Messages : 35 Date d'inscription : 15/04/2020 Age : 27
Personnage Âge: 99 ans Métier: Roi des Broín Statut: Single and looking
Sujet: Arnec, roi des Broín Ven 24 Avr - 9:29
ARNEC LE CHENU
Nom/Prénom : Arnec le Chenu
Âge/ Date de naissance : 99 ans (Né quelques jours avant le Grianstad d'été de l'an 300). Sexe : Masculin Faction : Tribus barbares Liens notables : Magetobrigos le Sanglier (Némésis)
Fonction : Roi des Broín
HISTOIRE
Lorsque Segovacar émergea de sa profonde léthargie, ses yeux mirent du temps à s’adapter. Il faisait sombre dans cet endroit, et il voyait encore flou comme s’il s’était saoulé d’un alcool frelaté. Il regardait droit devant lui, sans trouver la volonté de bouger ni la tête, ni les mains, ni les jambes. Une soudaine pensée l’angoissa à l’idée d’être complètement paralysé, et un regain de peur le fit tenter d’agiter ses membres dans tous les sens, en vain. Segovacar gronda. Guerrier dans la fleur de l’âge, finir ainsi cloué au sol et infirme était la pire des fins pour lui.
« Ah, le voilà qui se réveille, Burú. »
La voix avait surgi de nulle part, avant qu’une ombre ne passe devant son regard, forçant ses yeux à s’habituer plus vite à son nouvel environnement. Quand les contours reprirent leur netteté, il devina d’abord puis vit enfin le plafond au-dessus de lui. D’énormes madriers couverts de longues fentes le parcouraient. Le bois était vieux, il avait travaillé. Aux frontières de sa vision reposaient différentes décorations d’intérieures : crânes de cerfs, boucliers usés et poussiéreux. Il n’était pas dans la maison de n’importe qui. Son mystérieux hôte se tenait d’ailleurs proche de lui, mais à contre-jour d’un feu qui rendait ses traits indéchiffrables.
« N’aie d’inquiétude, ton dos n’est pas brisé. Mais cela ne veut pas dire que tu pourras bouger de sitôt... »
Cette voix portait le timbre enroué des vieillards, et pourtant elle était encore riche et compréhensible. Elle se parait également d’un soupçon de dédain et de sournoiserie, deux sonorités qui feraient tiquer n’importe quel Cléirigh digne de ce nom. Or, Segovacar faisait partie de ce fier peuple des collines.
« Qui es-tu ? Qu’est-ce que je fais ici ? »
L’ombre s’approcha un peu plus du guerrier immobile, lui permettant de deviner quelques traits et antiques rides de son visage. Il avait l’air si vieux qu’il ressentit une grande honte de paraître si faible devant un tel ancêtre.
« Si je te dis qui je suis, tu devineras sans nul doute ce que tu fais ici. »
La silhouette croisa les bras sur sa menue poitrine, avant d’annoncer tout de go :
« Je suis Arnec, roi des Marais. »
A peine eut-il prononcé son nom que Segovacar tenta une nouvelle fois de se relever, s’excitant tout seul en lâchant toute une série de beuglements et d’insultes, tout en restant ridiculement immobile et flasque. Le contraste ne fit que davantage sourire son geôlier, et Segovacar n’arrêta sa logorrhée qu’une fois à court de souffle. Là, Arnec reprit la parole, légèrement amusé.
« Vous autres Cléirigh êtes des outres. Vous vous gonflez, vous enflez pour vous donner de la consistance, mais quand vous ouvrez finalement la bouche, vous ne crachez que du vent. »
Le soufflet ulcéra Segovacar davantage. Malheureusement, il n’était rien qu’il puisse faire. Frustré, il se contenta de reprendre son souffle, préparant sa prochaine bordée de jurons. Arnec en profita pour continuer de parler.
« Et j’en ai crevé des outres, durant cette longue et interminable vie. Des fils et des pères. Même si chaque père est également fils, maintenant que j'y pense. »
« De nobles fils des collines ! »
Arnec sourit.
« Oh, pas seulement. Toutes sortes de fils. Certains venaient de tes grandes collines, d’autres de ces marais. Certains étaient des étrangers, d’autres venaient de ma propre famille. »
Segovacar se saisit de l’occasion pour l’insulter.
« Alors tu es un parricide ! Maudit... »
Arnec secoua la tête.
« Allons, tout le monde le sait. C’est même pour cela que je suis devenu roi. »
Le vieillard semblait d’humeur bien bavarde ce soir.
« J’étais le dernier-né de mon père, Cadfael. Il s’était fabriqué une sacrée marmaille, car je dus partager ma maison avec six autres enfants. Elowen, ma mère, était réputée très fertile. Et nous ne nous ressemblions pas tous au sein de mes frères et sœurs ! »
L’ancien ricana dans sa barbe grise, pendant qu’un mince dépôt de bave s’amassait aux commissures de ses lèvres.
« Toujours est-il que cela a posé quelques problèmes lorsque mon père a rejoint mes ancêtres. Cet imbécile n’avait encore choisi personne au sein de la fratrie, alors nous étions un peu à couteaux tirés pour briguer le trône. Je n’étais guère le plus fort, ça, c’était mon aîné Carúdeg. Je n’étais pas non plus le plus aimé, cet honneur revenait à Adauco. Je n’étais pas le plus charismatique, ma sœur Kelyn était bien plus captivante et bien plus courtisée. Moi, j’étais le petit dernier. Je suivais les enseignements des chamans. Qui aurait pu parier sur moi ? »
Ses yeux brillèrent un instant dans l’obscurité de son visage.
« Moi. Moi, j’ai parié sur moi. Ils se sont tous couchés devant moi. Littéralement. Les enseignements chamaniques sont complexes et occultes, mais ils sont très utiles pour qui sait s’en servir. Tous tombés malades au même moment… étrange, non ? Tout le monde savait que c’était moi, car j’étais le seul à ne pas avoir cané. Quand le vergobret m’a montré la barque que je devais emprunter pour rentrer à Arcasadrigun, il a hésité. Un seul instant, mais je l’ai vu. Le plus cocasse en revanche, c’était le regard mi-horrifié mi-impressionné que m’avait lancé le roi Brenno, le second souverain de mon peuple. Essaye un peu d’imaginer sa tête lorsque nous avons dû nous faire l’accolade. Je jurerais qu’il avait peur que je cache un quelconque poison dans ma manche pour venir l’achever et régner seul sur les Broín. Mais cela aurait été incroyablement bête, tu ne crois pas ? Les dias n’auraient pas apprécié. N’étant pas sûr qu’ils accepteraient facilement mon nettoyage familial non plus, j’ai même décidé d’adopter mes neveux et nièces, pour faire bonne figure. »
Segovacar ne savait quoi répondre. Il avait entendu parler d’Arnec comme d’une vipère sournoise, un roi sanguinaire et sans honneur. Pourtant, il semblait parler de ses vices sans éprouver la moindre honte. C’était un esprit malade.
« Voilà pourquoi tes insultes ne me touchent pas, jeunot. Tuer un membre de sa famille est certes peu reluisant. Mais quand c’est nécessaire, je considère que la fin justifie le moyen. N’importe quel homme sensé l’aurait fait. »
Segovacar cracha, mais le glaviot lui retomba dessus, et il jura à nouveau.
« Plutôt crever que m'entacher ! »
Arnec soupira.
« Alors tu n’es qu’un imbécile. Tout ton peuple est un agglomérat d’idiots aux vertus mal placées. Et les pires de tous, ce sont tes eorls et tes rois. Comme cet énergumène de première… comment s’appelait-il déjà ? Ah, la mémoire me joue des tours parfois… »
Ce fut Segovacar qui devina. Et un frisson lui aurait parcouru le corps, s’il pouvait encore le sentir.
« C’était donc bien toi qui a empoisonné Magatos. Vaurien, serpent ! »
Arnec se rapprocha encore, se penchant sur le corps immobile de Segovacar. Il put constater l’état de ruine avancé du vieillard, dont le cuir était plus fripé qu’un noyé. Ses yeux exerçaient un étrange magnétisme, comme si toute la vérité du monde se cachait derrière ses pupilles grises et luisantes. Il répondit :
« Magatos a mérité ses yeux débiles. Au cours de ma longue vie, j’ai aimé cinq fois. Cinq magnifiques femmes, toutes de grandes guerrières. Ce porc m’a privé de Meriel, la dernière de mes épouses. Puis il était bien trop dangereux pour que je le laisse devenir votre roi. Je n’ai pas eu les mêmes chances de m’occuper de ses fils, malheureusement... »
Segovacar dardait des yeux plus meurtriers qu’une bande de guerre sur le vieil homme. Voilà qu’à présent il se mettait à insulter le sang de son roi. Le guerrier paralysé cherchait un moyen de prendre l’avantage, d’enrager le vieillard pour lui ôter ce petit air satisfait qu’il affichait dans la pénombre. Il tenta :
« Magetobrigos, lui, a tué nombre de tes petits-enfants, rat ! Il a raconté à tous comment tes descendants ont lâchement cherché à le fuir avant de rendre l’âme ! Le roi reconnaît plus facilement leurs dos que leurs visages. »
Le sourire triomphant du Cléirigh se changea vite en grimace coléreuse lorsqu’Arnec ne répondit à l’insulte que par un énième soupir d’ennui.
« Mon clan est bien plus fourni que celui de mon père. En tant d’années, crois-moi bien que j’ai conçu d’innombrables marmots pour aller tester la frontière que nous partageons, et ceux-ci se sont reproduits en masse. Mais de combien de fils ton roi dispose-t-il ? »
Segovacar resta silencieux. Il savait fort bien que Magetobrigos avait perdu femme et fils durant la dernière guerre contre les Broín, la désormais fameuse guerre de la brogue. Lui-même y avait perdu des frères, dont l’un s’était retrouvé avalé par le brasier que Lochran avait déchaîné dans les marais pour mettre fin aux combats. Il lâcha soudain :
« Magetobrigos compte encore deux enfants. »
Arnec répondit calmement :
« Oui, pour l’instant. »
Une nouvelle bordée de jurons chanta aux oreilles du vieillard, lancés dans le plus grand des emportements par un Cléirigh visiblement impuissant. Segovacar se demandait par quelle magie noire le roi paludier le tenait en son emprise. Devinant sans doute ses plus sombres pensées, Arnec y répondit sans que la question fut posée. Il sortit une petite fiole de derrière son dos, l’agitant sous le nez du guerrier vaincu.
« Les craxanton sont de véritables petites merveilles. Leur peau est recouverte d’une toxine dont les propriétés permettent, à faible dose, de paralyser un homme. Une plus grande entraîne un sommeil profond, et mortel. »
Il rangea le petit flacon, faisant un signe indistinct à Burú.
« Je suis fasciné par les grenouilles. Elles paraissent si frêles et inoffensives, mais possèdent sur leur cuir des poisons aussi variés que mortels. Certaines endorment, d’autres tuent, d’autres encore fournissent des toxines qui, mêlées à d’autres, fournissent de puissants hallucinogènes, des produits incapacitants, débilitants… La peau des batraciens recèle bien des secrets. »
Puis sa voix se fit plus froide, comme si le véritable cœur de la conversation pointait enfin le bout de son nez.
« Alors quand j’ai su qu’un immonde petit bâtard de Cléirigh violait allègrement la trêve imposée par les druides entre nos peuples, je me suis dit que j’irais tester ces merveilles de la nature sur qui de droit. »
Segovacar lâcha un grondement de défiance.
« Ton peuple de pouilleux vient nous narguer à la frontière. Chaque matin, mes frères et moi les observons nous jeter leurs savates pour tester notre patience. Ne viens pas t’étonner si je descends de mes collines pour aller tuer les tiens. Ils ont tout fait pour m’inviter sur leurs terres. »
Soudain, Segovacar se retrouva soulevé de la table sur laquelle il reposait. Il put observer, impuissant, le géant Burú le relever et le soutenir, comme s’il s’était agi d’une simple souche à déplacer.
« Tu t’es présenté sur mes terres en violant la paix proclamée par nos Seanadh respectifs. Par tes actes, tu risques de réveiller à nouveau Lochran, et d’enflammer les marécages pour de bon. Mais je sais comment apaiser les dias. Tu as cherché à enflammer le Boglachòmar, mais tu seras le seul à en payer le prix. »
Après avoir énoncé ces paroles sybilines, Arnec fit un pas de côté, s’appuyant sur une canne, et fit un signe de tête à Burú. Ce dernier fourra une espèce de linge à l’acre saveur dans la bouche de Segovacar, qui se retrouva à mordre, gronder, tenter de recracher cet immonde tissu qui lui obstruait les mandibules. Ensuite, les yeux horrifiés du guerrier se posèrent sur l’endroit où Burú l’amenait d’un pas lent et pesant. Incapable de bouger ne serait-ce que le petit doigt, incapable de hurler toute sa détresse et son horreur, Segovacar ne put qu’observer le brasier dans l’âtre se rapprocher inexorablement. Son corps était flasque, mais sa cornée s’emballait tandis que ses yeux se révulsaient, cherchant inlassablement dans le paysage un point de chute, quelque chose pour le sortir de ce cauchemar. Puis Burú le jeta dans le feu sans état d’âme, et lorsque son dos heurta le tas de bois, un nuage de braise se souleva dans les airs comme si Lochran acceptait tacitement le sacrifice.
Les dernières images que captèrent les yeux fous de Segovacar avant qu’ils ne s’assèchent pour toujours furent les traits ancestraux et noueux du visage d’Arnec, dont les flammes reflétaient à présent sur toute la repoussante vieillesse qui l’accablait. A la lueur du brasier, ses pupilles étaient étranges. Elles brillaient d’un feu peut-être bien plus ardent que celui dans lequel le Cléirigh avait été jeté.
Dernière édition par Arnec le Chenu le Sam 25 Avr - 15:28, édité 1 fois