Renforcer le Limes (pv Sepion)

16e jour de Tertio Seminare
An 399
Forum d'Edelmia
Antemeridianum tempus

Le Procurator avait eu la bougeotte depuis le début du mois. Lui qui avait espéré que son séjour d'une décade sur les falaises du Joyau d'Oncmélie aurait apporté à sa famille et lui quelques jours de repos, voilà qu'il n'avait fait que marquer le début d'une épopée qui l'emmener aux quatre coins de la province. À peine quelques jours après son retour dans la capitale, il avait fait un aller-retour à Telioprate, rencontrant l'Edile local et les tribuns qui remplissait le rôle de guet. Bien entendu, ce petit séjour avait surtout servi de prétexte pour se gorger des prédictions des maudits de Quenicum. Prédictions des plus inquiétantes, pour ne pas dire troublantes, qui venaient ajouter de l'inquiétude aux troubles que les nouvelles de Ruvia avaient fait naître.

Même si les augures et la géopolitique étaient des plus troubles, le Feles devait mettre en oeuvre les décisions prises pendant le mois précédent par la Curie et ses membres. Les Jeux attendraient l'été et leur organisation nécessitait une planification longue. Puisqu'on voulait qu'ils fussent donnés en son honneur, suite à un travail remarquable de perroquet de la part du Questeur, Caïus s'assurerait de leur grandeur inoubliable, mais cela demandait du temps. L'inscription de son nom sur les tablettes de la Censure fut enterinné rapidement, car après tout, ajouter une ligne sur du marbre et du papyrus ne demandait guère plus de quelques instants à un scribe zélé. Il restait donc le cas du nouveau castrum qui devait garnir la frontière. Si Galba avait prouvé son application à se faire bien voir du Procurator, usant de courbettes autant que de réflexion habiles et de talents oratoires, l'autre censeur s'était révélé être un appui notable, tout en restant un peu plus en retrait. Pourtant, ses suivants avaient votés allégrement en faveur de sa motion visant à renforcer la présence ruvienne le long de la frontière. Il était temps de rencontrer le vieux Sepion afin de partager leurs idées sur la question et faire d'une pierre, deux coups en apprenant à connaître mieux le censeur à la sensibilité politique proche du désagréable Scorpa.

Le crâne dégarni du belliciste luisait déjà à l'autre bout du forum lorsque Pesca se pencha discrètement sur l'épaule de son maître pour chuchoter.

Dominus, tu es sûr de vouloir le recevoir ... Ici ?

Un sourcil du Feles s'arqua au milieu de son front lorsqu'il chercha à comprendre la question de son magister. Ce dernier inclina la tête pour faire un pas en arrière.

Qu'y a-t-il ?
Je ... Rien. Aucune importance, Dominus.
Pesca ... Parle.
Eh bien ... Je m'inquiète de la réputation du censeur.
La ... ?
C'est ... Eh bien ... J'ai entendu ...

Le censeur approchait lentement, entouré d'une poignée de licteurs qui dépassait d'une bonne tête le vieux barbu. Il était encore trop loin pour entendre l'échange mais si l'esclave continuait à tourner autour du pot, nul doute qu'il finirait par saisir quelques mots. Aussi, le Procurator s'impatienta, invectivant à mi-voix son esclave.

Vas-tu cracher ce qui te pique la langue ?
On dit de lui que c'est une ruine dont les égouts débordent en bouillonant.
Quoi ? Mais qu'est-ce que tu ...
Il pète, Dominus ... Fréquemment, pour ne pas dire en continu.
Ah ...
On dit que s'il pouvait tenir les tablettes de la Censure dans les latrines, il le ferait ... D'aucun disent même que c'est déjà le cas.
Ah ...
C'est pour cela que je me demandais si le rencontrer dans un lieu clos ...
Eh oui ... Je vois.

C'était donc ça l'odeur méphytique qui planait vers l'aile droite de la Curie. Caïus avait tablé sur un relâchement de l'Assesseur, voir même sur l'odeur corporelle du vieillard valétudinaire. Il s'était juste trompé de vieux. Sepion allait grimper les quelques marches qui le séparait de Caïus lorsque ce dernier prit les devants, tentant de prendre en considération les réserves de son hésitant mais néanmoins perspicace magister.

Ave Censeur. Je te remercie d'avoir accepté de me rencontrer aujourd'hui. Que dirais-tu de prendre un verre de vin dans les jardins qui jouxtent la Curie. Le ciel est dégagé et le soleil réchauffe un peu la cité, il serait dommage de nous cloîtrer dans un bureau, n'est-ce pas ?

Joignant le geste à la parole, le Feles indiqua du plat de la main la droite du grand bâtiment aux colonnades élégantes, désignant quelques arbres enfleurs qui bourdonnaient légèrement du vol d'abeilles se gavant de miel. Il espérait de tout coeur que le Comatien accepterait. Ce serait là une première victoire, au moins pour son nez.