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 A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]

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Primo Sicinius Scorpa

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Primo Sicinius Scorpa

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MessageSujet: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeDim 19 Juil - 23:21


L'an trois cent quatre-vingt-dix-neuf,
En la cinquième journée de Secundo Seminare
Trois jours après l'annonce de la destitution de l'Empereur


Le ciel d'Edelmia s'était couvert d'un épais voile couleur cendre. Il faisait chaud ; l'air était lourd, comme en témoignaient les mains moites de Flavia Veturia Sicinia, occupée à arranger une dernière fois la toge de son époux. « Dépêche-toi », dit-il d'un ton aussi morne que l'était cette singulière journée de printemps, « il est hors de question d'arriver en retard. » Tandis qu'elle s'affairait à achever la besogne au plus vite, le préteur considérait, lui aussi, le ciel gris d'un regard circonspect. Ainsi couvert, il lui semblait lourd de menaces, à l'image de l'époque qu'ils vivaient. Ces jours-ci, Scorpa n'était guère porté vers l'optimisme - on arguerait bien que c'était naturel chez lui, mais les faits semblaient lui donner raison.

Sa tenue convenablement apprêtée, Scorpa se mit en route, suivi de ses licteurs. Flavia marchait près de lui, sans pour autant lui tenir la main ; c'était là une pratique que réprouvait le Préteur, car il la jugeait frivole, propre aux couples qui désiraient s'exhiber. Une indécence dont il se gardait bien. Non sans nostalgie, Flavia se rappelait d'un temps où ces principes n'étaient pas si solidement ancrés dans la tête de son mari. Avant la naissance d'Honoria, et même quelque temps après, il avait eu des gestes attentionnés pour elle, et des paroles affectueuses, en dépit de son éternelle pudeur. Il était jeune, alors. Il y avait longtemps, hélas, que Scorpa avait cessé d'être jeune. Il avait cessé de l'être bien avant de devenir vieux.

« Place ! » clamait l'un de ses licteurs alors qu'ils traversaient des ruelles encombrées, « faites place à Primo Sicinius Scorpa ! Place ! Pl...
- N'as-tu rien oublié ? »
coupa l'intéressé en s'adressant au licteur. « Il me semble t'avoir déjà fait la remarque.
- Mille excuses, Ô Préteur »
, répondit platement le licteur, avant de reprendre : « Place au Préteur, Primo Sicinius Scorpa !
- Le Préteur d'Edelmia.
- Place à Primo Sicinius Scorpa, Préteur d'Edelmia !
- Je pense qu'ils ont compris, cela fait trois fois que tu clames mon nom. »
Se tournant vers Flavia, il glissa : « ces jeunes sont de plus en plus idiots. »

Comme les gens s'écartaient au passage du Préteur et de son escorte, le petit groupe ne tarda pas à atteindre sa destination. La maison du Procurateur impérial se dressait devant eux, et Scorpa se rappela brièvement les visites qu'il y avait effectuées occasionnellement, lorsque Marcus Galcius Pulcher occupait encore la charge. L'homme avait été un parfait imbécile, mais un imbécile utile qui avait eu le bon sens de s'opposer au Tribun Ravilla et à sa clique de soi-disant progressistes. Scorpa ne le regrettait guère, mais au moins, avec Pulcher, il avait trouvé une forme d'habitude, sachant à quoi s'en tenir. Le nouveau tenant de la charge lui était autrement plus mystérieux. Depuis un mois, cette maison était celle de Caïus Protero Feles, et Scorpa s'apprêtait à le rencontrer en privé pour la première fois.

Au vrai, il se serait volontiers épargné cette visite, dont il craignait qu'elle ne débouche que sur des mondanités sans intérêt. Il aurait pu rencontrer le Procurateur bien plus tôt, mais l'invitation n'avait cessé d'être reportée du fait de prétendues incompatibilités de calendrier. Le Procurateur avait passé une bonne partie de son premier mois à inspecter le Limes, délaissant Edelmia, tandis que Scorpa vaquait à des occupations qu'il jugeait bien plus essentielles que de faire de la lèche à un principicule que leur imposait une autorité lointaine.

Jusqu'à ce que parvienne à Edelmia, quelques jours plus tôt, la nouvelle de la destitution de l'Empereur. Numerius Julius Paetus, Imperator de Ruvia, avait été déposé par le Sénat et exécuté pour trahison. De la trahison en elle-même, tout comme des motifs des Sénateurs, nulle explication n'était parvenue en Oncmélie mineure, et Scorpa ne savait même pas dans quelle mesure l'information reçue pouvait s'apparenter à une vérité ou une rumeur mesquine. Toujours est-il que, jusqu'à preuve du contraire, l'Oncmélie mineure était désormais la province d'un Empire sans Empereur.

Si Scorpa n'éprouvait pas d'attachement particulier pour le déchu Paetus, un homme dont il savait finalement fort peu, la chose ne le laissait pas indifférent pour autant. La mort d'un Empereur dépassait le simple sort d'un homme fait de chair et d'os ; les dieux étaient à la manœuvre, intriguant dans leurs Palais Célestes, et Scorpa s'inquiétait des retombées de leurs jeux dans le plan terrestre. De la fragile cohésion entre les dieux dépendait l'équilibre du monde. Si le courroux d'Ukko visait un autre dieu, les conséquences pourraient s'avérer terribles ; et si sa colère était dirigée contre les hommes, dont Scorpa savait combien les torts étaient nombreux, il ne répondrait plus de rien.

« Es-tu sûr que nous n'aurions pas dû venir avec les enfants ? » lui demanda Flavia comme ils approchaient. « Il aurait été de bon ton de présenter au Procurateur notre grande famille unie.
- Aurais-tu oublié, femme, la soirée que nous avons passée avec le Questeur Barbatus ? Pour notre bien à tous, je me garderai bien de renouveler l'expérience. Mieux vaut mettre toutes les chances de notre côté, si nous tenons à faire bonne impression. »

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Caïus Protero Feles

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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeLun 20 Juil - 17:25


Il y avait des jours comme ça, où même les Dieux semblaient pleurer. Caïus observait les nuages gris foncés qui dérivaient paresseusement dans le ciel, charge d'une pluie qu'ils déverseraient sous peu. Des larmes, il y en avait eu de nombreuses dans la domus depuis l'annonce de la mort de l'Imperator Paetius. Octavia avait paru triste et avait sangloté le soir de l'annonce. Etait-ce la sinistre nouvelle du trépas de son grand-oncle ou la réaction éplorée de sa mère qui l'avait mise dans cet état ? Le Feles ne sut en juger. Sa jeune épouse s'était effondrée en larmes, jurant le nom de chacun des pensionnaires des Palais Célestes et maudissant le nom des assassins de l'Imperator sur cent générations. Alors que sa grossesse arrivait bientôt à son terme, les entrailles du Procurator se serrèrent de voir Laelia refuser de s'alimenter pendant une journée et avoir les traits tirés et les yeux gardant la teinte rougie du chagrin.

Il ne l'avait montré à personne, mais lui aussi avait versé une larme pendant un moment de solitude dans le tablinum. Il avait prié Kuo pour qu'il garde une place de choix à celui qui avait fait de lui le Feles. Celui sans qui il aurait été un patricien de Ruvia parmi d'autre, fils de sénateur et prédisposé à poser son céans dans les gradins de l'hémicycle après une carrière préfectorale banale. Ce vieil homme avait changé sa vie et aurait pu la métamorphosé encore plus s'il avait pu aller jusqu'à l'adoption qu'il avait évoqué quelques mois plus tôt. Il revit le sourire du sénateur Pavinius qui l'envoyer dans cette maudite province, l'éloignant de l'Imperator et du complot que ce salopard ourdissait depuis des années. L'identité des assassins n'avait pas été révélé par les nouvelles venues de la capitale, mais Protero était prêt à jurer qu'on trouverait dans les coupables de ce meurtre ignoble, le nom de ce sale Pavinius. Pire encore, le chef des pouilleux de Quenicum avait vu juste et bien qu'il avait préféré garder les augures de l'étrange barbu rachitique et à la trogne de travers, celui-ci savait que l'Empereur était mort bien avant les autres. Et si les autres prédictions qu'il lui avait confié étaient exactes également ?

C'était évidemment à ce moment là que le Préteur Sicinius décida de répondre à l'invitation lancé un mois auparavant par l'intermédiaire de sa fille. Après quelques excuses mondaines, Caïus s'était éloigné d'Edelmia pour rencontrer les fiers hommes de l'Aquila et la rencontre entre Scorpa et lui n'avait fait qu'être repoussé. En entendant la mort de l'Imperator et en sachant parfaitement la proximité qu'il y avait entre ce dernier et le Diumvir, le chef de file des Optimates à la Curie répondait à l'invitation. Il remonta légèrement le pan de toge qui pendait à son bras après s'être assuré que la cuisine était dans une effervescence de bon aloi. Pesca donnait ses consignes aux jeunes esclaves qui apportaient les amphores de vin dans le triclinum et bientôt la porte d'entrée résonna des coups de heurtoirs de ses invités.

Laelia ? Ils sont arrivés.

Son annonce en direction des cubiculae ne reçut aucune réponse et le Procurator fronça légèrement les sourcils avant de se diriger vers le vestibule. Un esclave avait fait entrer le Préteur et son épouse et les faisait passer dans l'atrium lorsque Caïus vint à leur rencontre.

Ave Préteur Sicinius. Bienvenue chez moi. C'est un honneur et un plaisir de pouvoir te rencontrer dans un cadre un peu moins formel que celui de la Curie.

Il l'avait vu devant ses mignons, proposer des amendements et argumenter contre d'autres. Bon orateur et plein de convictions, Scorpa avait damé le pion de plus d'un jeune curiate trop arrogant et progressiste qui s'était lancé dans une joute verbale contre lui. Le Feles jeta un oeil par-dessus son épaule, espérant voir son épouse les rejoindre. Un espoir autant qu'une crainte car Laelia possédait de nature un tempérament de feu, mais entre la fin de sa grossesse et la mort de son oncle adoré, elle était un volcan prêt à exploser sous les coups de marteau de Loïmu.
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Laelia Antia Protera

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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeLun 20 Juil - 18:14


N’y avait-il au monde pire douleur que celle-ci ? Celle qui, par une fissure insidieuse, se faufilait à vive allure, pourrissant la moindre chair afin que rien ne puisse plus fonctionner à la normale. Et la peau brûlait, tirait, se consumait comme le bois se consume au feu. Et les entrailles se déchiraient une fois puis deux. Mais chaque fois, le corps semblait se remettre assez pour assurer la nouvelle salve. Le cœur en miette, l’âme lourde, il n’y avait plus de repos que les rares instants où les sanglots laissaient place à la colère. Ce sentiment était pourtant presque aussi douloureux que la perte ; car ce n’était pas un bras ou une jambe dont on l’avait privé, ni même une simple béquille sur laquelle il était facile de s’appuyer. On venait de lui soustraire son cœur, sa raison, ses souvenirs. Lorsqu’enfin venait le sommeil, après de longues heures d’errance dans ces couloirs qu’elle ne reconnaissait pas, elle finissait par se relever en sursaut, tremblante. Le terrible sourire de ces assassins hantait chacun de ses pas, et l’angoisse atroce de n’avoir pas plus de nouvelles de son frère, de sa mère ou de son père creusait les cernes sous ses yeux ternis.

L’annonce avait été un choc. Un coup de poignard qui manqua de lui couper la respire pour de bon. Même l’enfant à naître cessa ses batailles ; il était en deuil. Laelia Antia Protera, la nièce de l’empereur, refusa de s’alimenter. Quelques contractions ne changèrent rien. Les secousses l’ébranlèrent à peine. Incapable de rien, elle posait un œil hagard sur cet univers qu’elle conchiait. Elle avait juré, elle avait même supplié Caïus de l’autoriser à s’en retourner à la capitale. Quelle peine cela avait dû être pour le Procurateur qui se retrouvait, une fois encore, bien impuissant face à la détresse de son épouse. Finalement ce fut Naïra qui eut raison de sa folie : bien plus déterminé qu’elle-même à lui sauver la vie et celle de son petit, elle lui concocta un bouillon qu’elle l’obligea à avaler. Pour une fois, même le Pater Familias ne trouva rien à redire du zèle de l’esclave et plutôt, il la supporta jusqu’au lit quand, assommée par une poignée d’herbes, elle sombra.

La Domina ne se réveilla qu’au matin du troisième jour. Nauséeuse, elle n’avait daigné ingérer qu’un quart d’une mauvaise pomme, le ventre tendu à l’extrême. Au moins son visage ne s’abimait plus sous le sillon de ses larmes. La peine, omniprésente, était moins intense. Octavia ne méritait pas cela, et bien qu’elle fût trop jeune pour comprendre tout à fait ce que cela représentait, la petite fille partagea la tristesse de ses parents avec la dévotion qu’une tuodale. La Protera, de même que le reste de sa famille, ne pouvait porter le deuil. Les enjeux étaient bien trop grand pour prendre le moindre risque, même au tréfonds de l’Empire. Alors, aussi maussade que le ciel, elle s’habilla comme tous les jours espérant exorciser cette douleur intestine qui rongeait jusqu’à ses os. Eut-elle le choix, elle aurait renvoyé céans les intriguants Sicinii à leurs pénates. Ces parvenus, avides de quelques accords faciles, s’en venaient battre la petite bête lorsqu’elle était affaiblie. Peste soit-il ! Un mois. Un mois qu’il aurait pu daigner accepter l’invitation, mais c’était ce jour maudit qu’ils avaient sciemment choisit.

Elle ne se déplaça pas tout de suite quand l’on frappa à la porte de la domus. Elle ne réagit pas non plus lorsque Caïus l’interpella. Assise sur les rebords du lit, les yeux dans le vague, elle hésitait encore à paraître. Elle ne se sentait pas les épaules. Pas encore. Et l’étrange colère se ruait sur ce qu’il restait de ce corps bouffit, endeuillé et malheureux. A dire vrai, elle ne savait même pas elle-même s’il s’agissait d’une bonne idée de partager ce moment. La patricienne ne se connaissait que trop bien ; il suffirait d’un mot, d’un geste, pour que même le ciel d’Oncmélie envie la tempête qui se déclarerait dans la demeure du nouveau Procurateur.

Un jour, tu porteras le nom de Julius . Sa poitrine se serra au même titre que sa mâchoire. Ils payeraient pour leur infamie. Aussi vrai qu’elle s’appelait Laelia Antia Protera, elles leur enlèveraient tout ce qu’ils avaient de plus cher. D’un pas lent, traînant son ventre prêt à exploser, elle se plaça dans l’ombre du Feles sans un bruit. Elle ne fit même pas l’effort d’un sourire ; ces gens-là n’étaient pas venus pour cela. On disait d’ailleurs volontiers de Primo qu’il s’agissait d’un homme détestable. Et elle n’avait pas plus d’estime pour sa femme qui, effacée, semblait attendre que les choses se passent.

Il est dommage d’avoir attendu de pareilles circonstances . Mais elle se garda bien d’ouvrir la bouche sur ce trait d’esprit, qui sans nul doute, aurait annoncé avec brio la teneur de leur repas. Au cyanure. Comme si ces pauvres paysans de l’autre bout du monde avait quelque chose à voir avec le trou béant au fond de son buste.
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Primo Sicinius Scorpa

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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeLun 20 Juil - 22:26


Ils avaient bonne mine.

Lui, le Procurateur impérial, droit comme un i, campé sur ses deux guibolles aussi solidement qu'une potence plantée dans le sol. Son visage ne trahissait pas l'ombre d'une once de chagrin, mais Scorpa devinait, sous la placide carapace, une crispation retenue qui n'était pas sans lui rappeler ses constipations passagères.

Elle, la Ruvienne au divin lignage, qui paradait comme une poule le jour du convivium en tenant le bras de son époux comme s'il s'était agi de l'Imperator en personne. La poule s'était quelque peu déplumée, semblait-il ; le souvenir des charmes de la capitale devait aujourd'hui lui laisser un goût des plus amers. C'est que son oncle n'était pas seulement mort ; on l'avait déchu, et ce faisant, ce n'était pas seulement son corps qu'on avait assassiné, c'était son nom et son honneur. Eut-il connu une mort honorable, le deuil eut été autrement plus supportable... mais la moitié d'un monde avait beau séparer l'oncle et la nièce, l'humiliation du premier éclaboussait la seconde. Peut-être était-ce cette honte qui poussait la Protera à se cacher derrière son Procurateur de mari. L'étoile qui quelques jours plus tôt brillait encore si fort s'était éteinte, elle n'était plus qu'une silhouette indistincte, grossièrement arrondie par l'enfant qui grandissait en elle. C'était à se demander s'il subsisterait quelque vie en son sein une fois qu'elle aurait mis bas.

« Caïus Protero Feles, c'est pour moi un honneur que d'être accueilli en ta Domus », clama Scorpa en saluant le haut personnage comme le voulaient les usages. Ta Domus que j'ai visitée maintes et maintes fois du temps de tes prédécesseurs, et où m'inviteront encore tes successeurs, ajouta-t-il pour lui-même en son for intérieur. « Je te présente Flavia Veturia Sicinia, mon épouse. » La femme du préteur salua humblement ses hôtes. « Ave, Procurateur. » Se tournant vers Laelia, Flavia se fendit d'un sourire aimable ; contrairement à son époux, ses attentions étaient sincères. « Ave, Laelia Antia Protera », dit-elle d'une voix douce où transpirait toute la gentillesse du monde. « La maternité te sied joliment. Je sacrifierai une colombe à Hedelma pour la santé de ton enfant. »
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeMar 21 Juil - 17:17

Caïus s'approcha du Préteur et de son épouse en tentant de faire bonne figure. Un fin sourire étirait ses lèvres et tentait de dissimuler le chagrin qui rongeait sa domus depuis des jours. Laelia, elle, ne fit pas usage du même subterfuge et c'est sous une silence de plomb qu'elle le rejoignit. Au moins avait-elle daigné recevoir les invités. Scorpa répondit avec politesse à son accueil formel.

Caïus Protero Feles, c'est pour moi un honneur que d'être accueilli en ta Domus. Je te présente Flavia Veturia Sicinia, mon épouse.
Ave, Procurateur. Ave, Laelia Antia Protera. La maternité te sied joliment. Je sacrifierai une colombe à Hedelma pour la santé de ton enfant.
Nous te remercions de ta sollicitude, Flavia.

Malgré les années et les grossesses successives qui avaient marqués Flavia, il était aisé de deviner qu'elle fut en son temps une belle jeune femme qui avait du attirer bien des convoitises. Il aperçut chez elle des traits qui se retrouvaient dans ceux de leur fille aînée, Honoria, croisée au détour d'un étale d'escalve et bien prompte à faire étalage d'opinions allant à l'encontre de celles qu'avaient martelés Primo à la Curie. Le Feles accrocha le regard du Préteur. Du moins essaya-t-il. Avec cet oeil fou, il était parfois compliqué de savoir lequel des yeux était celui qui fixait son objectif. Il passa un bras autour de la taille de son épouse, tentant de lui apporter sa force pour qu'elle fasse contre mauvaise fortune bon coeur.

Si vous voulez bien nous suivre.

Il entraîna Laelia par la taille et mena leurs invités jusqu'au triclinum. Il prit la main la main de son épouse délicatement pour l'aider à s'asseoir sur le lit tout en désignant aux Sicinii ceux qui les accueilleraient pour la soirée. Il fit un petit signe de tête à l'attention de Pesca pour qu'il fasse s'activer les esclaves.

J'espère que tu es amateur de vin, Préteur. J'ai ici quelques amphores de vin d'Ascanie, fruité et à la robe pourpre. Un délice que même Alko apprécierait.

Il gagna le lit qui avait été préparé pour l'occasion entre Laelia et le Préteur. Les deux femmes se trouvaient côte à côté, de même que les époux. Il lança un regard légèrement inquiet vers laelia, espérant qu'elle saurait se dérider un peu et faire la conversation comme elle savait et aimait le faire. Les esclaves amenaient les coupes remplies et les posèrent sur la table qui séparait les quatres lits. Caïus se laissa tomber sur son coude et se saisit de sa coupe. Il la leva en direction de Scorpa et de son épouse.

Encore merci de nous faire l'honneur de votre présence. Que cette soirée soit mémorable.
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Primo Sicinius Scorpa

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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeJeu 6 Aoû - 23:26


Une fois n'est pas coutume, ce soir, le rôle du rabat-joie n'était pas tenu par Scorpa. Ce dernier affectait au contraire un air presque jovial et, alors qu'on l'invitait à déguster un cru ascanien, le préteur se sentait d'humeur à parler œnologie.

« Je relisais il y a peu un passionnant essai du sage Herménégildoricius. Derrière les traités de politique, on a tendance à oublier qu'il a beaucoup écrit sur le vin. Que disait-il, déjà ? Ah, oui : sa splendeur doit être éclatante, et claire et nette et transparente. La qualité d'un vin s'apprécie à sa robe avant même d'y goûter. » Le vin proposé par Feles ne correspondait guère aux standards mis en avant par l'antique philosophe. Sa couleur était légèrement sombre et opaque. Scorpa se garda de l'évoquer, toutefois. « Enfin, les modes vont et viennent, et probablement bien trop vite pour quelqu'un comme moi. Il fut un temps où le gratin edelmien ne jurait que par les authentiques vins cyniciens du cœur de la Ruvie. La qualité du cépage entrait moins en ligne de compte que l'image de marque du vin impérial. » Il approcha la coupe de ses lèvres et en huma les arômes fruités, sans pour autant y boire. « Une forme de forfanterie, finalement, dont ont longtemps tiré parti les vignerons de la capitale, puisqu'ils exportaient sans peine des vins de qualité variable à des prix défiant toute concurrence, grâce à la notoriété de leur étiquette... les choses sont en train de changer néanmoins. Les vins de province sont en train de gagner leurs lettres de noblesse, et les gens sont même prêts à payer un peu plus cher un bon vin de province plutôt qu'un vin de qualité médiocre étiqueté "ruvien de Ruvia". On dirait bien que, dans l'esprit des générations actuelles, le beau et le bon doit l'emporter sur la tradition. »

Quiconque connaissait Scorpa savait que ce genre de chose n'était pas pour lui plaire. Las, le préteur n'était nullement venu pour lancer des polémiques.

Mais il n'était pas non plus venu enfiler des perles.

« Puisque l'on parle tradition, il est d'usage, ce me semble, que je vous présente mes condoléances pour votre perte. » Son œil valide oscillait entre la nièce et l'ami du défunt Empereur, tandis que son autre œil se baladait entre la porte et les plantes d'intérieur. « La mort d'un homme, quoiqu'on puisse lui reprocher, est toujours un désastre. Sachez que je m'associe à votre douleur. » A présent qu'était proférée cette politesse creuse, Scorpa étudiait avec attention la réaction de ses hôtes. Après tout, la chute de Paetus amorçait forcément une époque troublée, pleine d'incertitudes. Et Scorpa se demandait, fort légitimement, à qui irait la loyauté des Proterii si les assassins de l'Empereur lui désignaient un successeur.
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Laelia Antia Protera

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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeSam 8 Aoû - 18:11


Vide. Elle n’aurait pu paraître plus dénuée de toute chose. Comme si la vie elle-même l’avait quitté. Là, installée confortablement, elle laissa ses yeux pleins de morne détailler Primo Sicinius Scorpa. Et curieusement, sa première volonté fût de vouloir trouver « le bon œil », comme aimât à l’appeler dans le temps son oncle. Il était curieux de voir que ces deux hommes portaient le même mal ; une difformité qui n’avait rien de bien gênant au quotidien, pour peu qu’on ne leur demandait pas de viser une mire. Cette similitude lui rappela qu’elle ne pourrait plus jamais en rire avec le vieil homme qui avait toujours veillé sur elle ; pas plus qu’elle n’en rirait avec l’odieux flagorneur qui s’était invité à sa table. Elle regarda un moment dans un silence circonspect l’homme avant d’en tirer une claire conclusion : de tous ses charmes, c’était sa femme qu’elle préféra. Au moins avait-elle la décence d’arborer un parfait mutisme. C’était à cela que l’on reconnaissait l’intelligence d’une personne : quand les idiots cancanaient sur des sujets futiles et peu maîtrisés, les autres eux, savaient se taire. Et cette moralité se vérifiait bel et bien ici. Le Préteur n’attendit guère pour tourner le couteau dans la plaie. C’est pour cela qu’il est venu après tout.

Et peut-être avait-elle trop pleurer à présent. Ou peut-être l’avait-on trop préparé à ces choses-là. Toujours était-il qu’elle garda la même mine impassible, où aucun sourire ne semblait prêt à naitre. Il y eut un bref instant, une fraction de seconde, une lueur dans son regard gris. La douleur. La perte et le chagrin. L’abime qui rongeait son être tout entier n’avait pas de fin. Alors, bien qu’elle eut si mal au cœur que tous sa peau, ses muscles et ses os en devenaient douloureux, rien ne changea. Elle chutait toujours sans un bruit, sans un cri. Elle ne pleurait plus à présent ; comme un condamné attendait la mort, elle regardait les choses se faire avec une étrange placidité. Pourtant, oui pourtant, quelque chose au fond d’elle avait envie de se lever, de mordre et de briller. Un éclat radieux, grand et puissant qui aurait tout emporté sur son passage. Une rage si énorme qu’aucun ne pourrait survivre à sa colère. Elle se poserait avec la même justesse qu’on accordait aux Dieux dans leurs palais célestes. Et si cette pensée blasphème la dégouta, elle savait que c’était vrai. Un jour, le bon jour, tout ceci jailliraient comme autant de flammes purgatives, balayant de sa vengeance chacun des immondes traitres. Elle serait un moment seulement leur déesse à tous.

Mais avant cela, avant de trouver l’instant parfait, elle se devait d’être qui elle était. Laelia Antia Protera. Nièce de l’Empereur Paetius. Descendante de la lignée des Julii. Et quiconque se trouvait sous son toit devait éprouver ce que tous éprouvaient devant n’importe qui de la famille impériale. Plus que des hommes, les Julii étaient devenus avec les siècles des demi-dieux. Du moins c’était ce qu’elle souhaitait penser. Alors, au prix d’un effort incommensurable, sa bouche s’étira un peu. Ses joues lui firent mal sous la rigidité du cadavre qu’elle était devenue. Puis, la grimace devint un sourire à l’image de la sollicitude de son invité : creux et affreusement condescendant. Et à la surprise générale, avant même que son époux ne puisse esquisser un seul mot, sa voix raisonna claire et distincte.

« La mort d’un traitre est toujours symbole de notre justice ». Laconique. « Pour autant, nous te remercions de tes mots, Prêteur ». Ses doigts caressèrent son ventre rond, distraitement, passant à un tout autre sujet, qui lui semblait bien plus propice. « Je te rejoins bien sur ton analyse par ailleurs ; il est de tradition qu’ils aient une splendeur éclatante, et claire et nette et transparente. Et si c’est vrai pour le meilleur des cépages, ça l’est aussi pour le reste. Toute renommée bien acquise ne se fait guère en un jour ».
« Pourquoi sinon continueraient-ont à considérer ruviens de Ruvia comme gage d’une certaine qualité ? Parce que cela, cher invité, remonte à si loin que c’est une certitude largement reconnue, aussi sûrement qu’un enfant sait reconnaître ses parents. Alors peu importe qu’un ou deux ou trois millésimes soient plus mauvais que les autres : l’on ne retiendra que ce qui leur précède jusqu’à ce qu’ils acquièrent de nouveau leur plein potentiel ».
« Je donnerai moi-même cette définition à la tradition : elle est tout ce qui nous précède en bien, en bon et en meilleur et nous pardonne nos défauts en oubliant les siens ».
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeMar 11 Aoû - 19:18


Alors que le vin coulait dans les coupes en éméttant un son clair et que les esclaves servaient les convives, le Préteur afficha sa culture en matière de vin.

Je relisais il y a peu un passionnant essai du sage Herménégildoricius. Derrière les traités de politique, on a tendance à oublier qu'il a beaucoup écrit sur le vin. Que disait-il, déjà ? Ah, oui : sa splendeur doit être éclatante, et claire et nette et transparente. La qualité d'un vin s'apprécie à sa robe avant même d'y goûter. Enfin, les modes vont et viennent, et probablement bien trop vite pour quelqu'un comme moi. Il fut un temps où le gratin edelmien ne jurait que par les authentiques vins cyniciens du cœur de la Ruvie. La qualité du cépage entrait moins en ligne de compte que l'image de marque du vin impérial. Une forme de forfanterie, finalement, dont ont longtemps tiré parti les vignerons de la capitale, puisqu'ils exportaient sans peine des vins de qualité variable à des prix défiant toute concurrence, grâce à la notoriété de leur étiquette... les choses sont en train de changer néanmoins. Les vins de province sont en train de gagner leurs lettres de noblesse, et les gens sont même prêts à payer un peu plus cher un bon vin de province plutôt qu'un vin de qualité médiocre étiqueté "ruvien de Ruvia". On dirait bien que, dans l'esprit des générations actuelles, le beau et le bon doit l'emporter sur la tradition.

Les mots auraient pu paraître innocent, pourtant Caïus ne put s'empêcher de sentir une pointe acerbe dans l'allégorie de Scorpa. Chef de file ouvertement déclaré des traditionnalistes, il venait de réaffirmer ses penchants en quelques phrases. Le Feles se contenta de hocher la tête avec appréciation, écoutant paisiblement les paroles de Primo quand celui-ci surenchérit.

Puisque l'on parle tradition, il est d'usage, ce me semble, que je vous présente mes condoléances pour votre perte. La mort d'un homme, quoiqu'on puisse lui reprocher, est toujours un désastre. Sachez que je m'associe à votre douleur.

Son regard se dirigea vers Laelia à peine les derniers mots de Scorpa quittèrent ses lèvres fines. Le curiate à l'oeil fou ne perdait pas de temps et sous quelques mots affables, il se doutait probablement qu'il piquait les Proterii là où cela faisait le plus mal. Il savait qu'elle était forte et qu'elle saurait donner le change, mais il l'avait vu plus bouleversé que jamais et il se prit à craindre la réaction épidermique ou éplorée de son épouse. Il croisa le regard de Flavia, l'épouse du Préteur, qui prenait une mine désolée sans dire le moindre mot. Son mari se chargeait de faire la discussion et ce fait ne semblait pas la déranger le moins du monde. L'épouse du Feles était d'une autre trempe et elle répondit avec un air laconique.

La mort d’un traitre est toujours symbole de notre justice. Pour autant, nous te remercions de tes mots, Prêteur.

Des mots simples et aimables mais Caïus savait très bien comme ils avaient du coûter à la jeune femme.

Je te rejoins bien sur ton analyse par ailleurs ; il est de tradition qu’ils aient une splendeur éclatante, et claire et nette et transparente. Et si c’est vrai pour le meilleur des cépages, ça l’est aussi pour le reste. Toute renommée bien acquise ne se fait guère en un jour. Pourquoi sinon continueraient-ont à considérer ruviens de Ruvia comme gage d’une certaine qualité ? Parce que cela, cher invité, remonte à si loin que c’est une certitude largement reconnue, aussi sûrement qu’un enfant sait reconnaître ses parents. Alors peu importe qu’un ou deux ou trois millésimes soient plus mauvais que les autres : l’on ne retiendra que ce qui leur précède jusqu’à ce qu’ils acquièrent de nouveau leur plein potentiel. Je donnerai moi-même cette définition à la tradition : elle est tout ce qui nous précède en bien, en bon et en meilleur et nous pardonne nos défauts en oubliant les siens.

Triste mais pas moins mordante qu'à l'accoutumée, Laelia jouait le jeu du Préteur et sous des mots anodins, la répartie était cinglante. Il était presque amusant de lire entre les lignes de l'allocution de Laelia, qui venait juste d'expliquer en quoi elle valait mieux que leurs invités du soir. Le Préteur était un fin orateur, auteur aussi à ce qu'on disait, nul doute qu'il aurait su voir les piques sous le voile de la discussion banale. Ne souhaitant pas froisser l'Optimate dès les premiers instants, Caïus prit la parole à son tour, recentrant la discussion sur le vin.

Il est vrai que les vins de Cynicie ont longtemps été à la mode. Pourtant, aujourd'hui, l'Ascanie est ruvienne, au même titre que la Vossulie, la Jipsie ou l'Oncmélie. Je ne pense pas qu'il faille bouder les bienfaits que nous offre l'Empire dans son ensemble. Nous avons apporté à ces peuples barbares, la connaissance, l'architecture, l'écriture et les mathématiques. Nous les avons civilisés en leur amenant la lumière que représente notre mode de vie. Il me parait légitime que nous puissions aussi garder les quelques trésors que les Dieux leur ont offert. N'est-ce pas cela la tradition ruvienne ou des ruviens de Ruvia pour te paraphraser ?

Le Procurator prit une petite gorgée, savourant les arômes sucrés du nectar pourpre avant de poursuivre.

Que serait l'Empire si nos ancêtres ne s'étaient pas tournés vers les richesses et les nouveautés que le monde avait à offrir ?

Lorgnant sur la coupe du Préteur, il donna un petit coup de menton pour amener l'attention de ce dernier sur le vin.

D'ailleurs, qu'en penses-tu de cette mode ?
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeSam 15 Aoû - 0:24


Il semblait finalement que la Protera soit dotée du don de la parole. D'abord surpris de la voir sortir de son mutisme, Scorpa sut apprécier à sa juste valeur l'expression d'une éloquence toute impériale. C'est qu'elle avait éludé avec prudence et finesse la question de son oncle, ne cherchant nullement à défendre son honneur ; ni elle ni son époux ne tenaient à en parler, trouvant sans doute plus intéressant de continuer de discuter vin et tradition. Sauf à soupçonner chez eux quelque penchant alcoolique, il était clair que le sujet de l'empereur les mettait mal à l'aise, mais comment eut-il pu en être autrement ? Scorpa n'insista pas. Savoir que le couple reniait l'empereur déchu lui suffisait pour l'heure ; c'était là une preuve de prudence qui éviterait bien des soucis à la province, pour peu que ces deux oiseaux s'y tiennent... ce que rien ne pouvait garantir. Non, il était probable que Feles et son épouse attendaient leur heure, guettant une occasion qui ne viendrait peut-être jamais ; mais que celle-ci vienne à se présenter, et l'Oncmélie mineure deviendrait l'instrument de leur vengeance, le foyer d'une rébellion à grande échelle, leur base arrière dans une guerre civile qui embraserait l'empire. Une guerre absurde au nom d'un empereur faible et débauché, une guerre dont Scorpa ne voulait pas, et s'ils ambitionnaient de recourir à une telle extrémité, il les en empêcherait par tous les moyens.

Mais pour l'heure, nul conflit à l'horizon. Elle avait salué la mort du traître, parlé de justice ; de belles paroles qui ne l'engageaient à rien dans l'intimité de sa domus, mais qui permettraient au moins à cette soirée de se dérouler en toute cordialité.

Aussi Scorpa se montra-t-il charmant, et il avait toutes les raisons de l'être à mesure que la Protera dévoilait l'étendue de son bel esprit. Il sut apprécier sa définition de la tradition, car elle s'accordait finalement assez bien à ses propres convictions. Il devinait aussi, derrière les mots employés, l'expression d'un tempérament très fier : la Protera avait reçu une éducation exemplaire, comme le voulait son rang, et elle la lui jetait au visage avec fierté. N'était-elle pas une Ruvienne de Ruvia, et de la meilleure naissance qui soit, quand lui n'était qu'un humble provincial tout juste bon à jouer les seconds rôles dans une cité perdue au bout du monde ?

« Je suis profondément attaché à la tradition », répondit Scorpa suite à la prise de parole du Procurateur. « Jusqu'à l'excès, vous diront certains, mais ne les croyez point ; je ne suis pas si absolu et je sais apprécier certains bienfaits que nous apporte l'expansion de nos frontières. Prétendre le contraire serait une insulte à la mémoire de mes ancêtres qui, de Ruvia, ont émigré en ces lieux lors de la Conquête oncmélienne afin que notre civilisation rayonne loin de la capitale. » Il ponctua d'un sourire ce touchant hommage à ses racines et, pour montrer sa bonne foi, daigna enfin tremper ses lèvres dans le vin d'Ascanie. Son goût était sec et fruité. « Il est normal que notre culture s'enrichisse de ce que les peuples vaincus peuvent offrir ; c'est là un juste tribut que prélèvent les vainqueurs. Je crois, cependant, que cela ne doit jamais se faire au détriment de notre propre culture. Les vaincus peuvent nous apporter, ils ne doivent pas nous prendre. Lorsque les idées d'autres peuples viennent à remplacer les nôtres, notre culture ne s'enrichit pas, elle s'appauvrit. C'est là que réside le danger inhérent à toutes nos conquêtes : au contact de tant de peuples aux mœurs si disparates, on aurait tôt fait d'oublier ce que c'est, que d'être Ruvien. »
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeJeu 27 Aoû - 19:21


« Eût-il fallu pour le savoir d’avoir un jour été Ruvien ».

Elle eut un sourire peut-être trop aimable, qu’elle ponctua d’un bref regard vers l’épouse du Prêteur, qui aux bavardages acides préférait le silence. Là, elle la comprenait bien : son époux lui paraissait tout à fait infecte, et peut-être qu’en tant que femme, savait-elle combien leur visite était déplacée. Quoiqu’il fût juger atrocémment et fort injustement, Paetius n’en restait pas moins un oncle ; et la douleur qui accablait la domus ne devait en aucun cas être profitable aux affreux serpents patriciens. Alors, usant du peu de patience qu’il lui resta, elle tâchait de faire bonne figure. L’idée d’un repas au cyanure lui chatouilla la tête une seconde fois. Pour autant, il n’était pas très convenable de recevoir ainsi des gens de bonne foi. Une brève œillade à Caïus l’assura que lui non plus ne trouverait certainement pas l’idée très bonne. Aussi se résigna-t-elle à poursuivre le badinage.


« Et cela est chose rare aujourd’hui. Qu’à tout propos, il faut une définition claire et exacte. Aussi, quelques philosophes que nous avons reçus, du temps de la capitale, ont tenté de répondre à la question : qu’est-ce qu’être ruvien. Je crois qu’aucune d’elles ne m’a pleinement satisfaite. A dire vrai, plus les choses changent et plus je me convaincs qu’il s’agit somme toute d’une vision dépendante de chacun. Voyez plutôt Prêteur : ce que vous considérerez sûrement comme étant Ruvien, sera pour moi au mieux qu’en partie exact ». Elle chercha dès lors le bon œil, afin d’assurer la pleine attention de son interlocuteur. « Car il n’y a pour moi d’autre façon d’être Ruvien que de descendre de ceux qui bâtirent le premier empire. Aussi, vous entendrez par-là que cela laisse peu de place à ceux qui s’élevèrent par la suite ». Ses joues lui faisaient presque mal tant le sourire qu’elle arborait était faux. « Alors, peut-être que la tradition mérite-t-elle quelques assouplissements pour être pleinement viable aujourd’hui. L’on ne peut plus prétendre qu’il existe quelques véritables ruviens ». A l’exception des Julii, mais cela, elle se garda bien de l’ajouter.


Toujours maussade, les déblatérations entendues, de ces personnes qui se jaugeaient l’un après l’autre, lui laissaient un goût amer à chaque syllabe ayant franchie ses lèvres étirées. Laelia Antia Protera n’était guère connue pour son flegme et sa patience. Aussi, sans attendre, avec la précipitation des gens trop usés, elle enchaîna :
« Mais peut-être que nous perdrions moins de temps en s’accordant sur la raison de votre venue ici ». Elle ne détourna pas le regard, s’excusant silencieusement auprès du Procurateur. Il lui pardonnerait sûrement sa franchise, si lui aussi était agacé par leur invité. « Ne croyez pas que cela nous déplaît ! Toutefois il n’y a qu’un sot qui ne verrait pas que vous avez parfaitement choisi votre moment ». Et elle se tût pour de bon.
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeJeu 27 Aoû - 21:17


Je suis profondément attaché à la tradition. Jusqu'à l'excès, vous diront certains, mais ne les croyez point ; je ne suis pas si absolu et je sais apprécier certains bienfaits que nous apporte l'expansion de nos frontières. Prétendre le contraire serait une insulte à la mémoire de mes ancêtres qui, de Ruvia, ont émigré en ces lieux lors de la Conquête oncmélienne afin que notre civilisation rayonne loin de la capitale.  Il est normal que notre culture s'enrichisse de ce que les peuples vaincus peuvent offrir ; c'est là un juste tribut que prélèvent les vainqueurs. Je crois, cependant, que cela ne doit jamais se faire au détriment de notre propre culture. Les vaincus peuvent nous apporter, ils ne doivent pas nous prendre. Lorsque les idées d'autres peuples viennent à remplacer les nôtres, notre culture ne s'enrichit pas, elle s'appauvrit. C'est là que réside le danger inhérent à toutes nos conquêtes : au contact de tant de peuples aux mœurs si disparates, on aurait tôt fait d'oublier ce que c'est, que d'être Ruvien.

Caïus hochait la tête en buvant les paroles du Préteur au même titre que le liquide sirupeux qui mouillait sa coupe. Un petit sourire attentif étirait ses lèvres alors qu'il écoutait avec amabilité Scorpa. Il avait réussi à dissiper le brouillard acide qui commençait à s'accumuler au-dessus des lits où étaient allongés les patriciens mais bientôt, une petite voix acerbe claqua dans l'air comme un fouet.

Eût-il fallu pour le savoir d’avoir un jour été Ruvien. Et cela est chose rare aujourd’hui. Qu’à tout propos, il faut une définition claire et exacte. Aussi, quelques philosophes que nous avons reçus, du temps de la capitale, ont tenté de répondre à la question : qu’est-ce qu’être ruvien. Je crois qu’aucune d’elles ne m’a pleinement satisfaite. A dire vrai, plus les choses changent et plus je me convaincs qu’il s’agit somme toute d’une vision dépendante de chacun. Voyez plutôt Prêteur : ce que vous considérerez sûrement comme étant Ruvien, sera pour moi au mieux qu’en partie exact. Car il n’y a pour moi d’autre façon d’être Ruvien que de descendre de ceux qui bâtirent le premier empire. Aussi, vous entendrez par-là que cela laisse peu de place à ceux qui s’élevèrent par la suite.

Le regard du Feles coula vers son épouse qui souriait à pleines dents. Il connaissait ce sourire de façade qui accompagnait une série de piques que les patriciens aimaient tant se jeter à la face en se faisant des pirouettes pour que l'affront soit palpable mais pas explicite. Elle poursuivait et il attendait le moment où elle délivrerait son attaque.

Alors, peut-être que la tradition mérite-t-elle quelques assouplissements pour être pleinement viable aujourd’hui. L’on ne peut plus prétendre qu’il existe quelques véritables ruviens.

Un sourcil se releva presque imperceptiblement sur le front du Procurator. L'attaque n'avait pas eu lieu, du moins pas aussi frontalement qu'il s'y attendait. Et puis, après un léger silence, alors qu'elle avait semblé reprendre le cours de la conversation normalement, endormant la méfiance de son époux, elle bondit toutes griffes dehors.

Mais peut-être que nous perdrions moins de temps en s’accordant sur la raison de votre venue ici. Ne croyez pas que cela nous déplaît ! Toutefois il n’y a qu’un sot qui ne verrait pas que vous avez parfaitement choisi votre moment.

Ses mâchoires sétaient légèrement cripées en entendant la saillie de Laelia qui, même si elle demeurait sensé, avait été prononcé avec une morgue qui bafouait tout concept de diplomatie. Elle, qui l'avait si souvent repris lorsqu'il se montrait trop abrupt dans son approche pendant les premières années de leur mariage, elle s'était montré plus "à pic" qu'une falaise. Il se retint d'aboyer un reproche à sa dulcinée et tourna les yeux vers Scorpa, jaugeant sa réaction et lui adressant un petit sourire contrit. Il tenta d'adoucir la charge de la nièce de Paetius.

Je ne l'aurai pas formulé ainsi, mais il est vrai que la raison de ta venue dans des circonstances si funestes pique ma curiosité. Pardonne mon épouse, Préteur, même si nous acceptons le destin de Paetius, le chagrin peut parfois rendre amer.

Son index se mit à taper nerveusement contre sa coupe en attendant la réponse de Primo, espérant qu'il saurait se ranger de son côté en dissipant la tension palpable qui planait autour de ce début de repas.
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeSam 5 Sep - 0:36


Au delà de la pique adressée au provincial qu'il était, Scorpa reconnaissait bien là la vanité propre aux Ruviens de Ruvia. Que les patriciens de la capitale se gargarisent d'être les premiers tenants de la citoyenneté ruvienne, eux qui étaient nés là où tout avait commencé, la chose était naturelle. Jeune, Scorpa avait longtemps éprouvé le syndrome de l'imposteur, allant jusqu'à se blâmer de sa naissance dans cette province reculée et mal-aimée, comme un fruit tombé d'un arbre laid. Cette crise identitaire, il l'avait surmontée par une surenchère de travail et d'exemplarité. Qu'importe la laideur de l'arbre, tant qu'il fait bien partie du verger et que le fruit est mûr. Qu'il soit d'ici ou là-bas, il pensait ruvien, parlait ruvien, rêvait ruvien, et se targuait d'un arbre généalogique aussi prestigieux qu'invérifiable ; nul ne pouvait lui contester qu'il était Ruvien. Il y avait longtemps, du reste, que les Ruviens de Ruvia n'étaient plus guère à la hauteur de leur statut de précurseurs, et que plus rien de bon ne semblait tomber de ces arbres-là. Les rares rumeurs qui lui parvenaient de la capitale lui donnaient parfois le tournis. Si ce qu'on raconte était vrai, l'on y créait des magistratures pour les hommes de vile naissance, l'on proclamait des lois en faveur de riches pérégrins pour compenser de mauvaises recettes fiscales ; chaque jour voyait se perpétrer à Ruvia une nouvelle absurdité, un nouveau coup contre l'ordre établi, pendant que l'empereur se désintéressait des affaires publiques et entretenait des prostituées dans le palais impérial. Même les Pontifes se vautraient dans la luxure, et les femmes délaissaient leur rôle de mère et d'épouse pour se prélasser dans la crasse et le foutre. Oh, oui, la Protera n'avait pas tort : la tradition avait vécu. A Ruvia, elle était morte. Mais pas à Edelmia, tant que j'aurai la force de me dresser contre pareille infamie.

S'il espérait provoquer ses hôtes et les pousser à la faute, Scorpa semblait en passe d'atteindre son but. Plus tendu que le subligaculum d'un gladiateur obèse, le Procurateur guettait sa belle épouse avec la sérénité d'un maître-chien tenant la bride d'une bête enragée. C'était à peine si Scorpa ne l'entendait pas soupirer de soulagement à chaque fois qu'elle cessait de parler, comme s'il craignait de la voir déverser l'acrimonie dont elle débordait par tous les orifices. La Protera s'en gardait pour le moment, préférant jeter à leur invité de petites piques doucereuses, mais ce petit jeu ne l'occuperait qu'un temps. Tôt ou tard, la digue finirait bien par céder. Cela, Scorpa le savait, et lorsque mari et femme se trouvèrent à court de faux-fuyants, ils le sommèrent de s'expliquer tout de go sur les raisons de sa venue. Nous y voici.

« Tu ne l'aurais pas formulé ainsi, Procurateur, mais tu partages sa curiosité malgré tout », releva Scorpa dans un demi-rictus. « Je ne vois là nulle offense, car je ne ferai pas secret de mes intentions. La mort de Numerius Julius Paetus a précipité notre rencontre, c'est un fait incontestable. Quel magistrat serais-je si je ne me souciais pas des conséquences de la mort d'un empereur déchu, dont l'un des plus proches amis, neveu par alliance de surcroît, prend une part active au gouvernement de ma province ? De là à dire que j'ai choisi mon moment... je crois, en toute objectivité, que personne à Edelmia n'aurait pu prévoir ce qui allait arriver. Personne qui n'y soit pas arrivé récemment, en tout cas. »

Son œil valide parcourut rapidement l'un et l'autre de ses interlocuteurs, les renvoyant face à leurs propres insinuations. Il n'y a qu'un sot qui ne verrait pas que vous avez parfaitement choisi votre moment, tous les deux, en quittant Ruvia sur le pied de guerre, fuyant vos ennemis par monts et par vaux pour mettre la moitié d'un monde entre eux et vous ; à l'heure actuelle, deux cordes de chanvre vous attendent peut-être devant les portes du Sénat. S'il garda pour lui-même ces sombres pensées, le regard trouble et le silence du Préteur étaient d'une rare éloquence. Les machinations de la capitale, ça les regardait ; d'une manière ou d'une autre, ils y étaient enfoncés jusqu'au cou. Lui avait les mains propres.

« J'ose espérer que le prochain empereur, quel qu'il soit, te reconduira dans tes fonctions. L'Oncmélie mineure a bien besoin de stabilité. Depuis la mort de Marcus Galcius Pulcher, ton prédécesseur, la province souffre de l'absence d'homme de poigne à sa tête. » Feles apprécierait à sa convenance cette attaque gratuite contre l'actuel Tribun consulaire, Publius Acilius Ravilla, l'autre maître de la province ; il était de notoriété publique que Scorpa le tenait en horreur. « S'il est dans ton intention de rester, bien sûr. »

Il n'en dit pas plus, laissant flotter cette phrase et la question indiscrète qu'elle dissimulait aussi mal qu'un pet odorant sous une toux sèche. Jetant un bref regard à son épouse, Scorpa trouva Flavia en grande contemplation d'un vase précieux reposant sur un guéridon dans le coin de la pièce. Absente de la conversation, l'épouse du Préteur semblait émerveillée par ce chef d'oeuvre de céramique. Elle se passionnait pour toutes sortes de potiches ; le naturel, peut-être, qui revenait au galop. « Quel vase magnifique ! Où l'as-tu trouvé ? » souffla-t-elle à l'adresse de Laelia.
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeMer 16 Sep - 11:55

Le cœur de la patricienne se serrait à chaque nouvelle phrase. Parler ainsi de son oncle ne faisait que rendre la vérité plus tangible ; à Ruvia, ils n’étaient plus les bienvenus. Et plus encore, cela ne soulignait que l’horrible interrogation qui planait sur les lèvres de la famille Protero. Qu’en était-il de son père, de sa mère, de son frère et de tous ceux qui un jour pourraient prétendre à la dynastie Julius ? Le silence forcé par l’éloignement des proches rendait chaque nouvelle plus atroce, car les mots prononcés étaient presque moins douloureux que ceux qui ne seraient jamais dit. L’opportunisme de certains ne faisait qu’accroitre ses angoisses, et sa colère profonde et sourde. Elle coula un regard vers son époux. Ce qui pouvait bien dire n’avait guère d’importance ; ils n’étaient que tous les deux à présent. Laelia savait que derrière l’imperturbable visage, là, tout au fond de son regard, se cachait la même flamme qu’elle. Comme si, dans un accord muet, ils se juraient des choses insensées. Etait-ce dont cela l’amour ? Qu’importait réellement la nature de leurs sentiments : ils avançaient ensemble, et un jour Ruvia payerait pour l’affront qui leur avait fait.

Dans les premiers jours de sa peine catatonique, elle l’avait supplié de rentrer à la capitale. Effondrée, inconsolable, elle n’avait d’idée que de retrouver les siens oubliant que, finalement, ils étaient déjà auprès d’elle. Sa fille, Caïus et l’enfant à naître était autant de promesses qu’aucun sénateur ne pourrait mettre en péril tant qu’ils resteraient ici, aux confins d’un empire devenu trop grand. Aussi longtemps qu’ils vivraient en Oncmélie, le sang du véritable empereur continuerait de couler dans leur veine. Ils pourraient apprendre à leurs enfants, et aux enfants de leurs enfants ce que c’est d’être ruvien. Et un jour, lorsque sa famille serait tout à fait prête, ils reviendraient là où tout avait commencé. Ils brandiraient le casque de Soltar, et les Dieux bienveillants reconnaîtraient encore une fois leur légitimité. Car de toute chose, nul ne pouvait corrompre un sang pur et un bon esprit. Laelia Antia Protero, nièce de l’empereur Paetius, jurait devant les Palais Célestes d’offrir aux siens la place qu’ils méritaient.

Maussade et irritée, elle n’avait même plus prêté d’oreille attentive à la réponse du Prêteur. Après tout, elle en connaissait déjà la réponse. Il ne ferait, au mieux, qu’avouer l’opportunisme crasse de sa venue. C’est tout juste si la voix de son épouse l’extirpa de ses pensées fantasques. Pauvre femme, elle s’était tût jusqu’à présent, écoutant religieusement les joutes d’un époux que Laelia aurait bien du mal à supporter. C’était d’ailleurs une bien trop belle femme pour un personnage si hideux ; l’âge lui avait sûrement pris la fraîcheur, mais derrière les ridules d’une vie elle discernait sans peine son éclat d’antan. Etait-ce Scorpa qui l’avait tant usée ? Elle reporta alors son attention vers le vase en souriant poliment. Elle n’avait certes pas le cœur à sourire, mais l’épouse avait au moins la gentillesse de ne pas remuer d’avantage le couteau dans la plaie. Elle ne méritait donc nullement un mauvais jugement de sa part – ou une quelconque rancœur.

« Nous avons reçu quelques artistes régionaux dernièrement. Nous ne sommes certes pas d’Oncmélie mineure, mais il nous parait important d’en comprendre toute la culture pour que Caïus puisse l’administrer avec justesse ». Un coup de pied dans son giron lui fit porter une main sur son ventre tendu. Il ne restait guère de temps avant que l’enfant ne vienne au monde. « La qualité de certains travaux n’a rien à envier à ce qui se trouve à la capitale. Bien au contraire. Il semble qu’ici les choses soient moins complexes. Une forme d’épuration que j’aime à cultiver chez ceux que nous protégeons ». Parlait-elle seulement encore d’art lorsque ses yeux avaient quitté le vase pour l’œil fou de son invité. « Un endroit idéal pour s’épanouir pleinement, n’est-ce pas ? ».
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeMer 16 Sep - 17:52

Tu ne l'aurais pas formulé ainsi, Procurateur, mais tu partages sa curiosité malgré tout.

Le Préteur lui offrit un petit sourire, de ce qui pétillait de malice et d'opportunisme. Le Feles lui rendit en miroir alors que Scorpa poursuivait.

Je ne vois là nulle offense, car je ne ferai pas secret de mes intentions. La mort de Numerius Julius Paetus a précipité notre rencontre, c'est un fait incontestable. Quel magistrat serais-je si je ne me souciais pas des conséquences de la mort d'un empereur déchu, dont l'un des plus proches amis, neveu par alliance de surcroît, prend une part active au gouvernement de ma province ? De là à dire que j'ai choisi mon moment... je crois, en toute objectivité, que personne à Edelmia n'aurait pu prévoir ce qui allait arriver. Personne qui n'y soit pas arrivé récemment, en tout cas.

Un silence tomba sur le dîner comme une chape de plomb. Primo jaugeait ses hôtes de son oeil valide. Caïus tourna les yeux vers Laelia qui semblait peu attentive aux insinuations à peine voilées du Préteur. L'oeil fou de Scorpa loucha vers le Procurator alors qu'il poursuivait sa vindicte enrobée de miel.

J'ose espérer que le prochain empereur, quel qu'il soit, te reconduira dans tes fonctions. L'Oncmélie mineure a bien besoin de stabilité. Depuis la mort de Marcus Galcius Pulcher, ton prédécesseur, la province souffre de l'absence d'homme de poigne à sa tête.

L'épouse de Scorpa sortit de son mutisme et de son rôle de sulbime plante verte pour s'adresser à Laelia. Elle amenait la conversation vers un sujet qui passionnait l'épouse de Procurator et le laissait plutôt perplexe. Les discussions se poursuivirent en parallèle et c'est avec un certain soulagement qu'il laissa la nièce de l'Empereur parler de poterie et plus probablement d'art en général. Il se redressa sur son coude pour se pencher légèrement vers son commensal.

Laisse-moi te rassurer, Préteur. Je n'ai aucune intention de quitter mes fonctions.


Caïus se saisit d'un petit gateau salé qui fleurait l'huile d'olive avant de le porter à sa bouche. Il croqua dans le biscuit qui fit un bruit sec et avala la bouchée dans la foulée avant de poursuivre la discussion.

Il est vrai que bien peu, ici, en Oncmélie, ont eu vent des circonstances qui m'ont amenés ici. Ce n'est pas l'Empereur qui m'a nommé à ce poste, mais bel et bien le Sénat, par plébiscite explicite et unanime.

Il enfourna la seconde moitié du biscuit et le mâcha rapidement avant de l'avaler. Il amena sa coupe à ses lèvres et en but une longue rasade pour rincer son gosier et sa langue asséchés par la friandise. Sans un regard, il tendit sa coupe sur le côté pour qu'on la lui remplisse et il poursuivit sa confession, gardant toujours un fin sourire au coin des lèvres.

Comme tu l'as souligné toi-même, j'étais un proche du défunt Paetius, c'est même à lui que je dois mon cognomen et même la joie d'être époux et père. De là, à dire qu'on m'a éloigné de lui pour lui nuire, il n'y a qu'un pas que je ne peux me résoudre à franchir.

Ce pas, il l'avait franchi depuis longtemps et si Scorpa était aussi doué pour entendre les non-dit que pour les formuler, il devait lui aussi l'avoir remarqué. Caïus surenchérit.

J'ai confiance dans les institutions de notre empire. Je ne doute pas que la Justice fera son office et lèvera le brouillard qui plane autour de cette sinistre affaire. Et c'est aussi pour cela que j'honorerai la mission qu'on m'a confié et remplirait mon rôle en gouvernant cette province avec l'aide du Tribun Acilius et de tous les curiates qui voudront m'apporter leur soutien.

Un petit appel du pied qui était tout à fait innocent mais dont le chef de file Optimate pouvait se saisir allégrement s'il l'envie lui prenait. Il avait besoin d'alliés dans l'hémicycle et le Procurator n'avait cure des oppositions qui animaient les gradins entre les suiveurs de Scorpa et ceux de Galba. Pour le moment, il voulait sonder les coeurs et les pensées de ses semblables comme ils le faisaient envers lui. Sa rencontre avec l'Edile avait été des plus décevantes, il espérait que celle avec le Préteur serait plus instructive. Dissimulant ses lèvres derrière sa coupe, Caïus ajouta, presque trop innocemment pour être vraiment honnête.

Un soutien qui irait autant dans un sens que dans l'autre bien entendu.
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeMar 6 Oct - 22:14


La révélation du Procurateur ébranla quelque peu l'assurance de Scorpa. Haussement de sourcils, yeux ronds, le tout ponctué d'une vilaine grimace ; son visage trahissait quelque peu son désarroi. Ainsi, c'était le Sénat et non l'empereur qui était à l'initiative de la nomination de Caïus Protero Feles en Oncmélie mineure. Voyez-vous ça, songeait sombrement Scorpa, qui peinait à dissimuler son agacement. Cette façon de procéder n'était pas des plus orthodoxes. Cela rompait en tout cas avec les usages, et comme on commençait à le savoir, Scorpa détestait qu'on prenne des libertés avec les usages. Le Sénat outrepassait son rôle ; la nomination des procurateurs était une prérogative impériale. Que les sénateurs s'en soient emparés, a fortiori pour expédier au loin l'un des plus proches alliés de l'empereur, montrait combien l'autorité impériale s'était affaiblie. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que Paetus ait fini par connaître le destin que l'on sait... Scorpa ressentait presque de la pitié pour le défunt.

Mais Caïus Protero Feles, lui, se targuait de cette prétendue légitimité que lui conférait sa nomination par le Sénat. Lui, l'ami de l'empereur, qui avait même épousé sa nièce, il arborait cette excuse vaseuse comme un talisman dégoulinant de cynisme. Abjecte hypocrisie. Cynique personnage. Scorpa en ressentait un profond malaise, et s'empara d'un grain de raisin pour se donner une contenance. Le fruit était à la fois amer et trop sucré, représentation parfaite de la maîtresse et du maître de maison. Il mâchonna avec mauvaise grâce, ignorant que le jus lui coulait d'un coin de la bouche et que l'éclairage faisait briller cette traînée humide qui lui dégoulinait jusque sur le menton.

Mais Feles aurait grand tort de croire que cette pirouette suffirait à faire taire toute contestation. Derrière son masque de sérénité, le Procurateur avait probablement conscience de la précarité de sa situation. En témoignait la démarche qu'il entreprenait pour la redresser discrètement, proposant au Préteur son soutien comme si c'était là une faveur qu'il accordait et non une nécessité. Le Procurateur avait besoin d'alliés. Sous son air inébranlable, il était aux abois. Mais pourquoi Scorpa viendrait-il en aide à cet homme ?

« Le jurisconsulte que je suis se doit de t'avertir, Caïus Protero Feles, du flou juridique dont tes adversaires pourraient vouloir tirer parti. Peu importe à qui il doit sa nomination, le Procurateur impérial représente l'empereur, c'est l'essence même de sa fonction ; et d'empereur, pour l'heure, nous n'avons plus. Tu parles au nom d'un fantôme, sans nom et sans visage ; ta légitimité n'est que le reflet d'une autorité disparue. » Il s'essuya le nez machinalement, avant que sa main ne s'égare dans un plat à gâteaux. Il s'empara de l'un d'eux, mais la texture de cette gourmandise lui semblait trop molle et trop grasse au bout des doigts ; il laissa finalement le plateau. « Ruvia n'en est pas à sa première crise, bien sûr. Entre les assassinats d'empereurs, les usurpations des Ribus et le rétablissement des Julii, l'Histoire a montré que l'affaissement du pouvoir central n'entraînait pas nécessairement la chute des Procurateurs dans les provinces. Nombre d'entre eux s'y maintenaient sans peine, tant par leur influence que par la force de l'habitude. Parce qu'ils étaient déjà en place depuis des années. Un atout dont tu ne peux te targuer, hélas ! Il est vrai que dans ton cas, cette crise survient fort tôt. »

L'œil fou du Préteur lorgnait avec acuité la poterie qu'avait remarquée son épouse, bien qu'en réalité, c'était le Procurateur que Scorpa fixait avec gravité de son œil normal. Pendant ce temps, Flavia poursuivait sa discussion avec la maîtresse des lieux, trop heureuse d'avoir enfin quelqu'un avec qui parler : « Nous n'avons sûrement pas le raffinement de la capitale, c'est vrai, mais nous aimons cultiver un savant mélange d'élégance et de simplicité. Mon mari dit souvent qu'il y a une frontière entre le raffinement et la vanité, il n'aime pas quand les choses sont gratuitement tape à l'œil. Je fais de mon mieux pour que notre maison soit à l'image de son rang tout en respectant ses goûts, mais ce n'est pas si facile. Il y a peu, j'ai fait planter des bégonias dans le jardin, même si j'espère qu'ils survivront à l'hiver. Je voulais qu'ils poussent en suspension sur la façade, mais j'ai peur que ça fasse un peu fouillis, non ? J'avais aussi pensé à des tulipes, c'est si agréable de les voir fleurir au printemps ! Même si on en trouve dans presque tous les jardins. Mais c'est pratique, il faut bien l'avouer, en général ça me tient bien deux ou trois années. J'aime beaucoup celles dont les fleurs sont doubles, et il y a une large gamme de couleurs qui permet de laisser libre court à mon imagination. Avant, le jardin en était rempli, mais j'en mets moins depuis la fois où notre fils Manius en a avalé par erreur. Il croyait que c'étaient des friandises, et il a gardé le lit pendant deux semaines en n'arrêtant pas de vomir. Est-ce que je t'ai parlé de mes beaux enfants ? J'en ai cinq, ils sont tous merveilleux. Peut-être qu'un jour nos enfants seront amis, comme nous le sommes déjà toi et moi. »

Elle esquissa un sourire adorable - et un peu flippant aussi - et s'apprêtait déjà à reprendre de plus belle, si Laelia ne trouvait pas rapidement le moyen de réfréner son désir de communiquer. Scorpa n'écoutait guère le bavardage insipide des deux femmes ; tout au plus fronçait-il les sourcils, un peu agacé par le ton aigû et la diction trop rapide de Flavia, mais sa propre conversation avec le Procurateur était bien trop sérieuse pour qu'il s'en laisse distraire.

« Nous sommes loin de Ruvia ici. Bien que nous soyons loyaux à notre cité mère, il est rare que les affaires de la capitale influent sur celles de notre province. Sauf lorsque, comme aujourd'hui, la tempête qui secoue Ruvia porte jusqu'à nous ses nuages de doutes et de peurs. Je ne voudrais pas que ces doutes et ces peurs empoisonnent la Curie ; et je ne voudrais pas que ta situation et le flou qui l'accompagne incitent des Curiates aventureux à entreprendre je ne sais quelles initiatives désastreuses. Certains sont prêts à saisir le moindre prétexte pour renverser l'ordre établi dans le simple espoir d'en ramasser quelque crédit. En ces temps d'incertitude, ramener un semblant de normalité peut désamorcer bien des problèmes. Les Curiates te connaissent mal, mais moi, ils me connaissent, et j'ai l'oreille de bon nombre d'entre eux. Si nous faisions une démonstration publique d'amitié, nul n'oserait remettre en cause ta légitimité à gouverner cette province. »
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeDim 11 Oct - 16:31


C’était comme si enfin on libérait un cabot de sa muselière. La brave femme du Prêteur, qui un jour avait dû être une femme fort respectable, s’élança dans un flot discontinu de palabres qui n’avait que peu de saveurs pour la ruvienne. Car là, chaque syllabe n’était qu’un pas de plus vers l’abime de bêtises de son invitée, et sa méconnaissance et son mauvais goût aurait tôt fait d’irriter n’importe qui aurait prêté attention à son discours. Mais voilà, Laelia ne lui accordait guère plus qu’une oreille distraite, un sourire aimable en se contentant de quelques brides éparses pour reconstituer une conversation qui ne manquerait, - à coup sûr -, d’être bien plus intéressante. Elle opinait du chef doucement sans trop se préoccuper de l’avis de sa comparse, bien trop occupé à tendre d’avantage ses esgourdes vers le dialogue des hommes. Non pas qu’elle se prétendait tout à fait sachante, mais elle pouvait se targuer d’une belle et bonne éducation. Être restée auprès de son oncle avait éveillé chez elle, et très tôt !, une facilité pour le dialecte politique. Et là, sous son toit, alors même qu’elle tentait de ne point craquer, Scorpa se permettait de menacer à mi-mot sa famille. Imperceptiblement, elle se tendit, alors que son ventre se déforma sous une cavalcade de l’enfant à naître.

Bien plus figée que l’instant d’avant, elle eut du mal à suivre les idées désorganisées de Flavia, qui, si elle ne se décidait à l’arrêter dans sa jacasserie, tiendrait une conversation à un mur. Une brève œillade à Caïus l’assura qu’elle avait bien entendu, mais il était bien plus sage de laisser cette affaire là à son époux ; en l’état il avait plus de tact qu’elle n’était capable d’en fournir, et il avait sa pleine confiance. Jamais le Chat ne permettrait qu’on l’insulte de la sorte sous son toit impunément. Ne lui restait alors que ce que l’on accordait habituellement aux femmes : la fourberie. Si l’épouse Sicinia avait tant la langue pendue, il ne serait guère difficile d’obtenir d’elle quelques aveux forts utiles. Et si elle n’y parvenait pour l’heure, - alors que l’œil fou de son déplaisant mari guettait non loin -, elle aurait tout le loisir de l’inviter plus tard. N’avait-elle pas elle-même avoué qu’elles étaient déjà amies ?

« Manius ? Est-ce l’aîné de tes fils ? J’ai cru comprendre que Caïus avait déjà eu la chance de croiser ta fille au forum. D’ailleurs devrais-je peut être lui présenter mes excuses ! Il l’a privé d’une belle affaire en m’offrant cette esclave l’autre jour ». Elle eut un petit gloussement qui aurait sonné bien plus faux si elle ne se délectait pas déjà du mauvais tour. « A croire que ma grossesse le rend plus nerveux que je ne le suis. Mais là ! Tu as bien plus d’expérience que moi en la matière, quoique ton époux parait bien plus calme que le mien ! Est-ce vos enfants qui l’a rendu ainsi ? Car j’ai beau comparer, Caïus me semble encore plus irritable que lorsque nous attendions Octavia ! ».
Laelia se pencha un peu pour se saisir de quelques fruits alors que d’un geste, elle appelait ses esclaves pour qu’ils apportent d’autres mets plus délicats.
« Je suis heureuse de t’avoir pour première amie. J’avais peur de me retrouver seule ici, et mon époux est si méfiant qu’il n’invite que des gens de confiance vois-tu. J’avais peur de tomber sur des personnes bien moins fréquentables ! Peut-être pourrais-tu me présenter à tes amies un jour ? Une femme de ta qualité ne peut qu’avoir des proches du même moule. Il est rare qu’un sculpteur talentueux produise une mauvaise pièce lorsqu’il est bien entouré ».
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeMar 13 Oct - 20:41


Les deux discussions se poursuivaient en parallèle. Caïus eut du mal à retenir un petit sourire en voyant l'oeil fou de Scorpa converger vers lui alors que le visage du Préteur se déformait de surprise. Pour une fois, sa nomination, qu'il considérait ce jour plus encore comme une punition visant à l'éloigner de l'Empereur, lui apportait une maigre satisfaction. Cependant, Primo retrouva rapidement de l'aplomb alors que son oeil repartait vadrouiller vers le côté.

Le jurisconsulte que je suis se doit de t'avertir, Caïus Protero Feles, du flou juridique dont tes adversaires pourraient vouloir tirer parti. Peu importe à qui il doit sa nomination, le Procurateur impérial représente l'empereur, c'est l'essence même de sa fonction ; et d'empereur, pour l'heure, nous n'avons plus. Tu parles au nom d'un fantôme, sans nom et sans visage ; ta légitimité n'est que le reflet d'une autorité disparue. Ruvia n'en est pas à sa première crise, bien sûr. Entre les assassinats d'empereurs, les usurpations des Ribus et le rétablissement des Julii, l'Histoire a montré que l'affaissement du pouvoir central n'entraînait pas nécessairement la chute des Procurateurs dans les provinces. Nombre d'entre eux s'y maintenaient sans peine, tant par leur influence que par la force de l'habitude. Parce qu'ils étaient déjà en place depuis des années. Un atout dont tu ne peux te targuer, hélas ! Il est vrai que dans ton cas, cette crise survient fort tôt.

Appuyé sur son coude, le Procurator garda le sourire qui était né quelques instants plus tôt, mais il demeurait un brin figé. À ses côtés, Laelia se retrouvait embourbé dans une discussion autour des bégonias qui avait l'air aussi inspirante que la pluie. N'y prêtant guère plus d'attention, le Procurator répondit au Préteur en fronçant légèrement les sourcils.

J'en ai bien conscience.

Le bigleux n'en avait pas fini et alors que les esclaves apportaient de nouveaux plateaux remplis de volailles laquées de miel , il surenchérit.

Nous sommes loin de Ruvia ici. Bien que nous soyons loyaux à notre cité mère, il est rare que les affaires de la capitale influent sur celles de notre province. Sauf lorsque, comme aujourd'hui, la tempête qui secoue Ruvia porte jusqu'à nous ses nuages de doutes et de peurs. Je ne voudrais pas que ces doutes et ces peurs empoisonnent la Curie ; et je ne voudrais pas que ta situation et le flou qui l'accompagne incitent des Curiates aventureux à entreprendre je ne sais quelles initiatives désastreuses. Certains sont prêts à saisir le moindre prétexte pour renverser l'ordre établi dans le simple espoir d'en ramasser quelque crédit. En ces temps d'incertitude, ramener un semblant de normalité peut désamorcer bien des problèmes. Les Curiates te connaissent mal, mais moi, ils me connaissent, et j'ai l'oreille de bon nombre d'entre eux. Si nous faisions une démonstration publique d'amitié, nul n'oserait remettre en cause ta légitimité à gouverner cette province.

Les yeux du Feles s'étrécirent à mesure que les mots du Préteur retentissaient au-dessus de la table qui séparaient les lits. Il invita le Préteur et son épouse à se servir d'un geste du plat de la main avant de s'emparer d'une patte aux reflets caramélisés. Il mordit dans la chair juteuse et avala sa bouchée en observant le bon oeil de Scorpa qui était rivé sur lui. Il répliqua avec calme.

Une proposition intéressante. Pourtant, il me semble bien tôt pour présumer de vélléités à mon encontre alors que, comme tu le dis, ni les curiates, ni le peuple ne me connaît. Les critiques et les contestations me paraissent être l'apanage des hautes fonctions et même le plus aventureux des Curiates verrait rapidement que s'attaquer au chef de la légion en faction dans un contexte politique aussi nébuleux serait un calcul désastreux. Avec l'assassinat de l'Imperator, il me paraît essentiel, comme tu l'as dit toi-même, de garder un semblant de normalité et cette normalité fait de moi un des Duumvir de la province.

Le Feles se saisit de sa coupe et la vida en une ultime gorgée avant de l'agiter en direction de l'esclave qui portait l'amphore non loin. Il continua son plaidoyer pendant que le liquide carmin tintait contre les bords du verre.

Pour ce qui est de cette démonstration publique d'amitié ... Tu me diras peut-être que je fais erreur et que je t'attribue des pensées roublardes, mais je ne peux m'empêcher d'y voir une simple récupération servant uniquement tes fins. Ta venue ici n'est pas secrète. Demain, ta visite pour partager un repas chez moi, sans autres invités fera déjà parler beaucoup dans les travées de la Curie. Tes amis salueront le rapprochement et tes ennemis cracheront leur fiel et te maudiront d'être d'ores et déjà dans mes petits papiers. Le Tribun Acilius est, de ce que j'ai compris, un proche du censeur Galba et du courant Populares, n'est-ce pas ? Une chose qui réduit, malgré ce que tu peux en dire, ton influence et celle de tes amis lors des débats. Tu cherches à toi aussi avoir un droit de veto dans la manche.

Caïus mordit une nouvelle fois dans la patte et haussa les épaules en agitant légèrement l'os en mastiquant.

Il se peut que je fasse erreur encore une fois. Pourtant, même si je vois sans peine ce que je pourrais t'apporter, je cerne mal ce que m'apporterait cette ... Comment l'as-tu formulé déjà ? ... "Déclaration publique d'amitié". Et que se passerait-il si je venais à refuser ? Je n'ose penser que sous tes déclarations dans un cadre privé et bon enfant, tu laisses planer une menace quelconque.

Il suçota l'os de poulet pour en arracher les derniers lambeaux de chair avant de lancer un regard presque innocent à son invité. Il en rajoutait un peu, juste assez pour paraître candide et pas assez pour que le Préteur ne se sente vraiment insulté ou menacé en retour. Du coin de l'oeil, il remarqua que Laelia souriait doucement en approuvant sa réponse.


Dernière édition par Caïus Protero Feles le Dim 25 Oct - 18:37, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeLun 19 Oct - 12:30


Chacune des paroles qui sortait de la bouche du Procurateur renforçait chez Scorpa l'idée que son interlocuteur cherchait à sauver la face. Une telle débauche de confiance ne pouvait être que le voile dissimulant un gouffre d'incertitudes. Ou alors, il s'aveugle en se croyant intouchable, songea Scorpa. L'imperator se parait des mêmes illusions jusqu'à ce que la garde vienne le chercher.

De fait, la conversation ne prenait guère le chemin qu'avait espéré le préteur en venant ici. Un temps, il envisagea même l'idée d'écourter ce repas et de leur faire gagner à tous un temps précieux en prenant congé des maintenant. Il se ravisa ; tout n'était pas perdu. Il pouvait encore parvenir à lui faire passer un message, s'il arrivait à percer l'épaisse carapace de sa mégalomanie... Ce qui, venant de Scorpa, n'était pas peu dire.

« Tu fais erreur, Procurateur je le crains. Sans faire offense à ton intelligence, il semble que tu me prêtes des intentions que je n'ai pas. Mais je ne saurais te jeter la pierre ; je reste à tes yeux un inconnu, et ta défiance témoigne d'une prudence qui fait souvent défaut aux puissants. »

Le procurateur saurait sans nul doute apprécier ce compliment à sa juste valeur, en le jugeant totalement hypocrite ; las, Scorpa était un homme bien élevé. D'une voix aimable, il entreprit d'expliquer sa démarche :

« Je ne suis pas venu chez toi en quête d'un avantage personnel, encore moins pour proférer une quelconque menace. C'est le sort de l'Oncmélie qui me tient à cœur, et si cela peut te sembler bien naïf, c'est bel et bien l'intérêt public qui m'a fait revenir en politique. » Scorpa aimait bien dire cela. En fait, il le disait à quiconque voulait l'entendre - ou quiconque ne pouvant éviter de l'entendre - et nul n'y croyait jamais une seule seconde. Scorpa se l'était pourtant répété si souvent qu'il s'en était convaincu lui-même. « Je ne suis pas venu te demander de prendre fait et cause pour moi, ni d'appuyer mes initiatives. Au vrai, je ne te demande absolument rien. Il me semble cependant que nos intérêts se rejoignent ; sans préjuger de mon influence, je la crois suffisante à garantir ta légitimité, à tout le moins préserver cette "normalité" qui nous tient tous deux à cœur. Mais je ne te forcerai pas la main - comment le pourrais-je ? Il est vrai que, dans l'état actuel des choses, celui qui oserait s'en prendre à toi ferait un bien mauvais calcul, mais tu remarqueras assez vite que certains Curiates ne sont pas venus au monde avec un sens inné des réalités. » Il haussa les épaules, sans prendre la peine de citer des noms. « Quant à savoir ce que j'y gagne, c'est somme toutes assez simple. La paix civile, d'abord, à laquelle je suis fort attaché. Et la satisfaction de ne pas laisser une nouvelle fois les coudées franches au Tribun Acilius sans véritable contre-pouvoir. Tu vois, Ô Procurateur, que je ne te cache rien. »

Pendant ce temps, sa bien-aimée épouse se livrait à cœur ouvert à sa nouvelle amie. Elle lui parla de Manius, qui n'était pas son aîné mais son second fils et le quatrième de leurs enfants, puis entreprit de lui faire un portrait parlé de chacun des chiards qu'elle avait pondus. Honoria, la fille aînée, la prunelle de ses yeux, si douée pour la musique mais si secrète, et qui passait étrangement beaucoup de temps aux thermes ; Primo Minor, le premier fils, bouillant de toute la fougue propre aux adolescents et beau comme tout garçon dans les yeux de sa mère ; Galla, la deuxième fille, en proie elle aussi aux rebellions de l'adolescence ; Manius, si gentil mais si fragile, qui portait un autre cognomen pour des raisons qu'elle ne mentionna pas ; Gaius enfin, le petit dernier, déjà si éveillé pour son jeune âge. Entre deux ou trois banalités - les enfants grandissent trop vite, c'est fou comme ils ressemblent à leur père tout en ne lui ressemblant pas du tout, et blablabla et blablabla - elle trouva le moyen d'évoquer le projet de mariage de leur fille Honoria avec le questeur Marius Tullius Barbatus et du mélange de tristesse et de joie qu'elle ressentait à l'idée que sa première fille quitterait bientôt le foyer. Elle parla du calme de son mari, que les gens prenaient - à tort selon elle - pour de la froideur, se vanta d'être si chanceuse d'avoir épousé un homme si bon et juste - avec tant d'assurance qu'il semblait difficile d'imaginer qu'elle n'y croyait pas elle-même - puis finit par confesser, avec une pointe de regret dans la voix, qu'elle n'avait plus beaucoup de véritables amies ni tellement d'occasions de sortir, si ce n'était pour accompagner son époux lors des réceptions mondaines.

« Mais je ne m'inquiète pas pour toi. Tu es l'épouse du procurateur, je suis certaine que toutes les matrones d'Edelmia voudront goûter le plaisir de ta compagnie. » Dans la bouche de son mari, cela aurait sonné comme une mise en garde contre l'hypocrisie de ces amitiés intéressées ; mais Flavia n'avait jamais su lire le mal chez les gens. Elle voyait toujours les choses comme elles semblaient être sous leur abord le plus simple. La conséquence, sans doute, de vingt années passées à se taire et à sourire. « Au fait, sois sans crainte pour l'esclave ; je ne pense pas qu'Honoria vous en tienne rigueur, elle a déjà tout ce qu'il lui faut. Mais c'est si difficile de nos jours de trouver de bons serviteurs. »
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeDim 25 Oct - 18:36


Le Procurator et le Préteur se jaugeait, les yeux dans l'oeil -l'autre oeil errant au gré de ses envies- et se livrait à un échange des plus passionnant. Jadis peu enclin à débattre avec des hommes rompus à la politique, il avait appris auprès du meilleur, n'en déplut à ses détracteurs et désormais meurtriers. Et alors qu'il devisait, confiant d'avoir su trouver la bonne répartie aux propositions de Scorpa, ce dernier répliqua sans paraître se renfrogner plus qu'à l'accoutumée.

Tu fais erreur, Procurateur je le crains. Sans faire offense à ton intelligence, il semble que tu me prêtes des intentions que je n'ai pas. Mais je ne saurais te jeter la pierre ; je reste à tes yeux un inconnu, et ta défiance témoigne d'une prudence qui fait souvent défaut aux puissants.

Un peu de cirage sur les sandales ne faisaient jamais de mal. Un petit sourire naquit au coin des lèvres du Feles, même s'il ne pouvait s'empêcher d'y voir un bel étalage d'hypocrisie de la part de l'oncmélien. Les propos de Caïus avaient au moins eu le mérite de briser la morgue qui imprégnait les mots du Préteur. Ce dernier surenchérissait plus aimablement que précédemment.

Je ne suis pas venu chez toi en quête d'un avantage personnel, encore moins pour proférer une quelconque menace. C'est le sort de l'Oncmélie qui me tient à cœur, et si cela peut te sembler bien naïf, c'est bel et bien l'intérêt public qui m'a fait revenir en politique. Je ne suis pas venu te demander de prendre fait et cause pour moi, ni d'appuyer mes initiatives. Au vrai, je ne te demande absolument rien. Il me semble cependant que nos intérêts se rejoignent ; sans préjuger de mon influence, je la crois suffisante à garantir ta légitimité, à tout le moins préserver cette "normalité" qui nous tient tous deux à cœur. Mais je ne te forcerai pas la main - comment le pourrais-je ? Il est vrai que, dans l'état actuel des choses, celui qui oserait s'en prendre à toi ferait un bien mauvais calcul, mais tu remarqueras assez vite que certains Curiates ne sont pas venus au monde avec un sens inné des réalités. Quant à savoir ce que j'y gagne, c'est somme toutes assez simple. La paix civile, d'abord, à laquelle je suis fort attaché. Et la satisfaction de ne pas laisser une nouvelle fois les coudées franches au Tribun Acilius sans véritable contre-pouvoir. Tu vois, Ô Procurateur, que je ne te cache rien.

Caïus déposa l'os de volaille qu'il avait nettoyé de la plus petite trace de chair. Il se saisit d'un autre pilon doré et grignota la viande tandis que le Préteur s'épanchait. Un sourcil s'arqua légèrement sur le front du Feles en écoutant les paroles de son invité. Aux côtés des hommes, la douce Flavia semblait bien bavarde face à Laelia. Elle était intarissable sur ses enfants et de son mari. Une épouse disciplinée mais qui était fade aux yeux de Protero qui préférait de loin la sienne, malgré son tempérament explosif et son caractère bien trempé. Il but une gorgée de vin pour faire descendre la viande avant de poursuivre son échange.

Nous souhaitons la même chose, Préteur, la paix civile ! Et si cela peut te rassurer, je n'ai en aucun cas l'intention de me ranger à l'avis du Tribun en toutes circonstances. Cependant, et j'espère que tu n'y verras aucune offense, car il n'y a aucune dans mes propos, je n'ai pas besoin de toi pour me garantir une quelconque légitimité.

Un petit sourire narquois s'étira sur le visage du Procurator qui poursuivait.

Nous sommes des inconnus l'un pour l'autre, comme tu l'as dit plus tôt, et il est tout à fait normal que toi ou tes semblables soyaient méfiants à mon encontre. Je souhaite prouver ma valeur à chacun de vous et dissiper les doutes qui accompagnent ma nomination. Mais aussi vrai que je ne souhaite pas m'aliéner un courant de pensée influent à la Curie, je ne veux pas en être dépendant. Je suis un homme d'action et d'initiative et c'est par cela que je veux asseoir ma légitimité à tes yeux comme à ceux de tes pairs. Je ne me vois pas devenir un contre-pouvoir systématique à toutes propositions car je compte dans mes proches tel ou tel curiates assis de tel ou tel côté de l'hémicycle.

Il arracha une nouvelle pièce de viande délicatement sucrée avant d'en finir.

C'est du respect des pairs d'Oncmélie dont j'ai besoin et aucune alliance politique et publique ne saura me l'apporter. Si les Dieux veulent que le temps nous rapproche et fasse de nous des amis, qu'il en soit ainsi mais, et tu jugeras peut-être cela naïf, je ne pense pas que c'est pendant une cena où l'on va deviser de ma légitimité pendant des heures que cette amitié se scellera. Et puis, au contraire du Tribun Acilius, je n'aurai pas à être réélu chaque année, ce qui m'encourage à me montrer plus intègre et juste que ce dernier, si je comprends bien le fond de ta pensée.

Il s'apprêta à mordre une nouvelle fois dans la patte lorsqu'une interrogation légèrement acide apparut dans son esprit. Il ne se fit pas prier pour poser sa question.

D'ailleurs, puisque les Optimates sont si influents, comment se fait-il qu'un curiate Populare se retrouve à la plus haute magistrature depuis des années ?
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Primo Sicinius Scorpa

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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeVen 13 Nov - 16:43


Scorpa se contenta de hocher de la tête pour acquiescer à chacune des paroles du Procurateur. Il était étonnant et presque amusant de constater qu'ils clamaient l'un et l'autre désirer la même chose, tout en soulignant qu'ils n'étaient d'accord sur rien. Scorpa eut probablement goûté l'ironie, si seulement il était doté d'un semblant d'humour. Il ne l'était pas.

Tu ne t'abaisseras pas à m'être redevable, d'aucune manière que ce soit, comprit le préteur. Je ne suis qu'un inférieur à tes yeux, un subalterne, indigne de ta considération. Eh bien, débrouille-toi, puisque tel est ton désir, et puissent les dieux nous débarrasser de toi plus rapidement qu'ils ne nous ont débarrassé de Pulcher. Il s'empara d'une pâtisserie qu'il fourra dans sa bouche. Elle était grasse comme le Censeur Galba et amère comme la matrone Protera. Il la mâchonna de mauvaise grâce, avec le désagréable sentiment d'être venu ici pour avaler des couleuvres. Choqué. Déçu. Il ne vit pourtant pas arriver le coup de grâce, lorsque, d'un air faussement innocent, le procurateur osa lui demander pourquoi ses ennemis populares tenaient le Tribunat consulaire depuis des années. Il se rit de moi, s'indigna Scorpa, il veut me faire sortir de mes gonds. Mais il ne lui donnerait pas cette satisfaction.

« Le triomphe du mal résulte toujours de l'inaction des hommes de bien », affirma Scorpa. « Le poison populiste s'est librement répandu parce que les miens ont dédaigné prendre cette menace au sérieux, et que de jeunes oreilles se laissent facilement séduire par des mensonges enrobés de vaines promesses. Le siège du Tribun a ainsi échappé aux Optimates, parce qu'ils n'ont su répliquer aux invectives des Populares avec la même violence qu'eux. Aux yeux des nouvelles générations, nous passions pour l'ancien monde. Ils nous ont ringardisé, nous accusant de nous morfondre dans un passé révolu ; voilà un discours simple que le Curiate le plus inculte est à même d'assimiler et de répéter à l'envi. Il est toujours plus ardu de convaincre les foules de réalités complexes, quand celles-ci peuvent se raccrocher à des semi-vérités qui leur donnent l'impression de tout savoir et de tout comprendre.

Tu l'ignores sans doute, mais je me suis longtemps tenu à l'écart de la politique. Des années durant, je me suis consacré exclusivement à mes écrits, m'y jugeant plus utile que sur les bancs de la Curie. Sans doute était-ce égoïste de ma part ; je ne songeais pas, à l'époque, que l'on puisse avoir besoin de moi. L'influence néfaste des Populares a fini par m'y rappeler, tout récemment encore. Quelques mois à peine après mon retour dans l'hémicycle, j'ai présenté ma candidature pour le renouvellement annuel de la magistrature, et c'est à moi qu'est échue la Préture. L'Edile Servius Tuccius Firmius fut également élu parmi nos rangs. Le Questeur Marius Tullius Barbatus penche également en notre faveur, et le Censeur Sepion Vosegus Comatus est l'un de nos plus éminents chefs de file. Est-ce là le signe d'un courant politique au déclin ? Je ne le crois pas. Les Populares ont préservé le Tribunat consulaire sur cette magistrature, mais c'est bien là leur seul succès ; un succès fragile qu'ils seront bien en peine de soutenir aux prochaines élections. »


Songeant à ce qu'il avait accompli et aux succès qu'il se promettait d'accomplir encore, Scorpa sentit une bouffée d'orgueil l'envahir. Qu'importe l'indifférence du procurateur, les faits étaient là. L'Oncmélie n'avait pas de meilleur serviteur que lui-même. Heureusement, il était venu au monde avec un sens inné de la modestie.

« Si les dieux choisissent de récompenser la cause des justes, un Optimate pourrait siéger à tes côtés l'an prochain. »
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeSam 14 Nov - 10:31


Grignotant sa volaille du bout des lèvres, le Procurator sentit qu'il avait abordé un point sensible en voyant l'oeil fou de Scorpa se redresser pour se fixer sur lui. La bouche crispée du Préteur se dessera pour libérer un ton plein de morgue.

Le triomphe du mal résulte toujours de l'inaction des hommes de bien. Le poison populiste s'est librement répandu parce que les miens ont dédaigné prendre cette menace au sérieux, et que de jeunes oreilles se laissent facilement séduire par des mensonges enrobés de vaines promesses. Le siège du Tribun a ainsi échappé aux Optimates, parce qu'ils n'ont su répliquer aux invectives des Populares avec la même violence qu'eux. Aux yeux des nouvelles générations, nous passions pour l'ancien monde. Ils nous ont ringardisé, nous accusant de nous morfondre dans un passé révolu ; voilà un discours simple que le Curiate le plus inculte est à même d'assimiler et de répéter à l'envie. Il est toujours plus ardu de convaincre les foules de réalités complexes, quand celles-ci peuvent se raccrocher à des semi-vérités qui leur donnent l'impression de tout savoir et de tout comprendre. Tu l'ignores sans doute, mais je me suis longtemps tenu à l'écart de la politique. Des années durant, je me suis consacré exclusivement à mes écrits, m'y jugeant plus utile que sur les bancs de la Curie. Sans doute était-ce égoïste de ma part ; je ne songeais pas, à l'époque, que l'on puisse avoir besoin de moi. L'influence néfaste des Populares a fini par m'y rappeler, tout récemment encore. Quelques mois à peine après mon retour dans l'hémicycle, j'ai présenté ma candidature pour le renouvellement annuel de la magistrature, et c'est à moi qu'est échue la Préture. L'Edile Servius Tuccius Firmius fut également élu parmi nos rangs. Le Questeur Marius Tullius Barbatus penche également en notre faveur, et le Censeur Sepion Vosegus Comatus est l'un de nos plus éminents chefs de file. Est-ce là le signe d'un courant politique au déclin ? Je ne le crois pas. Les Populares ont préservé le Tribunat consulaire sur cette magistrature, mais c'est bien là leur seul succès ; un succès fragile qu'ils seront bien en peine de soutenir aux prochaines élections. Si les dieux choisissent de récompenser la cause des justes, un Optimate pourrait siéger à tes côtés l'an prochain.

Caïus releva les sourcils et déclara avec un léger sourire, s'assurant qu'il avait bien lu entre les lignes.

Un Optimate comme toi, n'est-ce pas ?

Il laissa la question flotter un instant dans le silence, se contentant de croiser le regard divergent de Scorpa avec une lueur malicieuse dans ses prunelles. Ce bigleux était bouffi d'orgueil et semblait se voir comme le sauveur de la province contre une menace enracinée dans les plus profondes strates de la société. Il but une gorgée de vin fruité qu'il fit tournoyer dans sa bouche avant de l'avaler. Le Procurator garda un air et un ton détâché alors qu'il reprenait la parole.

Un orateur talentueux tel que toi devrait pouvoir prétendre à la plus haute fonction magistrate, surtout avec des soutiens de poids comme l'Edile ou le censeur Vosegus. J'ai plus de doute sur le soutien de Barbatus. Il m'a semblé, lors de notre rencontre, moins acquis à ta cause que tu le prétends. Pour être honnête avec toi, j'ai l'impression qu'il est une girouette brossant celui qui parle le plus fort dans le sens du poil. Le genre de personne de peu de convictions qui va là où le vent est favorable. Je suis peu convaincu de son utilité à la Curie si tu brigues un mandat de Tribun.

Le Feles haussa les épaules en secouant légèrement la tête, paraissant se dédouaner des paroles qu'il prononçait.

Mais bon, peut-être est-ce une fausse impression. Je connais encore mal nos pairs, mais je préfère un adversaire coriace et en accord avec ses convictions, même si elles sont contraires aux miennes, qu'un mouton qui suit aveuglèment son berger à la tonte.

Il but une nouvelle gorgée avant de déposer l'os de poulet totalement nettoyé de la moindre chair sur la table basse. Il suçota le bout de ses doigts pour récupérer le jus qui s'y était collé avant de conclure.

Dans tous les cas, je te souhaite de réaliser tes ambitions, Scorpa. Je serais honoré de partager la gouvernance à tes côtés si les Dieux et les votes en décident ainsi. As-tu déjà consulté les augures pour voir s'ils te sont favorables ?
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MessageSujet: Re: A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia]   A propos de ton oncle... [Caïus, Laelia] I_icon_minitimeMer 2 Déc - 10:21


« En effet, un Optimate comme moi », répondit Scorpa sans détour. Il n'y avait rien de sincère chez cet homme, il en était désormais convaincu, mais il choisit de ne pas relever le sarcasme déguisé sous les encouragements. Il n'y avait rien d'étonnant à ce que le Procurateur lui passe un peu de pommade ; sans doute flairait-il, s'il avait un peu de bon sens politique, les premiers signes de l'ascension inexorable à laquelle le préteur était promis. Plus étonnante était la manière dont son hôte invitait le questeur Barbatus dans leur conversation, comme un cheveu sur la soupe, dressant de lui un portrait peu flatteur. Scorpa aurait sans doute dû défendre un peu son futur gendre, mais sur le moment, il ne trouva rien à redire, aussi se contenta-t-il d'un haussement d'épaule, comme on le fait à l'évocation de problèmes mineurs. Il préférait parler de lui-même. Il avait toujours préféré cela. « Il serait sot de se voiler la face et, ma modestie dut-elle en souffrir, je sais pertinemment que je ferai un excellent Tribun, parfaitement apte à restaurer la grandeur de l'Oncmélie sous ma bienveillante administration. Ce n'est pas là une ambition, c'est un devoir. » Il ponctua ce bel élan d'humilité d'un bref silence, étouffant son amour de lui-même dans une gorgée de vin. « Mais je ne cours pas après les honneurs et il ne m'importe guère que l'on acclame mon nom dans la Curie et dans les rues des trois cités d'Oncmélie mineure », mentit-il, « aussi, si un homme qui partage mes convictions s'avérait mieux placé que moi pour briguer la magistrature tribunitienne, je le soutiendrai sans férir. Il est encore un peu tôt pour faire campagne, et les élections n'auront pas lieu avant longtemps ; je me dois à ma charge actuelle, et je n'ai pas voulu soumettre à l'arbitrage des dieux ce qui n'est encore qu'une réflexion. Il va sans dire qu'à l'heure venue, je le ferai, et si l'arrêt devait m'être défavorable, je n'irai point à l'encontre de la volonté divine. »

Le préteur avait voulu habiller ses projets d'un voile de prudence, mais la nonchalance avec laquelle il énonçait cette condition laissait clairement entendre qu'il n'envisageait pas sérieusement d'autre hypothèse qu'un avis favorable. Comment les dieux pourraient-ils s'opposer à ses desseins, lui qui était l'homme le plus irréprochable et le plus juste de tous ?

Le repas se prolongea encore un long moment, au grand désarroi, sans doute, de chacun des convives, même de Flavia, dont la conversation rencontrait de moins en moins d'écho chez l'épouse du Procurateur. Chacun aspirait à retrouver sa tranquillité au plus vite, mais tous étaient trop bien élevés pour formuler à voix haute ce qui aurait dû être évident pour tout le monde. Alors, et seulement une fois qu'on eut honoré les plats et les vins et épuisé bien des sujets futiles, évoquant tout ce qui était accessoire en évitant soigneusement l'essentiel, le préteur et son épouse prirent enfin congé de leurs hôtes. Flavia se répandit une nouvelle fois en remerciements sincères avec la verve dont elle était capable, ce qui remit sérieusement à l'épreuve les nerfs de tout le monde, déjà passablement émoussés. Enfin, le préteur finit par l'attraper par le bras avant qu'elle ne relance un nouveau sujet et, après avoir salué avec civisme ses hôtes, put s'en retourner à sa demeure et à ses projets.

« Ces gens sont réellement charmants », lui dit Flavia sur le chemin du retour. « Il faudra les inviter. »

Le préteur ne répondit pas.
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