurator et le vil frère de la belle, il n'y avait rien qui l'attirait dans cet autre monde. Rien... sauf peut-être la jeune femme qui se tenait face à lui. Cela l'avait fait hésiter.

"Vu notre célibat commun. Nous pouvons conclure que ni la beauté ni la renommée ne promettent un grand nombre de prétendants !"

La phrase de la demoiselle pouvait aussi être interprété comme une demande d'écourter leur entrevue. Et si Marcus ne savait pas vraiment s'il préférait rester ou partir, il décida de savoir ce que Caecilia désirait :
"Puis-je vous demander un dernier verre de vin ? et d'ajouter, Tu m'accompagnes, n'est-ce pas ?"

Ainsi il serait fixé !