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 Entre génies incompris [Honoria]

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Titus Sevinius Merula

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MessageSujet: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeMer 22 Juil - 0:19


Troisième jour de Secundo Seminare 399,
Bassium, Edelmia


L'esplanade du Forum était noire de monde ce jour-là. Il faisait beau, pour autant qu'un Oncmélien sache ce que cela voulait dire, et le marché attirait un populeux achalandage. Une journée bénie pour les audacieux qui savaient tirer parti des foules nombreuses ; cela ne concernait pas que les marchands.

Entre l'étalage d'un boucher et une friperie, une charrette avait été renversée pour improviser une scène de fortune, sur laquelle évoluait une troupe bigarrée de comédiens.

« Approchez, mes amis, approchez ! » scandait un homme au beau milieu de la scène. Son visage était dissimulé sous un masque en tissu bleu, mais sa voix était claire et forte, et sa gestuelle captait l'attention du public. « Je suis Covidien le Cynicien, témoin des premiers âges, et je vais vous faire voyager dans le temps comme dans l'espace. Oubliez vos existences monotones et laissez-vous porter par l'incroyable pouvoir de l'imagination. Quittez cette ville suffocante et tous ses tracas ! Vous n'êtes plus à Edelmia ; vos enveloppes charnelles y sont toujours, mais vos esprits s'envolent, libres, vers les espaces infinis du rêve et de l'oubli. Oui, mes amis, envolez-vous ! » Chaque mot, chaque syllabe vibrait sous la diction impeccable de l'orateur, qui savait jouer de subtiles accentuations pour maintenir l'auditoire en haleine. « Désolidarisez votre postérieur du reste de votre corps, laissez vos roides anus aux tourments de la Terre, et envolez-vous, moineaux majestueux, envolez-vous pour le pays des songes ! Car je suis Covidien le Conteur, et que je vais vous narrer l'épopée mythique de Ruvios, dans l'antique Cynicie ! Oh, pas l'histoire qu'on vous a contée mille et une fois, non... C'est l'histoire cachée de notre illustre Fondateur que je m'apprête à vous livrer toute nue, sans rien omettre de ses plus noirs secrets, de ses travers les plus abjects, de ses fantasmes les plus dégoûtants, de ses doutes et de ses peurs... » Il laissa flotter ces paroles pendant quelques secondes, parcourant du regard le public pour apprécier son effet, avant de se tourner vers un autre comédien, un grand maigre au visage de souris. « A toi, Minus... MUSIQUE !!! »

Comme le dénommé Covidius se mettait en retrait, Minus s'éclaircit la gorge et prit une posture des plus dignes. Avant de lever les yeux au ciel dans une attitude quelque peu hautaine, et de déclamer un chant des plus curieux :

« La lala la lalaaa
La lala la lalaaa
La la la lala
La la la lala
La lala lalalaaaa
La lala lalalaaaa
La lalaaaa
La la lalaaaa lalaa
Aye, aye, aye, aye
Aye, aye, aye, aye
Aye. »


Le chant s'interrompit aussi brutalement qu'il avait débuté et Minus se retira, laissant le public dans l'incompréhension la plus totale. Mais déjà, la pièce débutait. Les comédiens entraient en scène. Tous n'étaient visiblement pas très bons : un gamin à peine pubère incarnait Ruvios, et il apparut assez vide que les comédiennes interprétant les rôles féminins avaient dû être recrutées dans les bas-fonds de la cité, eu égard à leur vulgarité. Quelques vieux briscards sauvaient l'honneur en faisant montre d'un certain talent, mais dans l'ensemble, la performance s'avérait inégale. Et ce n'était là que la forme... Le fond de la pièce, lui, était si affligeant qu'en faire une description fidèle relèverait de l'exploit. Dans l'ensemble, rien de ce qui se jouait sur scène ne ressemblait de près ou de loin à l'histoire classique de Ruvios, le légendaire héros qui avait donné son nom à la cité impériale. Le Ruvios ici représenté était une espère de satyr qui possédait des pouvoirs hors du commun, comme celui de voir à travers les vêtements ou de se repérer dans le noir le plus absolu grâce à son pénis qui jouait le rôle de boussole en indiquant le nord. Allez savoir comment, ces capacités magiques étaient employées avec brio et Ruvios parvenait grâce à elles, ainsi qu'à une bonne dose de duplicité, à se tailler un royaume...

La pièce n'était visiblement pas du goût du public, pourtant composé d'hommes et de femmes de milieux hétérogènes : on comptait là des patriciens comme des plebéiens, et de tous âges, mais presque tous se sentaient insultés par cette représentation sulfureuse d'une figure légendaire de l'empire. Ça grondait. Quelques pierres survolèrent les rangs pour tomber sur la scène en émettant de sinistres chocs. L'une d'elles brisa l'arcade sourcilière dudit Covidien, qui se mit à saigner abondamment, mais loin de se laisser décontenancer, ce dernier ne fit que surenchérir dans son jeu d'acteur : « Malheur ! C'est la colère d'Ukko qui s'abat sur nous ! »

A mesure que se poursuivait la pièce, l'ambiance bon enfant et la curiosité qui prédominaient au départ cédaient le pas à une tension de plus en plus palpable. Le point de non retour fut franchi lorsque, pour représenter la première pierre de la fondation de Ruvia, la troupe eut le bon goût de représenter Ruvios en train de faire des pâtés de sable, à quatre pattes comme un gosse. L'indignité soulevant l'indignation, un mouvement secoua la foule. Les jets de pierre redoublèrent, et certains au premier rang menaçaient de grimper sur scène pour en découdre. Alertés par le tapage, un groupe de légionnaires de la cohorte urbaine arrivait au pas de course... Pas assez vite, cependant, pour empêcher une bande de gaillards de se hisser sur la scène, d'attraper le gamin qui jouait Ruvios et de le rouer de coups. Les prostituées-comédiennes poussèrent de hauts cris, prenant leurs jambes à leur cou. Les autres comédiens tentaient eux aussi de se soustraire à la vindicte populaire.

Covidien, l'homme au masque bleu, voyant venir le danger, sauta sur le côté de la scène, se réceptionnant brutalement au sol, avant de se mettre à courir. Ce faisant, comme il se frayait un chemin entre les badauds, son masque avait glissé. Il n'eut pas le temps de s'en émouvoir, ni de dissimuler son visage ou même de s'inquiéter qu'on puisse le reconnaître ; dans sa course, Titus Sevinius Merula percuta de plein fouet une jeune femme.
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Honoria Sicinia

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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeJeu 23 Juil - 10:09


L’esplanade est noire de monde, en effet. Et qui remarquerait une silhouette drapée de tissu commun au milieu de tous ces gens qui semblent outrés par cette représentation granguignolesque ? Pourtant, elle est là. Au milieu de la plèbe, et des quelques autres Patriciens, enveloppée dans une tunique de toile grossière, tâchée ici et là, la tête drapée d’un autre tissu de mauvaise facture. Elle ne porte aucun bijou, si ce n’est cette splendide chevelure blonde dont on devine la luxuriance sous le mauvais tissu et ce regard dépareillé, curieux et luisant d’intelligence, modestement baissé, alors que quelques regards s’attardent sur elle.

Elle s’éloigne, elle va se mettre à l’écart pour se faire la plus discrète possible. Sa vie est déjà suffisamment compliquée sans qu’en plus on apprenne que la fille du Préteur en est réduite à de telles extrémités pour faire ce qu’elle a envie de faire sans que la réputation des Sicinii soit entachée. Parce que oui, Honoria en est là.

Elle n’a plus dit un mot à quiconque depuis des jours.

Ni à ses parents, ni à ses frères et sœurs, ni à ses esclaves. Personne.

Elle se contente de laisser les choses se faire sans elle puisque de toute façon il semble acquis que son avis ne compte pour rien, quel que soit le domaine.

C’est puéril. Oui. Peut-être. Mais c’est le seul moyen qu’il lui reste de désapprouver, de manifester sa désapprobation. Ça et faire ce qui lui chante, tant qu’elle trouve les expédients pour y parvenir. L’esclave à laquelle elle a volé les vêtements qu’elle porte ne remarquera rien. Et même si elle le remarquait elle aurait sans doute la sagesse de se taire.

Porter de tels habits en public, assister à une telle mascarade indigne, en rire…Voilà qui la satisfait amplement. Voilà qui apaise son cœur malmené et tout entouré de ronces et d’épines désormais.

Le regard vrillé sur ce qu’elle voit, Honoria découvre. Elle découvre l’absurde et le tragique sottement mêlés dans des attitudes burlesques, totalement inadaptés à une représentation censée figurer un mythe cher à tous. Et le public ne s’y trompe pas. Tout sourire, la patricienne observe les grondements, les mouvements d’une foule qui semble sur le point de violemment manifester son désaccord, sa colère et enfin sa rage. Il y a de l’agitation, de la colère, de la violence, une violence qui fait echo à celle qu’elle ne peut jamais manifester. Alors elle reste.

Elle reste quand les pierres pleuvent sur la scène de fortune et heurte Covidien.

Elle regarde le gamin se faire battre comme plâtre, sans ressentir la moindre pitié pour lui.

Elle voit les légionnaires là bas au loin, qui arrivent, alertés par le chahut et le désordre. Le chaos.

Elle assiste à la fuite hurlante de ces prostituées lourdement fardées, avec un léger rire moqueur.

Elle ne voit pas, par contre, cette silhouette qui fonce droit sur elle et quand elle l’avise, il est déjà trop tard. La voilà au sol, sous un corps immense et retient un cri. La foule se disloque, c’est à peine si on a remarqué qu’une plébéienne vient d’être heurtée.

- Où est-il ? Où est ce misérable scélérat de Covidien ?

Honoria entend les menaces issues d’elle ne sait où. Elle regarde alors son agresseur et esquisse un sourire entendu. Elle l’a reconnu. Elle sait très bien qui il est. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’ils se croisent mais elle ose croise que Merula aura l’intelligence de ne pas protester lorsqu’elle posera sa main sur sa bouche.

- Tais toi et suis moi.

Elle le repousse, observe à gauche, puis à droite, avant de saisir sa main et de l’entraîner derrière une échoppe de marchand de fruits, à l’écart de toute l’agitation. Honoria connait l’endroit comme sa poche pour y passer le plus clair de son temps quand elle est hors de la maison de son père. Donc elle sait où se placer pour que personne ne la voit. Elle penche la tête pour observer les gens, des gens qui se battent là bas, échauffés par l’indignation et l’odeur du sang qui plane désormais sur place. Et toujours elle sourit en voyant cela puis se tourne pour l’observer.

- Tes amis comédiens ont eu moins de chance que toi. Toute proportion gardée évidemment…,dit-elle en observant la plaie de l’arcade qui saigne toujours de ses grands yeux vairons follement amusés. Tu a des occupations dangereuses, Merula.



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Titus Sevinius Merula

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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeSam 25 Juil - 10:17


Il n'avait pas bronché lorsqu'une main douce et délicate s'était plaquée sur sa bouche, peu après que sa chute ait été amortie par un corps aussi ferme et moelleux qu'un matelas de velours. Il mit un moment à remettre un nom sur le visage de la donzelle qui était couchée sous lui, et dont il sentait battre la poitrine serrée contre son torse. Pour une raison qui lui échappait, elle lui souriait. Si c'était là une invitation, celle-là n'était drôlement pas farouche ! Il commençait à se dire que cette journée pourrait bien mieux finir qu'elle n'avait commencé, et puis il la reconnut, et il tressaillit. Nom d'une tétine de truie, mais c'est la fille du Préteur. Il avala sa salive, mais avant qu'il n'ait dit un mot, la patricienne se dégagea de lui sans ménagement. Alors qu'il l'imaginait filer sans demander son reste, elle se saisit de sa main avec fermeté et l'entraîna avec elle, sans paraître hésiter un seul instant. Merula obtempéra en silence, trop hébété pour réfléchir, trop même pour se demander ce que la fille d'un rival de son père pouvait espérer en lui venant en aide.

La fille du Préteur ! Comment avait-il pu oublier cette beauté aux yeux vairons ? Il s'en rappelait maintenant, il se souvenait de la soirée du Tribun un mois plus tôt, il se souvenait avoir épié ce visage doux, plein de dignité et d'innocence...

L'innocence, depuis, semblait être partie pêcher le thon sur les côtes d'Ascanie. L'impétuosité dont elle faisait preuve en cet instant précis tranchait avec la jeune fille solitaire et réservée qu'elle avait paru être. Et il n'était pas au bout de ses surprises ; ce ne fut qu'une fois à l'abri derrière l'échoppe qu'il remarqua l'étrange accoutrement de son improbable sauveur. Le souffle court, il haussa un sourcil, tout à la fois interloqué, curieux, et amusé.

« Je te retourne le compliment, Aurora Simsonia. » Il esquissa un rictus, très fier de l'avoir reconnue, sachant qu'elle serait certainement impressionnée qu'il connaisse son nom. « J'ignorais que la fille de ce vieux crabe de Scorpa se pavanait en guenilles au marché. Je pensais être un homme de spectacle, mais de toute évidence, je ne suis pas le seul à jouer un rôle. »

Les vociférations de la foule continuaient à résonner du côté de la scène. Ses comédiens se faisaient massacrer. Merula grimaça en songeant aux heures passées à les former, à toutes les répétitions, tout ce travail abattu pour rien. Quelle tristesse. Comme il jetait un œil en direction du tumulte, il aperçut se brave Grudus, l'acteur qui incarnait Argamenas, se faire rouer de coups par une bande d'acharnés. L'un d'eux lui écrasa la mâchoire d'un grand coup de pied, et Merula jura avoir entendu un craquement sinistre - ou était-ce son imagination débordante ?

« Je pourrais te trouver une place dans ma troupe. Il y en a quelques-unes qui viennent de se libérer. » Il essuya la plaie de son front, avant de contempler sa main ensanglantée. « Le public est parfois un peu soupe-au-lait, mais ce sont les aléas du vrai théâtre. »
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeSam 25 Juil - 14:12


- Nous jouons tous des rôles. Le tout est de trouver et de jouer celui qui nous convient le mieux. Et de toute évidence…, elle a un regard pour l’arcade en sang, tu n’es pas fait pour brûler les planches.

Elle se penche à nouveau pour observer les événements là derrière et reporte son attention sur lui, en souriant tout à fait gentiment.

- A quoi pourrais-tu être destiné en ce cas…

Elle a un petit rire étouffé avant de s’approcher de lui et de se hausser un peu sur la pointe de ses pieds pour observer la plaie. Rien de bien grave, elle en a déjà vu de semblables sur ses frères, après une bagarre. Elle secoue la tête et regarde les habits de celui dont elle vient, mine de rien, de sauvegarder la face d’ange et arrache le foulard bleu qui pendouille lamentablement sur le côté de son visage avant d’en faire un pansement soigneusement plié qu’elle applique en silence sur la plaie sanglante.

- Et pour ta gouverne, un membre de la famille Sicinius ne se pavane jamais. Par contre…Ils sont toujours là où on les attend le moins. Tu n’es pas d’accord avec moi, Merula ?

Elle est toute proche de lui, si proche qu’il pourra sentir l’odeur délicieuse d’une huile florale parfaitement envoutante, sous les habits de pauvresse. Toutefois elle ne lui laissera pas le temps d’en profiter. Elle se saisit de la main de son débiteur et la plaque sur le pansement, pour qu’il s’en charge tout seul comme un grand. Honoria recule d’un tout petit pas, l’œil luisant de joie.

Quel meilleur moyen de semer le chaos et la discorde que de nouer un lien, quel qu’il soit, avec cet homme-là ? Un homme qu’elle a reconnu assez vite pour échafauder un plan ? Aucun, à part peut-être épouser un esclave ou se balader nue à la Curie. Merula a une réputation sulfureuse, une réputation savamment entretenue par les ragots et les bruits du forum. Il n’est peut-être pas aussi sot que le prétend la légende populaire mais il ne brille pas non plus par ses hauts faits. Il y a un mois elle aurait probablement planté là Merula pour aller voir ailleurs. Mais…Pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, il devient une opportunité. Une réelle opportunité de changer le vin en vinaigre et l’air de la villa Sicinii en touffeur moite et insupportable. Une opportunité de se venger. Bêtement. Sottement. Mais se venger quand même. De tout. Et de tout le monde.

- Nos parents ne s’apprécient guère. Cela signifie-t-il pour autant que nous devons marcher dans leurs pas ?

Elle lui tend même la main, tout sourire.

- Je m’appelle Honoria. Nous n’avons pas eu le plaisir de converser à la réception du Tribun…
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeLun 27 Juil - 0:45


Dieux qu'elle sentait bon. Le parfum de la Sicinia entêtait Merula, obnubilé du reste par cette jolie bouche souriante qui susurrait des mots à quelques centimètres de son visage, si proche qu'il eut pu l'embrasser. Il se laissa soigner, restant parfaitement passif tandis qu'elle appliquait sur son front un pansement de fortune, et il y avait dans l'air quelque chose d'électrique. Le ressentait-elle également ? Si je le ressens, elle aussi, se disait Merula, qui jamais ne doutait de l'effet qu'il faisait aux femmes.

Il aurait volontiers regardé jusqu'où allaient les talents de guérisseuse de la Sicinia, mais curieusement, elle ne tarda pas à le laisser se débrouiller seul et à reprendre une distance prudente. Il ne s'en offusqua point : elle ne reculait que pour mieux lui tomber dans les bras tout à l'heure, c'était évident. Il voyait clair dans le petit jeu de séduction qui s'instaurait entre eux, et il lui coula un regard mielleux, s'amusant de son audace. Elle faisait montre d'un caractère bien trempé, allant jusqu'à prétendre qu'il était mauvais comédien - sûrement pour voir sa réaction - évoquant même la détestation cordiale que se vouaient leurs parents respectifs - prenant un malin plaisir à mettre le doigt sur les sujets sensibles. Rien qui soit de nature à choquer Titus Sevinius Merula. Ce dernier, au vrai, était plutôt séduit par le petit jeu du chat et de la souris dans lequel elle cherchait à l'entraîner, et quand bien même ça sentait le piège à des lieues, Merula n'avait jamais eu le nez pour ce genre de choses ; il ne demandait qu'à jouer.

« J'ai toujours vu les Sicinii être désespérément là où on les attendait. Sauf toi, il faut le reconnaître. Si j'avais su... je serais venu te parler, à la réception du Tribun. Dommage que tu n'aies pas revêtu à cette occasion tes nippes de plebéienne. Tu aurais éclipsé tout le monde, y compris la poule du Procurateur. »

Oh oui, il imaginait la scène, il imaginait Honoria déambuler en guenilles au milieu de la haute société edelmienne réunie dans la villa du Tribun. Un vrai bonheur que d'imaginer les expressions choquées de toute cette bande d'hypocrites, les commentaires chuchotés au creux de l'oreille, le visage outré du Tribun insulté sous son propre toit, et celui du Préteur, rouge, si rouge qu'il finirait par fondre... Quelle occasion manquée !

« Puisque tu ne te pavanes pas, que faisais-tu au marché, si ce n'était point pour l'amour du théâtre de rue ? Méfie-toi ; si je ne te savais pas prude et chaste, je pourrais penser que tu t'en allais rejoindre un amant. »
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeLun 27 Juil - 14:41


- Je préfère porter des tenues adaptées aux endroits où je me rends. Et j’avoue que…

Elle sourit de toutes ses dents, un sourire follement amusé, comme rarement on peut en voir sur son si joli et doux visage.

- …me promener sous de pareils oripeaux a au moins le mérite de me permettre de faire à peu près ce que je veux, comme je le veux et quand je le veux. Un peu comme toi avec ton masque bleu. A cette réception, j’étais pieds et poings liés. Ici…c’est différent.

S’imaginer déambuler à cette réception avec des habits de pauvresse, mal finis et complètement disgracieux l’amuse. Elle n’aurait jamais pu quitter la maison ainsi vêtue de toute façon. Elle noue ses mains sur le devant de ses habits, notant avec un sourire poli qu’il n’a pas daigné prendre sa main. Inattention ? Manque de prévenance ? Provocation ? Peut-être. Peut-être pas. Quoiqu’il en soit, cela ne l’empêche pas de poursuive, sur le même ton amusé et rieur.

- Ce que je fais ?

Elle a un regard pour l’agitation qui semble s’apaiser là bas. La troupe s’est dispersée, les légionnaires ont emmenés les plus forcenés des agitateurs, il n’y a plus personne, à part quelques badauds attirés là par la rumeur et qui arrivent un peu tard pour apprécier le spectacle.

- J’écoute, Merula. J’écoute ce que disent les gens, je me glisse parmi les plus pauvres pour prendre la mesure de ce qu’ils disent, de ce qu’ils pensent, de ce qu’ils font. J’appelle ça « écouter le cœur d’Edelmia », mais...

Elle ajuste sa tunique, un faux sourire gêné sur le visage, jouant la timidité rougissante à la perfection.

- ...ta perspicacité n’est donc pas une légende. Je suis démasquée. Je ne suis pas ici incognito pour de vertueuses occupations. Quant au sujet de mes amants, ma foi…Je compte sur ta discrétion mais j’en attendais deux d’entre eux, ces goujats m’ont tout bonnement abandonnée à mon sort. Est-il possible d’être plus crétin ?

Honoria passe une main lisse et fine sur ses vieux habits, livrant une parfaite comédie tout en gardant son beau visage délicat et souriant.

- Voudrais-tu me tenir compagnie ? Je n’ai pas envie de rentrer et tout le monde sait, en ville, qu’accompagner Titus Sevinius Merula est synonyme d’amusement. Qu’en dis-tu ?




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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeMar 4 Aoû - 17:57


Quelle adorable petite garce, s'émerveillait Merula tandis que la jeune patricienne déroulait devant lui tous ses talents de comédienne. Il devait bien admettre qu'en termes de dissimulation et de faux-semblants, elle le battait à plate couture. Sous ses dehors de jeune chatte bien éduquée, elle était peut-être aussi paumée et rebelle que lui ; une forme d'alter ego, et avec des nichons en plus, ce qui était encore plus fort. La différence, c'est qu'elle parvenait sans peine à donner le change, alors que Merula, lui, traînait une réputation de débauché fainéant depuis qu'il avait délaissé le sein de sa mère pour les pichets de vin. Il est vrai qu'il n'avait pas autant besoin qu'elle de se cacher ; certains comportements ne rencontraient pas la même tolérance suivant que l'on soit un homme ou une femme, et si l'on apprenait que Merula s'était encanaillé dans un bordel, la chose ne choquerait personne et serait même considérée comme normale. En revanche, la fille du préteur...

« Tes amants sont des idiots ; laisse-les où ils sont. Tu aimes fourrer ton nez partout sauf là où il devrait être, c'est une bonne chose, mais tu as encore tant à apprendre. Ce n'est pas le cœur d'Edelmia qu'il faut écouter et sentir ; il y a d'autres parties plus obscures et moins propres où il se passe des choses bien plus intéressantes. » Il glissa à Honoria un sourire ambigu, et son regard pétillait de malice. « Pas le genre d'endroit qui sied à la princesse Sicinia. »

Il lui avait jeté ce sobriquet avec un rictus taquin. Si Honoria voulait jouer les filles du commun, elle allait devoir faire ses preuves. Se grimer en pouilleuse, tout ça pour se mêler à la foule et écouter innocemment les murmures de la plèbe, c'était bien joli, mais ça restait de la frime. Merula, lui, ne faisait pas qu'écouter. Il fréquentait ces gens, s'acoquinait aux affranchis et aux marchands comme aux vagabonds et aux putes. Il doutait fort qu'Honoria ait envie d'en faire autant ; elle voulait juste humer de loin le doux parfum de la transgression, et elle se rebifferait dès que sa rébellion la conduirait trop loin, il en était persuadé.

« Si tu veux découvrir le vrai Edelmia, ce n'est pas au Forum qu'il faut traîner, mais à Latriae. C'est moins clinquant, mais c'est authentique. Tous mes acteurs viennent de là-bas. Enfin, venaient, pour certains. » La légèreté de son propos ne témoignait pas d'une once de compassion pour sa troupe décimée, mais Merula avait l'habitude de remplacer les gens assez vite, amis comme amants. « C'est un autre monde. Ils se lèvent chaque jour aux aurores et triment jusqu'à la nuit en espérant avoir gagné quelque chose à manger avant de se coucher. Ils louent des taudis dans lesquels les propriétaires n'ont aucune envie d'habiter, se font jeter dehors quand ils n'ont plus un sou, se bagarrent pour une outre à vinasse et un quignon de pain. Et pourtant ils continuent de faire des gosses, ne sont pas plus pessimistes que n'importe qui, et je ne serais pas étonné qu'en fait, ils soient plus heureux que nous. C'est eux, le cœur d'Edelmia, princesse. Tous ces gens que ton père méprise et que le mien fait semblant d'aimer, si un jour ils décidaient de tous nous égorger, ça leur prendrait moins d'un après-midi. »

Ces paroles fort joyeuses assénées d'un ton guilleret, il s'empara de la main d'Honoria et ajouta, le regard enjôleur : « Toujours partante pour une petite balade ? »
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeVen 7 Aoû - 11:18


Princesse Sicinia. Ce sobriquet…

- Latriae ?

Honoria hoche la tête en plissant les yeux, observant Merula avec la plus grande attention.

- Je ne m’y suis jamais rendue.

Elle sourit à son interlocuteur pourtant, tout en écoutant la description qu’il en fait. Une description qui illustre bien toute la différence qu’il y a entre la vie qu’elle mène et celle menée par ces gens dont elle ignore tout. Oh bien sûr, il y a les histoires qu’on se raconte dans les allées des jardins afin d’éprouver des frissons à bon compte, il y a les légendes qu’on se dit pour se faire peur, il y a les ragots qui font la joie de la classe patricienne. Tout cela est bel et bon, mais cela ne remplacera jamais une vraie immersion en milieu hostile. Elle est une femme, elle est patricienne, et elle est très loin d’être la plus vilaine de toutes. Elle sera certainement une cible facile mais…Tant pis.

- Je sais juste que c’est un endroit dangereux. Un endroit que mon père réprouverait entre tous.  

Un large sourire s’affiche alors sur la jolie bouche d’Honoria alors que Merula se saisit de sa main.

- Montre-moi.

Un endroit qui convient parfaitement à son état d’esprit actuel. Tout ce qui est susceptible de faire enrager son père qu’elle aime pourtant si fort est bon à prendre. Se balader là-bas, main dans la main avec le fils de son ennemi est déjà en soi un acte d’une extrême transgression…Un acte qu’elle est prête à assumer, sans la moindre hésitation. Elle est tellement aux abois, tellement plongée dans une tristesse permanente, tellement convaincue de n’être rien qu’elle ferait n’importe quoi pour vivre quelque chose. N’importe quoi. Tant que cela va à l’encontre de tout ce qu’on lui a appris et de tout ce à quoi on la destine.

- Ces deux idiots qui m’ont laissée en plan me permettront de passer un peu de temps ailleurs. Par contre…

Elle cherche le regard de Merula et dit, d’une voix douce :

- Je ne te quitte pas d’une semelle, Merula. Raconte moi comment tu en es arrivé à fréquenter cet endroit, veux-tu ?

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Titus Sevinius Merula

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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeLun 10 Aoû - 11:05


« Comment tout ça a commencé, hmm ? » Merula s'accorda le temps de la réflexion, tandis qu'il guidait la jeune femme à travers les rues. « Je suppose que j'avais besoin de devenir quelqu'un d'autre. La bienveillante tutelle de mon éléphant de père commençait à devenir... disons, pesante. Elle l'est d'autant plus aujourd'hui, depuis que mon frère adoré est mort, l'imbécile, en me léguant le rôle du fils aîné. Je suis contraint et forcé de siéger dans les rangs de la Curie, de prendre part à leurs réunions assommantes, de briguer des magistratures dont je ne veux pas, tout ça pour la fierté de papa. Parfois, j'ai juste envie de disparaître... et ça tombe bien, à Latriae, des gens disparaissent tout le temps. » Il sourit, s'amusant lui-même de cette remarque un tantinet sordide. « N'aie crainte, ce n'est pas si dangereux tant que tu restes avec moi. Et qu'il fait jour. La nuit, en revanche... »

Il n'acheva pas sa phrase et continua de marcher, tenant toujours la main d'Honoria dans la sienne. Elle avait les doigts fins, la paume froide et douce, semblait si frêle, si fragile ; et pourtant, que d'audace dans ses yeux vairons !

« Quant à toi, je n'ai pas besoin de te poser la question. Je connais les gens. Je peux trouver la réponse tout seul. Ne me dis rien, surtout, laisse-moi deviner ! Tu réprouves la coquetterie au point de troquer tes parures et tes bijoux pour de vulgaires haillons, tu es à la fois frivole et pleine de gouaille ; je lis en toi comme dans un livre ouvert. Tes parents sont des coincés du slibard, c'est connu, mais en général les gens trop propres sur eux cachent bien leur jeu. Il suffit de gratter un peu la surface pour s'apercevoir qu'ils sont tordus. Attends, deux secondes, laisse-moi trouver... » Il n'eut pas besoin de chercher longtemps avant de s'exclamer, plein de fougue : « Je sais ! Ton père te désire secrètement et veut te garder pour lui seul, pas vrai ? C'est pour ça qu'il t'oblige à garder la ligne, alors que tu voudrais être libre de te goinfrer de gâteaux et friandises jusqu'à devenir ronde comme une barrique de sucre. Alors, tu fuis ; tu fuis pour échapper à la dictature de la minceur. J'ai bon ? »
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Honoria Sicinia

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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeLun 10 Aoû - 16:13


Son éléphant de père…Oui. Il est effectivement impossible de ne pas le voir, on ne remarque que lui dans les réceptions. Lui, son ventre, son triple menton, ses lippes luisantes de graisse ou de sauce. Tout le contraire de Scorpa qui garde une ligne plutôt svelte malgré son âge. Honoria ne put s’empêcher de songer que Merula a au moins cela en commun avec elle : fuir l’autorité paternelle, à sa façon.

- Parfois, moi aussi j’ai envie de disparaître, à peu près pour les mêmes raisons.

Elle lui répondrait bien que si elle en avait l’opportunité ou la chance, elle prendrait sa place à la Curie avec joie. Elle se tait, pourtant. Ce sont des idées bien trop progressistes pour un homme tel que lui. Honoria sait très bien à qui elle a affaire et mène la conversation là où elle a envie qu’elle se dirige, sur un terrain frivole, là où il se sentira le plus en confiance. Ménager l’orgueil viril de Merula. Le faire parler. Serrer sa main avec un joli sourire de petit oiseau sans cervelle, ses yeux vairons luisant d’admiration.

- Alors je reste avec toi. Et je ne te quitte pas une seconde. Je veux que tu me montres tout ça, je suis tellement impatiente !

Elle feint à la perfection, écoutant son compagnon de route avec attention, souriant d’un air espiègle à toutes les déclarations de Merula. Lui qui se targue de bien connaître les gens…Cela étant elle ne contredit rien. Elle joue la timidité rougissante, dissimulant un instant son visage sous un morceau de tissu, tout en étouffant un parfait rire de midinette.

- Me voilà encore une fois démasquée…Tu vois que tu as ta place à la Curie ? Tu lis en les gens comme personne, comment fais-tu cela ?

Honoria lui adresse une œillade pétillante, s’esclaffant intérieurement.

- Je fuis la dictature tout court en fait mais c’est vrai que j’ai un faible pour les pâtisseries au miel. Quant aux désirs de mon père…Il n’y a pas plus ascète que lui sur ce plan. A se demander comment il a pu faire autant d’enfants à ma mère…

La patricienne cache un rire derrière ses longs doigts, se rapprochant de Merula, comme pour lui faire une confidence :

- Il est à peu près aussi sensuel qu’une cuillère de bois. Ma mère en est toute déconfite et se dessèche sur place. C'est d'une tristesse...

Les rues défilent tout autant que les minutes et il semble que l’agitation se fait autre. La population également. Les habits sont pauvres, les maisons aussi, les visages sont émaciés, pour la plupart, les enfants courent à pieds nus dans les rues qui sont ici et là jonchées de choses indéfinissables. Honoria observe attentivement les gens et murmure alors :

- On est arrivé ?

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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeMar 11 Aoû - 11:05


« Je suis peiné pour ta jolie maman ; aucune femme ne devrait manquer d'amour. Si je puis faire quelque chose... » Un regard compatissant accompagnait ces paroles qui, bien sûr, n'avaient rien d'incongru ni de déplacé. « Les jolies fleurs ont besoin d'être arrosées régulièrement, sinon elles fanent et se meurent, c'est bien connu. »

Comme ils arrivaient en vue de Latriae, le décor changeait peu à peu. Les belles demeures spacieuses cédaient petit à petit le champ à de grands bâtiments dont la hauteur ne cessait de croître. Les hautes façades projetaient leurs ombres sur des venelles de plus en plus étroites, plongeant une partie du quartier dans une pénombre constante, ce qui présentait l'avantage de voiler un peu de misère. On trouvait encore ici et là quelques vieilles domus, témoignages d'un passé où le quartier avait dû connaître quelque prestige, mais les grandes insulae les encerclaient complètement. Bruyantes et sales, les rues étaient également bondées. Des chariots tirés par de vieilles carnes empruntaient de petits chemins de terre, soulevant des nuages de poussière, et partout couraient des gamins, débraillés voire nus, jouant bruyamment, geignant comme des truies qu'on égorge, pour le simple plaisir de donner de leur voix. Des chiens errants trottinaient ici et là, la langue pendouillante, reniflant de leurs museaux les jambes des passants en quête de quelque nourriture. Un homme jeune, mais édenté et aussi ravagé qu'un vieillard, tendit une brochette d'une viande inconnue sous les narines d'Honoria, beuglant « un sesterce, s'tu veux croquer », avant que Merula ne le dégage d'un coup de coude.

« Il leur suffit d'un regard pour deviner d'où tu viens », susurra Merula à l'oreille de la jeune femme, comme elle commençait peu à peu à attirer les regards. « Il faut plus qu'une simple robe de chiffons pour faire disparaître la patricienne qui vit en toi. »

Les plebéiens purs et durs ne s'y trompaient pas. Attablés à la terrasse d'une taberna, un groupe d'hommes aux visages maculés de suie toisait Honoria d'un air peu amène. Elle était en bonne santé, ses cheveux étaient propres et soignés, sa peau n'était pas constellée de tâches et de boutons ; on trouvait difficilement plus jolie fille dans le quartier, et ils la déshabillaient tous du regard, comme une meute de chiens affamés devant un gros bout de jambon.

« Rassure-toi, je ne t'ai pas conduite ici pour te montrer cette bande de pervers repoussants. Il faut savoir passer le voile de la laideur pour découvrir les trésors cachés des quartiers populaires. Latriae est ainsi ; elle ne se révèle qu'à ceux qui prennent le temps de regarder. »

Continuant de la tenir par la main, il la traîna dans le dédale des venelles, et ils marchèrent un bon moment dans les rues populeuses et bruyantes. Si Merula semblait savoir où il se rendait, Honoria aurait probablement la plus grande peine à retrouver son chemin s'ils venaient à être séparés. Mais le jeune patricien n'était apparemment pas décidé à s'en défaire.
Au fond d'une rue crasseuse, entre deux bâtiments, un étroit escalier descendait dans des profondeurs obscures, comme une ouverture béante vers quelque monde infernal. Il y aurait de quoi vous faire hésiter, si le monde de la surface n'était pas déjà, en lui-même, aussi laid...

Ils descendirent les marches, empruntèrent un couloir sombre, et Merula frappa à une porte. Une courte ouverture au milieu de celle-ci laissait filtrer un rai de lumière, et une paire d'yeux apparut.

« Pourquoi les castors ont-ils la queue plate ? demanda l'inconnu derrière la porte.
- Parce qu'ils se la font sucer par des canards, répondit Merula sans l'ombre d'une hésitation.
- Excellente réponse », répondit l'autre, et la porte s'ouvrit.

A l'intérieur, une vaste salle était baignée de lumière chaude. Des torches accrochées aux parois de murs de pierre éclairaient ce qui s'apparentait à une longue taverne, peuplée d'une clientèle hétéroclite. Des gens allaient et venaient en bavardant et riant, vêtus d'habits invraisemblables, souvent grotesques, mais nul n'en avait cure. Il y avait là des hommes comme des femmes, jeunes comme vieux, attablés ou debout. Certains dansaient au milieu de la salle, au rythme d'une musique endiablée jouée avec brio par un orchestre de cithares et de flûtes, qu'accompagnaient des jongleurs qui faisaient tournoyer, non pas des balles comme les petits joueurs, mais des couteaux pointus.

« Sois la bienvenue à l'Ours Jaune, Princesse », annonça Merula avec fierté. « Le cœur véritable d'Edelmia. Ici, nous sommes tous libres de montrer notre vrai visage. Tu danses ? »
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeMar 11 Aoû - 19:17

Honoria garde son sourire de jeune fille admirative alors qu’il parle de sa mère. Aux yeux de la patricienne, Flavia est l’image même de tout ce qu’elle ne veut pas devenir : une mère de famille nombreuse et incapable de la gérer, une femme délaissée par son époux dès qu’elle aura donné des héritiers, une chose douée de paroles qu’on expose quand il le faut bien et qu’on repousse le reste du temps. La vie de sa mère est terrifiante. Et Honoria préfèrera tout quitter plutôt que de lui ressembler, c’est une certitude.

- Il n’y a plus rien à faire pour elle. Elle a cessé de vivre depuis des années.

La patricienne a de toute façon bien mieux à faire que de plaindre sa mère qui finalement se complait dans cet état. Observer Latriae. Regarder ces demeures, les gens qui la composent, ces enfants nus et tellement bruyants…de vrais petits sauvages courant dans les jambes des passants. Il règne ici une atmosphère étrange, lourde…Il n’y a aucune curiosité malsaine de sa part, juste un réel et très sincère désir d’en apprendre davantage sur cette partie de la ville qu’elle visite pour la première fois. Toute à son observation, elle n’a pas vu de suite ce jeune homme démoli et édenté qui lui tend de la nourriture. Elle a un geste de recul, se rapprochant de Merula en fronçant les sourcils avant d’aviser le reste de l’assistance. Là bas, un groupe d’hommes la regarde. Elle serre la main de son compagnon qui lui explique les choses à l’oreille. Elle grommelle tout bas :

- Je le saurai pour ma prochaine visite.

Le petit déguisement qu’elle arbore en ce moment est effectivement suffisant pour le forum et les quelques rues qu’elle fréquente. Par contre ici…Même en chiffons salis, ils voient parfaitement qu’elle ne fait pas partie de leur monde. Elle est beaucoup trop belle, trop propre, trop blanche pour être une fille de ce quartier très pauvre et laborieux. Pour autant, elle ne se cache pas. Elle se contente juste d’éviter les regards soutenus, franchement pervers, de certains d’entre eux.

- La prochaine fois, je viendrai habillée comme un homme. Peut-être que là, je passerai inaperçue.

Cela étant, ils ne demeurent pas en place bien longtemps. Merula entraîne Honoria à travers des ruelles et venelles nettement moins fréquentées. En l’absence de brouhaha intempestif, elle peut enfin réfléchir et semble même se détendre. Elle est loin de la villa de son père, en compagnie du fils de son ennemi, en plein quartier dangereux. D’autres auraient demandé à rebrousser chemin mais pas elle. Maintenant qu’elle est là, elle veut voir, elle veut savoir. Il a l’air de bien connaître l’endroit, elle tente de garder en mémoire des repères et de profiter de l’instant.

Qu’il est bon de sortir de ces carcans terribles imposés par son père et par cette société étriquée ! Elle le suit avec un immense sourire dans ce souterrain, gardant sa main dans la sienne sans interruption jusqu’à ce qu’ils arrivent à une porte. Une paire d’yeux apparaît, tandis qu’une question incongrue est posée. La réponse, tout aussi incongrue, fait sourire la patricienne qui entre alors à la suite de son compagnon, les yeux agrandis par la surprise. Une…taverne ?

- L’Ours jaune…Charmant. Tu viens souvent ici ?

Puisqu’il semble acquis qu’il faut montrer patte blanche – ou noire, c’est selon – pour entrer, Honoria ôte alors le tissu qui dissimule ses cheveux et le laisse pendre sur son épaule, révélant une somptueuse chevelure dorée à l’odeur délicieuse. Elle est très belle, elle le sait, même avec des haillons, et très honnêtement…elle s’en fiche complètement. Elle est là pour s’amuser, faire d’autres choses, voir d’autres gens, alors elle décoche un sourire radieux, bien différent que tous ont l’occasion de voir en d’autres milieux, à Titus.

- Je ne danse jamais, parce que j’en ai jamais l’occasion mais… Montre-moi !

Elle l’entraîne, en riant, au milieu des autres danseurs, ne se souciant guère des regards des autres. C’est une Honoria différente qu’il voit. Une jeune femme qui a été empêchée de faire ce qu’elle voulait ardemment, et qui tente de rattraper le temps perdu en expérimentant de nouvelles choses. Son regard pétille, son sourire est large, elle trépigne presque comme une enfant maintenant, prenant les deux mains de Titus, afin qu’il lui montre. Vraiment, elle est heureuse d’être là, cela se voit.

- S’il te plaît, Titus, montre-moi !
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeVen 14 Aoû - 10:59


« Si je viens souvent ici ? Hahaha ! Mais je suis un pilier de cet établissement. Ici, je n'ai que des amis. » Il frappa l'épaule d'un grand moustachu qui passait près d'eux avec une grande chopine de bière. « Hein Dédé, on est des potes ! »
L'intéressé sursauta, renversant au passage la moitié de sa bière, jetant à Merula un regard aussi surpris qu'agacé ; puis il passa son chemin sans rien dire. Pas décontenancé pour un sou, Merula se contenta d'une vague explication : « certains ici font preuve d'une grande pudeur dans l'expression de leurs sentiments, mais bah ! Il faut de tout pour faire un monde. Et maintenant, dansons ! »

Il s'empara de la main d'Honoria tout en lui coulant un regard de braise. Qu'elle était touchante ! Sa curiosité n'avait d'égale que son ignorance, et elle désirait ardemment apprendre à danser. Une chance pour elle d'être tombée sur le maître en la matière.

« Suis mes mouvements, Princesse. Non, mieux, ne les suis pas : il te suffit de te laisser guider par ton instinct. Écoute le rythme de la musique, ou ne l'écoute pas, mais laisse libre cours à ton imagination, laisse parler ton corps, libère-toi de tes chaînes, laisse ton toi intérieur s'exprimer enfin sans entraves... »

Joignant le geste à la parole et histoire de montrer l'exemple, il se mit à remuer son bassin d'avant en arrière tout en roulant des épaules, ponctuant ses mouvements par d'étranges sautillements. Puis il se lança dans une série de pas chassés tout autour d'Honoria, remuant la tête de droite à gauche en bombant le torse. De loin, cela pouvait avoir l'air grotesque, mais de près... non, en fait, de près aussi, c'était carrément grotesque. Finalement, alors que le morceau atteignait sa conclusion, Merula se fendit d'une magnifique pirouette acrobatique, superbement exécutée, à ceci près qu'il atterrit sur le pied d'Honoria.
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeSam 15 Aoû - 19:27


« Dédé » n’a pas l’air au courant de sa relation privilégiée avec Titus. Pire, il le gratifie même d’un froncement de sourcils tout à fait typique des personnes agacées. Ce mouvement n’échappe pas à Honoria qui esquisse de suite un petit sourire en coin, parfaitement moqueur. Un pilier de l’établissement, hein ? Que des amis? C’est cela, oui…

Elle n’a pas le temps d’approfondir ses réflexions. Son compagnon l’entraîne dans la danse, se permet de donner quelques conseils qu’elle écoute, évidemment, avant de le laisser…s’exprimer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Merula a un sens de l’expression qui n’appartient qu’à lui. A moitié horrifiée, à moitié amusée, la patricienne aux cheveux d’or le suit du regard, détaille ses déambulations, note intérieurement ses extravagants mouvements, tout en glissant le regard sur l’assistance, de temps à autre. Une assistance tout aussi décontenancée qu’amusée, voire même franchement hilare, face au spectacle qu’offre Titus.

Inutile de préciser qu’Honoria, toute désireuse soit-elle de vivre de nouvelles choses, sait encore se tenir en société et que jamais elle ne se donnera en public de cette manière-là. De toute façon, l’aurait-elle voulu qu’elle en serait empêchée : son cavalier vient de fort proprement lui écraser les orteils, sous les rires de l’assemblée.

Honoria n’a pu s’empêcher de crier sous la violence du choc et recule, en titubant, parmi les curieux qui s’écartent jusqu’à ce qu’elle tombe sur un tabouret. Les rires s’apaisent, mais pas la douleur et déjà les curieux se dispersent entre les tables, laissant Honoria reprendre un peu de sa superbe.

- Titus, tu es un acrobate de mérite mais certainement pas un danseur. Ce n’est pas bien grave, je suppose qu’il y aura d’autres occasions.

Elle prend le temps de regarder la salle, les gens, inspire une franche goulée d’air avant de dire, satisfaite :

- Que boivent tous ces gens ?

Elle penche la tête pour mieux voir, essayant de deviner de quoi il s’agit.

- Titus, offre moi à boire en dédommagement de mon pied blessé. Tu es un habitué ici après tout, tu dois bien avoir une note ouverte, non ?

Le sourire d’Honoria se fait large et tout à fait charmeur tandis que dans sa chaussure, la douleur s’est apaisée. Elle en joue évidemment, profitant de ce pseudo état de faiblesse pour lui tendre la main afin qu’il vienne s’asseoir. Une main fine, blanche, délicate et parfaitement entretenue. Le genre de main qui n’a jamais travaillé de toute sa vie.

- Viens près de moi, discutons un peu veux-tu ? Le temps que mon pied se remette de ta…danse.
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeVen 21 Aoû - 10:05


Si l'on faisait abstraction de sa malencontreuse maladresse sur le pied d'Honoria, il semblait que la démonstration de danse de Merula ait fait forte impression. Nombre de regards s'étaient tournés vers lui, et même Honoria l'observait d'un œil nouveau... Il faut dire qu'il laissait rarement les gens indifférents, il le savait, et ne se privait guère d'en jouer. Il ne comprit pas trop ce qu'elle voulait dire lorsqu'elle affirma qu'il n'était pas un danseur, mais sans doute était-ce sa façon de lui dire que ce terme était trop réducteur : il était, après tout, un artiste des plus complets.

Mais cessons de lui jeter des fleurs. Dans sa grande gentillesse, Honoria venait subtilement de leur libérer une table ; il prit place sur un tabouret en face d'elle, et il n'était pas fâché de se poser un peu, car il avait grand soif. Cela tombait à pic, elle aussi. Puisqu'elle désirait s'encanailler un peu, il savait exactement quelle boisson il lui fallait.

« Holà ! Qu'on nous apporte deux menstrues ! héla-t-il comme un jeune homme passait près de leur table.
- T'as qu'à demander à un serveur, j'bosse pas ici moi », répliqua l'interpellé avant de passer son chemin.

Le quiproquo levé, un vrai serveur ne tarda pas à leur porter deux grandes coupes, un peu ébréchées et poussiéreuses, emplies d'un épais liquide rougeâtre aux arômes fruités. Merula leva la sienne pour trinquer avec la belle.

« A la santé de l'empereur, l'ancien ou le nouveau, si tant est qu'il y en ait un, pour ce que ça peut nous faire. Bois sans crainte, on ne sent presque pas l'alcool. » Et comme pour montrer l'exemple, il en but une gorgée généreuse. Le breuvage associait tant de saveurs fruitées qu'il était difficile d'en deviner la nature ; l'alcool, pourtant présent en quantité, passait ainsi pratiquement inaperçu, si bien qu'on se laissait aisément tenter d'enchaîner les verres. Or, même un Merula éprouvé à la boisson sentait déjà la tête lui tourner un peu après quelques gorgées. « Il me vient l'idée de composer une nouvelle pièce. C'est l'histoire de la fille d'une princesse d'un royaume lointain - appelons-la Dignita - qui détestait tellement son père qu'elle décida de séduire le fils de son pire ennemi. Ce dernier - appelons-le Ritus - se laissait faire bien volontiers, car elle était belle, mais il savait bien qu'elle ne l'aimait pas : elle ne cherchait qu'à assouvir sa vengeance personnelle, la coquine. » Il s'interrompit pour boire une nouvelle gorgée, avant de repartir aussi sec : « Mais patatra ! Les dieux s'en mêlèrent et Rakka la toucha de sa flèche, si bien qu'elle tomba éperdument amoureuse, la pauvre ; et alors que les sentiments de Dignita devenaient sincères, Ritus, ce bourreau des cœurs, préféra l'éconduire, car il avait sa fierté et qu'elle l'avait bien trop fait languir. Ainsi la malheureuse fut-elle prise à son propre piège. »
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeVen 21 Aoû - 19:45


Deux…quoi ? Honoria ouvre grands les yeux à l’évocation de cette boisson au nom on ne peut plus…exotique. Lorsque les coupes sont déposées devant eux, la patricienne observe le récipient d’un air de retenue digne, bien loin de la gouaille ambiante. Elle se décide pourtant à prendre la coupe, du bout des doigts, inspirant l’odeur avant de sourire. Cela sent bon. Cela pique un peu le nez mais ça sent bon quand même. Alors elle en prend une gorgée. Une gorgée qui passe toute seule, tant et si bien qu’elle en boit une seconde, avec un large sourire de contentement.

- Le nom est curieux mais le contenu est…surprenant. C’est même plutôt bon, en fait.

Elle reprend une petite gorgée tout en l’écoutant alors avec la plus grande attention, dissimulant habilement un sourire dans la coupe. La clairvoyance initiée par l’alcool a assurément envahi Merula. La patricienne dépose la coupe sur la table, pensive, jouant avec le pied du récipient, comme si elle était en réflexion totale au sujet de cette pièce.

- Cela ressemble à ces tragédies que l’on joue parfois ici et là…mais tu sais…il faut être tout de même bien retorse et méchante pour ne serait-ce que songer à faire ce genre de choses ! Jouer avec les sentiments des gens juste pour nuire à son père…Je ne connais personne d’aussi vil. Toi oui ?

Honoria boit une nouvelle petite gorgée et ajoute, avec un sourire timide :

- Non, ce qui serait beau, tu vois, c’est qu’ils tombent amoureux par hasard, sans calcul et que leurs pères soient obligés de s’entendre pour le bien de leur enfant! Ce serait tellement romantique et tendre ! Tu vois ? C’est ça qu’ils aiment, les gens, des histoires de passion, pas des méchantes tactiques bizarres ! Personne ne fait ça. Tu sais…si tu veux captiver ton public, je pense qu’il faut que tu lui donnes des choses auxquelles il peut s’identifier !

Elle sourit de la façon la plus gentille et innocente du monde, insoupçonnable sous ses grands yeux vairons qui pétillent de malice. Et de cette lueur propre à l’ivresse naissante. Elle se penche un peu, comme pour lui faire une confidence.

- Regarde ! Dans notre monde à nous, on ne se marie pas par amour, ça n’entre pas en compte et tu le sais. Donc si tu veux jouer une pièce comme ça, il faut que tu l’adaptes à ces gens qui sont ici. Là d’où on vient…On te jetterait des tomates à la figure. Et c’est triste. Parce que ce serait pourtant une très belle histoire, pleine d’aventures !

Honoria fait la moue, soupirant de dépit, en regardant ailleurs.

- Note que si nos pères nous voyaient en ce moment, l’un comme l’autre en ferait certainement un ictère fulgurant…Quelque part, on ressemble un peu à Ritus et Dignita. Les sentiments, la stratégie et les calculs en moins.

Elle lève sa coupe et sourit avec douceur cette fois :

- Autant leur donner de bonnes raisons de craindre tout et n'importe quoi, non? Alors...A toi, Titus !
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeJeu 27 Aoû - 11:28


Buvant les paroles de la belle à mesure qu'il vidait sa coupe, Merula esquissait un sourire amusé en écoutant Honoria lui livrer ses idées farfelues. Comme l'on peut s'y attendre pour peu qu'on connaisse le loustic, le jeune patricien ne vit pas où elle voulait en venir. Non, il ne voyait en ses propos qu'un babillage de jeune fille élevée aux contes de fées. C'était à la fois doux et plein de candeur, mais le scénario qu'elle lui suggérait n'entrait pas dans les standards du théâtre cher à Merula.

« De tendres sentiments font rarement une bonne histoire, Honoria. Qui s'intéresserait à une pièce où les personnages étalent un bonheur que la vraie vie ne peut vous offrir ? Tu crois que c'est ce que tu veux voir sur scène, parce que c'est ce que tu veux pour toi-même, mais au fond, les histoires qui marchent le mieux sont celles où les personnages sont malheureux. Nous aimons voir souffrir les autres, que ce soit par sensiblerie compatissante ou par plaisir sadique. » Il acheva de vider sa coupe et se laissa tomber contre le dossier de sa chaise. « Le théâtre, le vrai, ne doit pas rechercher à tout prix l'approbation ou l'affection du public. Tu les as vus, ces imbéciles qui me jetaient des tomates et qui s'en prenaient à mes acteurs ; en soulevant leur colère, j'ai atteint mon but. Les huées et les quolibets ne sont jamais une marque d'échec : le théâtre peut faire rire, il peut faire pleurer, susciter l'amour ou la haine, toutes ces réactions se valent. La seule dont je ne veux pas, la seule que je tienne à tout prix à éviter, c'est l'indifférence. »

Aussi assommante que soit cette logorrhée, Merula se livrait drôlement ce soir, et peut-être plus intimement qu'il ne le faisait d'ordinaire avec les filles qu'il ramenait parfois à l'Ours Jaune. Mais ces filles-là, généralement moins propres sur elles, avaient rarement la décence de faire semblant de l'écouter, alors qu'Honoria se révélait être une auditrice passionnée. Comme elle relevait, un peu par hasard, l'étrange similitude qui existait entre les personnages Ritus et Dignita et eux-mêmes, Merula constata avec plaisir que la jeune patricienne n'était pas démunie de vivacité d'esprit ; une vivacité d'esprit qui lui faisait penser à la sienne. Se pouvait-il, au bout du compte, qu'elle devienne un jour une sorte de double féminin de sa personne ? Cela serait extraordinaire.

Il leva sa coupe pour trinquer avec elle, oubliant que celle-ci était déjà vide. Il la porta à ses lèvres pour y boire, et se rappela ainsi qu'elle était déjà vide. Il la reposa donc, et fit un signe au serveur afin que ce dernier lui ramène la petite sœur ; c'était un crime de garder la gorge sèche à l'Ours Jaune.

« Je dois te faire une confidence, Honoria. J'ai conscience que cela risque de te surprendre, mais... l'idée de Ritus et Dignita ne m'est pas venue par hasard. En imaginant cette pièce, je pensais à nous. Toi et moi. Nos pères ne supporteraient pas de nous voir ensemble, c'est vrai, et il y a tant de choses que nous pourrions faire pour leur donner une bonne leçon. Plein, plein, plein. Prenons un exemple totalement par hasard, imagine, hoho, imagine, si l'on nous surprenait à faire l'amour en cachette ! » Ses pupilles brillantes toisaient Honoria d'un regard profond, son sourire jovial exprimait un enthousiasme un brin alcoolisé. « Des guerres sont déclenchées pour moins que ça. »
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeDim 30 Aoû - 16:31

- Les femmes, Merula. Les femmes…Ces grandes oubliées des théâtres. Tu crois vraiment que ça les intéresse, des histoires de complot, des histoires de meurtre, de sang ? Non. Ce qu’elles aiment, les femmes, ce sont les histoires dont elles sont les héroïnes, celles qui sont conçues et structurées autour de leurs propres sentiments. Tu sais ce que disent nos pères, hein…et l’écrasante majorité des hommes de cette ville, de tout notre monde. Les femmes sont incapables de réfléchir, elles ne pensent qu’avec leur cœur. Monte une pièce pleine de sentiments et tu seras tellement glorifié qu’il te sera impossible de traverser une rue sans être pris d’assaut par tes admiratrices, c’est une certitude.

Elle soupire tout en buvant une nouvelle gorgée de sa boisson. « Je n’arrive pas à croire que je suis réellement en train de dire cela… », pense-t-elle en cachant sa véritable opinion derrière un candide sourire de jolie jeune fille aux grands yeux de biche.

- Et en ce qui me concerne, je n’aime pas tellement voir souffrir les gens. Sauf…Sauf si j’estime qu’ils l’ont mérité.

Et dernièrement, il y a au moins deux personnes envers lesquelles elle est si en colère qu’elle s’estime tout à fait en droit de leur jouer un tour à sa façon. Son père. Et ce Barbatus si plein de suffisance et de virile satisfaction de lui qu’elle ne peut même plus l’approcher sans avoir une nausée. Et c’est à cet homme là qu’on la destine, par les Dieux. Son père a perdu la raison, il n’y a pas d’autres explications. Aucune qui ne soit rationnelle, en tout cas, aux yeux de la patricienne. Il est riche, oui. Il sait parler, en effet. Il est onctueux dans ses paroles et souple dans ses arguments, ce qui en fait un politicien redoutable et…un menteur, comme tous les autres. Et par-dessus tout, il ne lui inspire absolument aucune sympathie. N’a-t-il pas, sous le toit de son père, tenté de la déstabiliser et de la ridiculiser ? Quel homme ferait ça à une femme ? « Absolument tous, Honoria, et tu le sais très bien »…, pense-t-elle à nouveau. Elle termine son verre d’une traite. Plutôt mourir que d’épouser cet homme-là, un homme comme tous les autres. Honoria serre son verre avec une certaine force, écoutant distraitement les paroles de Merula.

- Attends… Quoi ? « Nous » ?

Elle regarde le fond de son verre vide puis relève les yeux vers Titus. Se pourrait-il que Titus aurait, sous l’influence de l’alcool, une illumination subite ? Elle l’observe. Non, il est juste sous emprise. Ce qui l’arrange bien, elle se l’avoue.

- Mon père en deviendrait fou, je pense. Quant à ton père, je ne le connais pas très bien mais j’imagine qu’il ne sera sans doute guère ravi.

Honoria esquisse un sourire et repousse son verre vers son compagnon du jour, dans une demande silencieuse.

- C’est triste d’en arriver à coucher pour une raison pareille. Mais…Tu as raison, c’est une excellente idée, Titus. Une fois de plus, me voilà surprise.

Un délicieux sourire mutin étire les lèvres de la patricienne. Le scandale qui s’élèverait autour de cela…Edelmia en bruisserait pendant des semaines, voire des mois.

- Après, peut-être n’est-il pas nécessaire d’en arriver là, même si je te trouve séduisant, ne te méprends pas. Mais…Peut-être qu’une mise en scène serait plus adaptée. N'es-tu pas le roi du théâtre, à Edelmia, Titus ? Tu dois avoir une idée, un petit scénario à me soumettre ?

Honoria a le cœur en fête. Peut-etre tient-elle sa vengeance bien plus tôt qu’elle ne l’aurait cru.

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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeJeu 3 Sep - 0:27


Les sourcils froncés, Merula tentait de deviner où Honoria voulait en venir. Pour une raison étrange et qu'il ne pouvait pas comprendre - sûrement un truc de femme - elle ne semblait pas prête à coucher avec lui, pas même pour mettre en rogne son horrible père. Je suis séduisant pourtant, elle l'a dit, pensait avec amertume le jeune patricien, quelque peu troublé. D'habitude, c'était la crainte du "qu'en dira-t-on" qui poussait les jeunes filles à lui refuser leur entrecuisse ; elles étaient prêtes à coucher à condition que la chose ne s'ébruite pas, or Honoria semblait chercher exactement l'inverse. Sûrement une sorte de jeu tordu bien à elle. Qu'importe ! Merula était joueur. Il n'était pas trop sûr de comprendre ce qu'il y avait à gagner dans l'affaire, mais ainsi qu'elle l'avait souligné, il était le roi du théâtre à Edelmia. Elle le mettait au défi, comment pourrait-il se défiler sans perdre la face ?

« Il faut parfois donner de sa personne pour rendre une scène plus authentique que nature... mais soit, simulons, si tu y tiens. Après tout, ce serait un jeu d'enfant que de faire courir la rumeur de notre liaison. Ce serait même trop facile. Soyons plus créatifs. »

Il se mit à réfléchir, coudes sur la table, le menton posé entre ses mains jointes. Les plis de son front trahissaient une réflexion intense. Entre temps, on leur servit deux nouvelles menstrues, et ce n'est qu'après avoir bu que l'inspiration le prit.

« Je sais ! On va faire croire à ton enlèvement. Imagine donc un peu la scène : sur la route en rentrant du marché, tu es enlevée par une bande de brutes et avant même que la cohorte urbaine ait levé le petit doigt, tu t'es volatilisée. Ta famille se fait un sang d'encre, tout Edelmia ne parle que de ça. Ton père n'en dort plus la nuit, attendant désespérément une demande de rançon ; il écume la cité, passant en revue tous les kidnappeurs potentiels, foutant au passage un joyeux bordel ; en vain. Et au bout de quelques jours, alors que l'espoir de te retrouver vivante s'amenuise, tu réapparais au bras de Titus Sevinius Merula, le fils du pire ennemi de ton père, qui est parvenu à te retrouver et à te libérer au péril de sa vie. » Il réprima un hoquet, qu'il noya dans une nouvelle gorgée d'alcool rougeâtre. « Il faudra qu'on se mette d'accord sur le fait que j'ai affronté cinq hommes à moi tout seul, et bien insister sur mon héroïsme ; c'est le genre de détail qui permet de faire vrai. N'hésite pas non plus à en faire des tonnes sur leur méchanceté et tout ce qu'ils t'auront fait subir. Ça pourrait être bien que ta robe soit déchirée, même. »
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeJeu 3 Sep - 22:25


Honoria prend l’une des deux coupes apportées, écoutant Titus avec la plus grande attention possible.

- Un enlèvement ?

Elle hausse un sourcil, puis le second, buvant une gorgée d’alcool, un vague sourire fiché sur les lèvres.

- Et qui seraient ces brutes ? Des comédiens ? Des gens de ta troupe ?

La patricienne sent que l’alcool commence à faire un effet qui ne lui plaît guère. Elle a du mal à rester concentrée, au moment le plus crucial. Honoria repousse donc le verre avant de poser ses avant bras sur la table, les mains jointes, plongée elle aussi dans des réflexions embrumées qui perdent peu à peu de leur intensité et de leur profondeur au fil des secondes. C’est que c’est fort, cet alcool là…

Feindre une liaison est chose facile. Un baiser, un regard, des mains qui se touchent, tout cela habilement orchestré dans un endroit public, face à une commère de renom ou des jeunes gens avides de ragots et en moins d’une heure, la nouvelle aura fait le tour de la cité.

Un enlèvement est par contre une toute autre histoire. C’est disparaître pendant plusieurs jours, provoquer un chaos indescriptible, rendre la monnaie de sa pièce à son père, prendre des vacances…Loin de la villa sicinii, loin des regards désapprobateurs, loin de cet insupportable cadet dont elle crèverait bien les yeux, loin de cet homme à qui on veut la marier. Se lever quand elle veut, boire quand elle veut, danser, chanter même si ça lui plaît, dormir en plein après-midi…Faire des choses frivoles. Faire des choses qui n’ont pas de sens. Faire des choses pour rien, juste pour le plaisir qu’elles apportent…Elle sourit béatement à ces perspectives initiées par l’alcool, des choses auxquelles elle n’ose jamais penser parce qu’elle n’a tout simplement pas été élevée comme ça.

- Et j’irais où, pendant ces quelques jours ? Dis moi que c’est dans un endroit où il y a du soleil et de la musique.

Honoria soupire, rêveuse, en ajoutant.

- Si tu te poses en sauveur de ma pauvre personne brutalisée par de sauvages hommes pleins de mauvaises intentions, peut-être que ça calmera les tensions, tiens…peut-être que nos pères cesseront de se faire la guerre pour des choses dont ils ne mesurent pas bien la portée…Regarde…Sont-ils ici, eux ? Nooooon…ils se tapent dessus à coups de fourberies polies au milieu d’autres vieux barbons condescendants…Je suis certaine qu’il y a un petit scribouillard dans un coin qui s’amuse à compter les points quand ils se disputent…haha.

Où est cette coupe ? Elle plisse le front. Ah la voilà.

- Ils savent même pas de quoi ils parlent. C’est trop drôle.

Hop, une nouvelle gorgée. Elle pose le verre et sourit de toutes ses dents à Titus, tout en le pointant de son index, un œil fermé, l’autre se posant aussi fixement que possible sur le regard de son compagnon du soir.

- J’sais pas si bien mentir, mais je suppose que si je déchire une tunique ici ou là…ma foi…ça fera plus vrai. Je peux même dire que ces hommes étaient énormes, grands et avec plein de poils partout, tu sais ? ce genre de grosse brute dégoutante…Je peux même dire qu’ils étaient dix. Par contre, une chose…

Elle lui fait signe d’approcher, comme si elle allait lui confier un secret, en regardant à gauche, à droite pour s’assurer que personne n’écoute. Elle l’attrape alors par le col de sa tunique et souffle à son oreille :

- Par contre, le premier qui me serre d’un peu trop près, même pour « faire plus vrai », je le mords. Sauf si c’est toi. Parce que tu seras mon sauveur. Et on mord pas les gens qui sauvent. Quelle noblesse, Titus, de faire ça pour moi, t’es trop gentil…

Elle pose un coude sur la table, appuie sa tête dans sa main et soupire en le regardant, souriant d’un air heureux. Quel était son projet de base, déjà ? Elle ne sait plus. Est-ce grave ? Peut-être bien. S’en soucie-t-elle ??...Non.
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeDim 6 Sep - 21:26


Honoria savait poser les bonnes questions : qui pourrait-il embaucher pour faire le sale boulot ? Et où pourrait-elle se cacher ? En bon organisateur, Merula n'y avait pas réfléchi. Il ferait ça une autre fois, il aurait bien le temps ; après tout, il avait plus urgent à faire, notamment se bidonner comme une baleine en écoutant la jolie patricienne lui décrire leurs imbéciles de pères s'écharpant à la Curie.

« Je suis sûr qu'au fond, ils sont amoureux », commenta-t-il avant d'étouffer un rire. « Quelle horreur. Entre ton père tout sec, et le mien, cette vieille grenouille, grosse comme le bœuf à force d'enfler d'année en année... c'est à se demander comment la semence des deux horribles a pu créer des êtres aussi parfaits que toi et moi. »

Les yeux vairons d'Honoria pétillaient ; l'alcool n'y était certes pas pour rien, mais Merula voulait croire que son charme était à l'oeuvre. L'ingénue tentatrice jouait un jeu trouble, se parant d'une vertueuse pudeur, mais il voyait bien qu'elle s'ouvrait telle une jolie fleur de printemps : elle attendait désespérément qu'il la cueille. « Toutes les morsures ne sont pas désagréables », commenta-t-il distraitement, et l'enfant terrible du Censeur ne demandait pas mieux que de la cueillir, ici et maintenant. Mais fallait-il le faire là, sur cette table, sous les yeux des clients, dans ce bouge certes accueillant mais quand même un peu sordide ? La chose manquait singulièrement de classe. Pour ça comme pour le reste, Merula avait le sens de la mise en scène, et il lui semblait que ce serait un beau gâchis. L'amour se devait d'être un jeu de patience ; et si la patience n'était pas son fort, il savait en trouver lorsqu'il s'agissait de jouer.

« Méfie-toi », dit-il, « je pourrais être tenté d'abuser de ta reconnaissance. Je pourrais même réclamer un baiser en récompense. »
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeLun 7 Sep - 9:34


- Tu as sans doute raison. Pour se haïr à ce point, ils doivent s’aimer en secret, c’est la seule explication.

Cela étant, Honoria a une grimace étrange en imaginant son père…et le père de Titus…Elle secoue la tête, rieuse, pour prendre une gorgée de sa boisson. Le sourire ne quitte plus ses lèvres. Oui, la patricienne passe un fort agréable moment, un moment amusant, de détente complète. La villa sicinii semble loin, dans un autre monde. Et depuis ce monde là personne ne peut l’atteindre, elle peut faire ce qu’elle veut. Y compris discuter légèrement, badiner avec le fils de l’ennemi de son père.

- Je le sais, ça. Mais…Je n’aime pas les brutes. Les hommes manquent cruellement de savoir-vivre et de délicatesse. Et si l’un de tes hommes tente de profiter de la situation, je suis certaine qu’il ne trouvera pas ça agréable du tout.

Elle le sait, que certaines morsures sont plus agréables que d’autres. Surtout quand elles sont effectuées avec art et patience, une certaine douceur, toute en maîtrise, par une femme qui connaît son métier. Le regard rêveur d’Honoria se perd dans un souvenir, un secret bien caché, le rappel d’une chevelure douce et noire comme la nuit, le parfum d’une huile, le souffle d’un baiser à l’exquise saveur de rose…Honoria soupire, ne sachant pas très bien quand elle pourra la revoir, puis regarde Titus qui évoque son éventuelle « récompense ».

La patricienne penche la tête, observant Titus avec une attention qui ne va pas bien loin compte tenu de l’ingestion d’alcool. Le cheminement de ses pensées est donc tout aussi primaire que l’assemblée présente. Il est plutôt séduisant, Titus. Et gentil. Ne lui a-t-il pas proposé une aide ? Ou quelque chose comme ça ? Une porte de sortie ? Quel genre d’homme ferait ça pour une femme ? Elle se perd elle-même dans ses réflexions et ses convictions mais cela ne semble pas l’inquiéter beaucoup.

- Tu sais Titus, si tu tentes d’abuser de ma reconnaissance, tu ne vaudrais pas mieux que tous ces hommes qui ne voient en moi qu’une jolie dot à culbuter ou une marche nécessaire afin de gravir l'escalier céleste menant à la gloire...hahaha

Elle se fend d’un sourire radieux, contente de sa petite phrase qui ne sert à rien.

- Après, si je t’y autorise, c’est une autre histoire, mais je ne sais pas si je vais le faire. Quelle opinion aurais-tu de moi si je me laissais aller à cela ? Mhh ?

Elle se pense bien spirituelle et bien rusée pour le coup. Elle vide sa coupe d’une traite, l’œil luisant de plaisir. Oui, la patricienne passe un fort bon moment et n’a pas très envie que cela s’arrête. L’idée même de réintégrer ses pénates ne l’effleure pas le moins du monde.

- Je n’ai pas très envie que tu aies une mauvaise opinion de moi. Pour ça, j’ai déjà mon père et toute ma famille. Ce serait bien, que quelqu’un ait un regard différent sur ma personne, pour changer un peu…
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeMer 9 Sep - 22:55


« Allons ! », s'exclama Merula en agitant les bras, l'air de ne pas y toucher, « je plaisantais, tu t'en doutes bien. Loin de moi l'idée d'abuser de la situation ; ce serait digne du dernier des goujats. »

Comme une nouvelle rasade de menstrue accompagnait ces paroles, Merula riait sous cape. La fille du préteur continuait de naviguer entre deux eaux, comme si ses désirs de liberté étaient sans cesse rattrapés par sa "bonne" éducation. Les chaînes les plus solides sont celles auxquelles on se lie soi-même, pensa Merula avec sagesse.

« Toutefois... » il fit tournoyer distraitement ce qu'il lui restait de boisson dans le fond de son verre, avant de reposer celui-ci sur la table et de poursuivre : « en te demandant ce que je pourrais penser de toi, tu raisonnes exactement comme tous ces gens coincés que tu méprises. Pourquoi te soucier de mon avis ? Les gens comme ton père, et toute ta famille, ils veulent qu'on se comporte selon leurs règles, ils veulent nous voir devenir ce que nous ne sommes pas, ils veulent que l'on se travestisse. Tu n'es pas ainsi, Honoria. »

Il hocha la tête comme pour approuver ses propres paroles, toisant d'un regard profond les yeux vairons de la jeune femme.

« Dans le cas contraire, tu n'aurais pas besoin de te faufiler dans les rues déguisée en plebéienne, à espionner le commun des mortels dans leur morne quotidien, comme si tu te cherchais toi-même. Regarde-toi, princesse : tu es paumée, complètement paumée. Ce monde est une prison pour les gens comme nous. » Il soupira. « Je me réfugie dans le théâtre, parce qu'il me permet d'être qui je veux le temps d'un spectacle, même si c'est éphémère... quelle vie choisirais-tu, si tu avais le choix ? »
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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeJeu 10 Sep - 8:30


- Je ne fais que cela…Me travestir. Tout le temps. Etre parfaite, être douce polie et bien élevée. Savoir filer de la laine. Tout ça pour avoir un peu d’attention, juste un mot gentil. Un geste. Juste un. J’pense que c’est pas trop demander après toutes ces années. Mais non. Jamais rien. Tout ça parce que je ne suis pas un homme.

Elle hausse les épaules. Toute la joie qu’elle avait pu ressentir en un instant venait de s’envoler aux paroles de Titus. L’alcool libère sa parole, elle se confie comme elle ne l’a jamais fait.

- Il dit qu’il sait pas faire ces choses-là. Toute ma vie j’ai essayé d’être celle qu’il voulait que je sois, parce que je voulais juste un peu d’attention. Sais-tu par exemple, que je l’ai suivi pendant des mois, des années ? J’ai écouté toutes ses conversations, à la maison, j’ai appris tant de choses, tant de rouages, tant de…de ces putains de trucs qu’ils font à la Curie. C’est juste dégueulasse, en vrai. Prêcher le faux pour avoir le vrai. Se poignarder dans le dos tout en souriant. Ils sont tous pareils là dedans, tous des gros crabes dans un tout petit panier, à se pincer et se faire du mal pour garder la meilleure place.

Honoria regarde ailleurs, elle regarde les gens qui rient, qui boivent et qui dansent. Elle a un sourire sarcastique.

- Il serait ici, il resterait probablement tout droit dans un coin, à juger tout le monde d’un regard sévère, le front barré de deux rides désapprobatrices… « Que de débauche…Alors qu’il y a tant de choses à faire pour élever son esprit »…gnagnagna, je l’entends même s’il n’est pas là.

La patricienne inspire et expire doucement, en regardant le plafond avant de reporter, enfin, son attention sur Titus.

- Toi tu es un homme tu pourrais même te balader nu sur le forum en chantant des chansons paillardes une plume entre les fesses, on te le pardonnerait. Moi…

Autre sourire sarcastique en cherchant son verre de la main. Un verre vide qu’elle repose, tant pis.

- …je n’ai le droit à rien. Juste à la fermer et faire des enfants. C’est tout. Et ça vend pas du rêve. Tu sais ce que je ferais, si je le pouvais, là, tout de suite ?

Un sourire magnifique éclaire son visage, en songeant à ce qui se dévoile en son esprit.

- Je m’en irais loin. Sur un bateau. J’ai jamais vu la mer…Et j’aimerais bien. J’écrirais des histoires, des histoires fantastiques, j’écrirais d’autres choses, à propos des femmes, des pensées, des textes qui montreraient que la pensée ne se résume pas à ce qu’on a entre les jambes…Je lirais des choses profanes…parce que j’aime la subversion. Je choisirais une vie conforme à ce que je suis. Une vie de liberté.

Mais, une fois de plus, le sourire disparait. Le bruit se fait intense. La jolie escapade mentale s’achève en un douloureux rappel de sa présence en un bouge douteux. Elle serre les lèvres, regarde ses genoux puis dit :

- Je suis paumée, c’est vrai. Je ne peux me réfugier dans rien, moi. Alors…Je fais ce que je peux, avec les moyens que j’ai. C’est-à-dire me cacher aux yeux de tous et écouter, regarder, parfois parler. Sauver des gens qui risquent leur vie en déplaisant aux foules…

La jolie blonde a un vrai sourire doux et gentil pour Titus, avant de dire, résignée :

- Merci de m'avoir écoutée. C'est pas tellement souvent que ça m'arrive...

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MessageSujet: Re: Entre génies incompris [Honoria]   Entre génies incompris [Honoria] I_icon_minitimeDim 13 Sep - 2:19


Elle en avait gros sur le cœur, la petite. Et beaucoup à déballer. Merula l'écouta sans l'interrompre une seule fois, même s'il n'est pas impossible qu'à une ou deux reprises, ses pensées l'amènent ailleurs, parce que c'était quand même pas mal long. Il en avait au moins saisi l'essentiel, enfin, a priori. Elle est furieuse de ne pas être un homme, résuma-t-il en son for intérieur, avant de corriger pour lui-même : non, attend, c'est pas ça, elle voudrait pouvoir faire les trucs que font les hommes, comme se balader à poil et siéger à la Curie. Sauf qu'elle déteste la Curie. En fait, je n'ai rien compris. Il plissa les sourcils en s'efforçant de comprendre, mais il avait peut-être un peu trop bu. Alors il fit ce qu'il faisait toujours quand il venait d'écouter un discours et qu'on lui demandait son avis : il repensa à la dernière phrase. Elle m'a remercié de l'avoir écoutée, parce que ça n'arrive pas souvent. Tu m'étonnes.

« Tu n'as pas à me remercier, Honoria. Ecouter, c'est ce que font les amis, pas vrai ? » Du moins les amis moches, ceux avec qui on n'a pas envie de coucher. « Et puis, c'est encore moi qui te suis redevable, c'est vrai, après tout... tu m'as sauvé, alors qu'il aurait été si simple de me livrer à la foule. C'aurait été plus simple, et même distrayant... Je dois t'avouer qu'à ta place, je ne sais pas ce que j'aurai choisi. Enfin, avant de te connaître, bien sûr. Maintenant que je sais que je t'apprécie, c'est différent. »

Il commençait à avoir un peu de mal à aligner des propos cohérents, et il n'était pas sûr d'avoir saisi lui-même le sens de ce qu'il avait dit, ni d'ailleurs le sens de ce qu'il avait envie de dire. L'alcool lui montait à la tête, entraînant dans son sillage les émotions de la journée, à commencer par cette maudite pièce et l'émeute qu'elle avait provoquée. Il se sentait fatigué, alors même qu'on était encore en plein jour. Un jour, il se mettrait peut-être à picoler à heure fixe, ça lui éviterait de se sentir autant en décalage avec la réalité ; ça resterait un vœu pieux, malheureusement.

« Quoiqu'il en soit, je veux te faire une promesse solennelle. » Il termina son verre et le reposa sèchement, avant de poser ses coudes sur la table et de lever vers Honoria un regard plein de gravité, comme si ce qu'il était sur le point de dire allait changer la face du monde. « Si un jour il te prend l'envie de te balader nue avec une plume entre les fesses, je te pardonnerai. La seule chose que je ne te pardonnerai pas, c'est si tu ne me préviens pas avant et que je loupe ça. » Il sourit, dévoilant une rangée de dents saines, et ajouta, plus sérieusement : « je t'en dois une, en tout cas. Enfin, quand je dis "je t'en dois une", je ne parle pas d'une plume, hein, je dis juste que je te suis redevable. Alors, laisse-moi t'aider à fuir cette bande d'imbéciles qui ne se rend pas compte de la chance qu'ils ont de t'avoir, Honoria. Comme ça, on sera quittes. »
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