Une soirée au théâtre (pv Harmonia et Marius)

Le théâtre d'Edelmia, lieu de villégiature ou d'intrigues ? A dire vrai, un peu des deux, de l'avis du questeur Tullius. Et le personnage manquait rarement une pièce tant ce divertissement nourrissait l'esprit. Pour l'occasion, Marius avait revêtu une trabée, toge pourpre composée de quelques bandes de couleurs, tenue d'apparat par excellence ! Comme à son habitude, il avait soigné sa barbe et avait prit la direction de l'amphithéâtre de robuste facture, étroitement entouré par trois de ces licteurs. C'était a la fois pour se prémunir d'éventuels menaces sur sa personne mais également afin d'affirmer sa position de haut magistrat de la cité et il ne se privait jamais de se faire remarqué à cet égare.

Mais en ce début de séminare, quel spectacle allait il découvrir et surtout, quels patriciens allaient croiser son chemin dans ces gradins ? Une somme d'éléments qui nourrissait chez lui une forme d'excitation à braver l'inconnu. Et sa surprise fut en premier lieu fort agréable alors qu'une tête rousse croisa sa vision. La veuve Lustia ! Et cette patricienne, propriétaire de vignes, semblait toute aussi enjoué de le retrouver dans ce lieu de divertissement tandis qu'une promesse semblait toujours dévorer leur commun esprit lubrique. Mais Harmonia était aussi et surtout une femme accompli qui se tenait au courant de tout dans la capitale d'Oncmelinor et elle semblait donc bien au fait d'un rapprochement futur entre les familles du questeur et du prêteur Primo. A cette réplique, Marius lui décocha un sourire à la commissure de ces lèvres après l'avoir saluer celon les usages.

- Avé Harmonia. Je vois que tu ne manque pas maintenir ta verbe des plus calculée. Tu es bien renseigné, je te l'accorde, mais pour l'heure, vois tu quelques anneaux à mes doigts ? Ne mettons pas la charrue avant les bœufs, veux-tu ? En tout cas, il n'y a aucune des filles du prêteur que j'attends ou que j'accompagne aujourd'hui.

Il lui lança un regard entendu avant de rouvrir la bouche afin de s'enquérir lui aussi de sa situation mais une voix adressée à leur endroit vint l'interrompre. Il s'agissait de la voix douce et cristalline d'une certaine Caecillia Lubania. La seconde veuve n'avait d'ailleurs rien à envier aux charmes de la première et le questeur eut le même réflexe que sa comparse rousse en toisant Caecilia de la tête aux pieds, partageant volontiers l'avis narratif de la propriétaire terrien. Avançant naturellement dans les pas d'Harmonia, il se porta lui aussi à la rencontre de la jeune femme patricienne, laissant toute courtoisie aux donzelles à deviser avant de prendre la parole au moment opportun.

- Avé Caecilia. Nous serions de piètre patriciens si nous n'acceptions ton invitation. Et je dois bien avouer qu'il m'est plaisant de m'afficher, l'espace de quelques divertissements en charmante compagnie.

Il leur décocha un sourire léger et taquin sans pousser le vice, préférant seulement détendre plus encore l'atmosphère, lui qui se retrouvait en place publique entourée de la veuve à la crinière de feu et la veuve à la crinière obsidienne. Avouez qu'il était rare d'avoir à profiter d'un tel luxe !? Et nul doute qu'à cette vue, les commérages et rumeurs iraient bon train sur le Forum et au sein de la Curie.

En toute modestie, bien que le geste puisse prêter à quelques interprétations, Marius profita de l'amorce de conversations entre les deux jeunes femmes pour glisser ces paumes d'ancien légionnaire sur les stola de ces dames, venant cercler la taille de chacune d'entre elles. La sensation était des plus agréable, il fallait l'avouer et son esprit lubrique bouillonnait tandis que d'extérieur il s'efforçait seulement de se montrer simplement galant en guidant ses comparses à travers les gradins pour une courte balade.

- Il est vrai que cette toilette te va au teint, elle sublime tes atouts. Mais Harmonia, tu n'es pas en reste. Je puis dores et déjà certifié etre le plus chanceux aujourd'hui en ce lieux.

Barbatus savait flatter et il ne s'en privait nullement.

Entouré de deux ravissantes patricienne, Marius ne pouvait pas faire la fine bouche et comme tout homme convoité qui se respecte, même si une alliance maritale était en passe d'être signée, il n'allait pas se priver de parader et profiter dans la mesure du raisonnable, des délicieuses courbes de ses deux complices. Si Caecilia ne trouvait pas ses gestes inconvenants, il en était tout autre d'Harmonia, une femme qui rappelons-le, avait il y a de cela quelques jours, mais à huit-clos, laissé paraître des intentions plus que suggestive à l'endroit du Questeur.

Ainsi donc, à tour de rôle, il reporta son attention sur chacune de ces comparses, réagissant à leurs mots. Tout d'abord à l'attention de Lubania dont il servit un regard des plus charmeur avant de chercher à flatter son ego féminin.

- Elles me dévorent certes du regard, mais te jalouse à n'en pas douter !

Puis ce fut au tour de la rouquine bien moins encline à apprécier l'attitude du magistrat même si son malicieux geste et ce gloussement attisait son intérêt à l'endroit de la veuve Iustia.

- Peut-être est-ce là mon intention ? Te faire rougir à ne plus savoir où te mettre.

S'en suivi alors des échanges d'amabilités entre les deux donzelles sur un sujet redondant en la personne du fils héritier d'Harmonia. A dire vrai, cela l'ennuyait mais il fallait garder l'apparence d'un homme intéressé par les propos qu'on lui servit. Finalement, Marius put se mettre enfin quelques choses sous la dent lorsque la rouquine proposait après les festivités que le trio se retrouve, ou tout du moindre prolonge les festivités à venir à la caupona. Et comme il n'avait rien d'autre à faire d'important, il répondit favorablement à cette proposition.

Bavarder en compagnie de patriciennes comportait son lot d'avantages et d'inconvenants. Certaines discussions pouvait vous faire bailler aux corneilles, mais d'autres avaient l'avantages d'éveiller les sens. Si jusque là le questeur n'avait que peut de sources d'intérêts à se mettre sous la dent, voilà que Caecilia se montrait friande de raviver quelques ragots salaces dont la veuve Iustia ne manquait d'ailleurs pas de nourrir dans un sourire pervers soulignant son allusion des plus graveleuse. Il n'en fallait pas plus pour que Marius ne daigne se joindre alors au sujet de la femme de l'édile et de ces vices qui la faisait passer pour une putain trouvant son compte dans quelques bordels d'Edelmia.

Décrochant donc son attention de la pièce théâtre qui se jouait face à lui, le curiate se racla la gorge, rajustant sa stola avant de s'offrir d'un geste discret sur chacune des hanches de ses donzelles, la proximité de ces dernières avant de prendre la parole.

- L'on peu blâmer cette femme de ne pas choisir une forme de discrétion dans ces "petits manques". Je parles devant des femmes averties n'est-ce pas ? Nulle rumeur de la sorte ne se colporte à vos égares, même si, avec tout le respect que je vous dois, vous devez également avoir quelques besoins libidineux à assouvir. Vos veuvages ne vous ont pas interdit de jouir de certains plaisir de la vie.

Il glissa à chacune de ces interlocutrice un regard taquin et entendu, dans le respect de l'étiquette avant de rajouter.

- L'Edile n'est certainement pas un exemple de vertu et si j'ai également quelques ambitions dans ce sénat, je saurais éviter que de si délicieuses patriciennes ne tombent dans quelques controverses lubriques, mettant à mal une réputation auprès de nos pères. L'on vante ma discrétion à bien des égares, le saviez-vous ?

L'absence de Caïus lui était en fait profitable, le questeur pouvait parler avec une forme de liberté toute mesurée et riches en allusions, comme il en était d'ailleurs le cas pour ses deux comparses de tribune.

Les bavardes étaient légers, salaces et le questeur s'en retrouvait bien volontiers au centre des piques de ces compagnes de spectacle. La pièce de théâtre qui se jouait devant leur yeux se prêtait d'ailleurs parfaitement au sujet initié par Caecilia et nourrit par un Marius aussi audacieux que provoquant. Évidemment, le patricien maintenait une certaine forme de prudence même si les deux veuves s'en donnaient à cœur joie pour chercher à le déstabiliser.

Seulement, fort de sa position, Tullius pouvait se permettre de renchérir tant qu'il s'évertuait à ne pas dépasser certaines limites de la bienséance. Ainsi, il finit par servir à ces dames un sourire faussement entendu avant de leur offrir la réplique, bien conscient de n'être dupe de leur discours respectif.

- J'en conviens, je n'aspire pas voir mon visage défiguré. Mais je ne crois guère à vos intentions mesdames et en particulier à toi Caecilia. Tu es bien trop intelligente pour te donner à une autre femme en mon agréable compagnie.

Il lui adressa alors un clin d'oeil taquin avant de croiser le regard de la rouquine.

- N'est elle pas adorable ? Plus que je ne le serais jamais, n'est ce pas Harmonia ?

Lança-t-il comme pour tenter de recentrer l'attention sur une Caecilia bien audacieuse pour s'attaquer à sa personne dans la plus légère et tendancieuse des atmosphères.

Il y a une grande différence entre la rhétorique et l'éloquence. L'éloquence est surtout un talent ou un don de la nature, la rhétorique est un fruit de l'étude ou un art. L' une trace la méthode, l'autre la suit, l'une enseigne les moyens, l'autre les emploie. Alors dans laquelle de ces catégorie pouvons-nous placer Caecilia Lubania ? Ces répliques, piquantes venaient-elles d'un quelconque talent ou d'un apprentissage pour parvenir à se moquer aussi habilement du Questeur ? Caecilia mettait visiblement en doute sa virilité. La pratique de la sodomie n'avait jamais inspiré Marius, il n'avait pas besoin de cela pour dominer. Cette simple idée le révulsait et le questeur aurait volontier puni l'insolente, mais se retint de toute réaction hostile, préférant laisser la parole à la rouquine. Harmonia était certes bien plus intéressée par le questeur que ne pouvait l'être Caecilia, elle n'en demeurait pas moins étrangement complice avec cette dernière lorsqu'il s'agissement de se moquer de Marius.

Finalement, le patricien trouva son salut par les événements qui s'enchaînèrent sur scène. Un drame venait certainement de se produire et pourtant Marius, comme la plupart des spectateurs se redressa pour exprimer tout sa satisfaction pour ce divertissement à rebondissement. Mais ce ne fut que lorsque la rouquine quitta sa place pour rejoindre la scène que la curiate comprit qu'il se méprenait. Son attention se focalisa en contre bas non sans qu'il ne ne dise quelques mots à l'endroit de la veuve Lubania.

- Qu est elle allé faire ? J'ai l'impression qu'il se passe quelque chose sur la scène qui ne me dit rien qui vaille.

Sans attendre de réponse, il leva la tête, intrigué de constater que la rouquine se trouve à côté de l'acteur tombé, comme si elle cherchait à comprendre ce qui venait de se produire. L'acteur ne se relevait pas et l'inquiétude gagnait les rangs de spectateurs. Mais de là où il se trouvait, le questeur n'entendait pas les propos de la veuve Lustia. Ce n'est que lorsque la propriétaire viticole regagna les tribunes qu'il comprit que l'homme décédé était bien une victime d'un assassin aux méthodes discrètes et soignées. L'hypothèse de la rouquine se tenait, mais il découvrait surtout une facette nouvelle de la jeune femme. Pointant un index dans la direction de la scène macabre puis tournant la tête vers Harmonia, Marius ne put que s'interroger.

- J'en penses que je ne te connaissais pas des talents l'enquêtrice sur scène de crime ! Caecilia, tu le savais ?

Il plissa les yeux, rajustant sa stola avant de donner son avis à la rouquine.

- J'imagine que rare sont les ruviens d'Edelmia à pouvoir opérer avec autant de soin et de discrétion. Tu as eu du nez on dirait. Je t'ai vu discuter avec le medicus avant de venir nous rejoindre.. T'a t il dit quelle poison avait été utilisé ?

Oups ! Je devrais tout de même faire attention. Mon côté enquêtrice n'était pas passé inaperçu, surtout auprès de Caecillia qui me regardait avec un intérêt redoublé. Et le faquin de Marius ! Il semblait soudain vouloir en savoir davantage de mon intérêt pour cet assassinat. Est-ce que ceci ressemblerait aux méthodes de son père, par hasard ? En tout cas, il demanda quel type de poison a été utilisé et cela me donna l'occasion de faire semblant de ne pas en savoir tant que cela :

- Je crois qu'il a parlé de... C'était un peu compliqué comme nom... Morte... Ah, voilà ! De la mortenoire.

Je plissai les yeux :

- Parfois, mon époux me racontait les affaires de meurtre en ville et généralement, c'est plutôt de l'arsenic ou de l'aconit que l'on retrouve dans les rapports. Jamais entendu parler de mortenoire. Tu connais, toi ?

Je me tournai vers Caecillia :

- Non, je ne connaissais pas ce pauvre bougre. Mais la façon dont il est mort titille ma curiosité. Vois-tu, mon époux me divertissait parfois en me racontant les cas les plus mystérieux dans les procès. Il lui arrivait même d'enquêter personnellement en dehors du travail pour assouvir sa curiosité. Mine de rien, je t'assure, ça fait de sacrées bonnes histoires à raconter dans les cenae, encore mieux que les histoires de lit ! Hi, hi, hi !

Je mentais à peine en disant cela : si Attia Sillia aimait tant nous inviter à ses soirées quand Lucianus Primus était encore en vie, c'était bien pour les histoires macabres qu'il pouvait raconter une fois les affaires résolues ou classées. Certes, ce genre de conversation n'était pas du goût de tous les patriciens, mais certains semblaient avoir la même curiosité morbide. Pour ma part, je les trouvais quelque peu hypocrites, ceux qui faisaient mine de ne pas apprécier le sinistre : après tout, c'étaient les mêmes que l'on retrouvait au Colosseum à se réjouir lors des spectacles de gladiateurs...

La mortenoire... ce poison ne lui était pas inconnue. A ce nom, Marius plissa les sourcils, comme profondément prit de perplexité. Il entre-ouvra la bouche afin de s'exprimer sur ce sujet avant de se reprendre au dernier moment.

- Ah c'est un poison que... enfin, rien d'important, poursuit donc Harmonia.

C'est alors que la rouquine plissa les yeux et fit confession de son amour pour les affaires de meurtres que lui narrait son défunt époux. Arsenic, aconit, ces poisons étaient communément utilisés dans certains règlements de compte mais pour la veuve Iustia, cette nouvelle substance utilisée pour arracher la vie lui était inconnue. La jeune femme était loin de se douter que la mortenoire avait aussi causé la perte de feu Lucianus Primus, en tout cas elle avait été présente dans la composition du poison qui avait foudroyé le patricien. Et ce que l'histoire ne retiendra également pas, résidait en le fait que le père de Marius, Tullius Usirius, était à l'origine de ce drame au sein même du théâtre.

Marius semblait de plus en plus perplexe, quelques peu ailleurs durant une fraction de seconde et beaucoup moins taquin qu'il ne l'avait été jusque là avec les deux femmes. Quelque chose dans son esprit le tourmentait et fort heureusement, c'est durant cette réflexion mentale qu'Harmonia se retourna pour deviser avec Caecilia. Le temps pour Marius d'emboiter certaines pièces d'un puzzle bien étrange... son père lui avait déjà confié certains propos au sujet de ce poison et certaines allusions commençaient à faire murir dans son esprit que le puissant usurier, proche d'une retraite bien mérité, n'était peut être pas exemple de tout crime.

Il releva alors le menton pour dévisager Harmonia, d'un regard nouveau. La perspicacité dont elle faisait preuve commençait à déranger le Questeur d'autant qu'il commençait a émettre la possibilité que son père trempait dans la mort du mari d'Harmonia pour tout un tas de raison qui venait de trouver aujourd'hui un dénominateur commun.

- Soit tout de même prudente. Enquêter ne s'improvise pas et pourrait même te causer conflit avec une magistrature.

Marius semblait opérer un changement de ton et d'état d'esprit, mais ne cherchait pas pour autant à blesser la jeune femme qui créer le moindre trouble, il se voulait simplement faussement inquiet pour elle.

Par tous les dieux ! J'aurais ri si une violente sueur froide ne m'avait soudain coulé dans le dos. Maintenant, j'en étais sûre, Marius Tullius Barbatus ou son père avaient quelque chose à se reprocher. Est-ce que cela avait un rapport avec le meurtre de Lucianus Primus, je n'en savais rien, mais en tout cas, j'avais intérêt à me méfier du questeur. Son bégaiement, comme s'il était sur le point de lâcher quelque chose... Son front plissé comme s'il était soudain tracassé... Il y avait quelque chose qu'il ne disait pas, mais si je fouillais de façon imprudente et que sa famille était vraiment du genre à aller jusqu'au meurtre, je ne donnais pas cher de ma propre vie. Or, mon but était de protéger Lucianus, pas de jouer imprudemment les aventurières. C'était les circonstances qui avaient fait de moi cette enquêtrice que cette vipère de Caecillia regardait maintenant avec une telle curiosité que je compris que j'avais tout intérêt à dissimuler rapidement mon intérêt.

" Tu as probablement raison Caecillia et je doute que nous ne tarderons pas à en apprendre davantage...

Je fus interrompue par un patricien, apparement l'un des organisateurs du spectacle, qui prit la parole :

- Mes chers concitoyens, je suis aux regrets de vous dire que la pièce est suspendue, le temps de trouver un remplaçant à l'acteur. Aussi, je vous enjoins à quitter les lieux le temps que nous enlevions le corps.
- Il n'aura point à m'en prier trop longtemps, dis-je d'un ton affecté. C'est que c'est sinistre ici. Les serviteurs de Kuo doivent être en train de chercher l'âme du mort et tout le monde sait que cela porte malheur que de les regarder faire. Que diriez-vous d'aller boire une coupe à la caupona, tout à l'heure ? Je vous rejoins dans un moment.

J'allais à l'entrée du théâtre pour y attendre celui que j'avais fait quérir. Mon coeur rata un battement en croisant ses yeux verts et perçants. Ulvar était encore plus perspicace qu'Aerona et je savais qu'il ressentait ma tension.

- Tu m'as fait quérir, Domina ? demanda-t-il d'un ton alerte. Que s'est-il passé pour que tu sois dans cet état ?
- Ulvar, si tu devais te procurer de la mortenoire, où irais-tu ? demandai-je gravement.
- Déjà, en l'état, on ne peut pas "se procurer" de la mortenoire, Domina. C'est un poison qui nécessite plusieurs ingrédients, que n'importe quel apothicaire de la ville pourrait vendre.

J'expirais bruyamment. Voilà pourquoi le meurtrier avait opté pour cette solution. Non seulement, il ne devait pas s'attendre à ce que l'on comprenne qu'il ne s'agissait point d'un simple arrêt cardiaque qui avait tué l'acteur, mais en plus, ainsi, il était assuré de ne point être démasqué, si les ingrédients de la mortenoire pouvaient être trouvés dans n'importe quelle pharmacie. Mais combien de personnes à Edelmia pouvaient bien savoir en préparer, si on excluait Ulvar ?

- Tu sais le faire, Ulvar ? lui demandai-je d'un ton songeur.
- En théorie, oui. Mais jamais je ne l'ai fait, répondit-il d'un ton grave. Tu sais que mon clan avait pour principe de sauver des vies et de ne jamais en prendre, hormis pour abréger la souffrance d'un mourant.

On voit où ça les a menés, eus-je envie de répliquer, mais ce n'était pas le moment de discuter des convictions personnelles de chacun. Sachant que Marius et Caecillia n'étaient pas loin et ne voulant pas prendre le risque qu'ils puissent surprendre ce genre de conversation et comprendre qu'Ulvar n'était pas simplement un commis de cuisine ou un esclave gardien d'enfant, je le congédiai.

- Retourne vite à la domus, dis-je d'un ton grave et tout bas. Ils ont empoisonné un acteur à la mortenoire et ça ne me dit rien qui vaille, je pense que des patriciens sont dans le coup. Aerona et moi te retrouverons vite.

Il hocha la tête et disparut sans poser de questions, mais j'eus le temps de voir un pli soucieux se former entre ses sourcils. Mon coeur se gonfla à cette vision et je me demandai de nouveau comment les dieux avaient pu insuffler telle empathie et bonté à un être supposé d'une race inférieure à la mienne lorsque les gens de mon peuple étaient pour la plupart vils et hypocrites ? Vraiment, ce mystère m'échapperait toujours. Je n'aurais pas non plus su expliquer d'où me venait cette voix intérieure qui me disait que je pouvais avoir confiance en lui.

Alors que j'avais envie de vomir en rejoignant Marius et Caecillia, et plus aucune envie de rester en leur compagnie. Deux loups, deux prédateurs, voilà qui ils étaient et je le savais.

- Lucianus Minor semble avoir de nouveau des coliques, mentis-je d'une voix tremblante bien de circonstances pour une mère inquiète pour son enfant, même si la raison de ma peur était bien différente de celle que j'énonçais à haute voix. Je dois rentrer en ma domus. Néanmoins, je vous souhaite une excellente soirée et je ne doute pas que nous aurons sans doute l'occasion de nous retrouver plus tard.

J'esquissais un sourire et m'approchai de Caecillia pour l'embrasser.

- Ma très chère, nous nous retrouverons après-demain chez le tailleur, si cela te sied."

Sur ces dernières paroles, nous nous séparâmes.